Algérie-Reportage : Rencontre avec les harragas qui ont réussi à « passer » (2ère Partie)
Un reportage en 4 parties de Fayçal Anseur (Le Matin)
Suite de la première partie.
Harragas de luxe
Le gouvernement algérien, à l’instar de tous les gouvernements des pays du continent Africain, est inquiété par le phénomène de la fuite des cerveaux -rongés par le manque de perspectives et le chômage-, et le dispositif du projet de loi de Sarkozy sur l’immigration choisie ne le rassure guère.
La France a besoin de ces jeunes parcheminés, et rien ne semble arranger mieux les intérêts du Mouvement des entreprises de France (le MEDEF) que d’injecter de la matière grise « importée » bon marché, dans les entreprises françaises. Et ce, quitte à laminer les retours sur investissements en matière de ressources humaines des pays d’origines où ces diplômés ont acquis leurs savoirs au frais de l’Etat.
Ce phénomène de « fuite des cerveaux », prend de plus en plus d’ampleur et a tendance à se généraliser dans les pays arabes pourvoyeurs d’immigrés instruits.
En effet, à en croire les résultats d’une récente étude réalisée conjointement par un centre de recherche égyptien et un centre d’études stratégiques basé à Dubaï, le monde arabe est amputé, chaque année, de 50% des médecins qu’il forme, de 23% de ses ingénieurs et de 15% de ses scientifiques.
L’Algérie n’est pas à l’abri d’un tel désastre, loin s’en faut. Selon le CREAD et le CNE, beaucoup de cadres, intellectuels et scientifiques, notamment 3 000 informaticiens, ont quitté le bercail entre 1992 et 1996, en partie pour des raisons sécuritaires et de carrières. On parle ainsi de 40 000 chercheurs expatriés, en dix ans, partis s’installer ailleurs dans des pays tels que la France, le Canada et les Etats-Unis.
A la fin des années 90 un manque accru d’informaticiens, a acculé la France - inquiétée à son tour par ce qu’on a nommé à l’époque le Bug de l’an 2000- à recourir au recrutement de jeunes diplômés étrangers dont des algériens qui étaient pour la plus part des ingénieurs en poste de graduation. Amir, 27 ans, appartenait à cette catégorie de cadres. Parti d’Oran en 1999 pour préparer un DEA de traitement de l’image et du signal à école nationale supérieure de l’électronique et ses applications (ENSEA) de Paris, il s’est retrouvé au bout d’un an d’étude, embauché avec un salaire confortable, comme ingénieur programmateur dans une prestigieuse multinationale SCHLUMBERGER, en l’occurrence.
Depuis lors il a gravi des échelons. Il s’est spécialisé aujourd’hui dans la programmation des cartes troisième génération de téléphonie mobile, le pic de la technologie en la matière. Polyglotte et expérimenté, il passe son temps entre les aéroports du monde entier pour accomplir sa nouvelle mission de commercial.
Est-ce qu’il comblé pour autant ? : « Je veux rentrer en Algérie, parce que je veux faire profiter mon pays de mon savoir, pour qu’on nous vende pas n’importe quoi et plus cher. Si je trouve un poste de consultant chez un opérateur, je serais capable de quitter la France. ». Il nous apprend que son entreprise a, entre 2004 et 2005, vendu 1 450 000 cartes à Mobilis et El Watania . Une commande qui se chiffre à plusieurs centaines de milliers d’euros.
Amir se dit, quant à lui, capable de proposer mieux avec un prix bradé : « A l’aide d’un bon serveur et la nouvelle application de carte troisième génération, je suis capable d’offrir aux opérateurs un produit multifonctionnel qui remplace la carte à recharge. Du coup le prix de revenu sera optimisé et les abonnés paieront moins cher… ».
Le secteur de l’informatique ne demeure pas, toute fois, le seul créneau dans lequel on trouve des compétences venues d’Algérie.
La canicule qui a frappé la France en 2002 a relancé le débat autour du problème du manque de personnel médical et paramédical.
Depuis c’est la ruée vers l’or pour les jeunes médecins algériens. Une occasion de parfaire leurs connaissances dans les hôpitaux de France et renflouer, au demeurant, leur compte en banque. Ils seraient ainsi 7000 milles, dont 2000 dans la région parisienne, à avoir cédés au chant des sirènes de l’hexagone.
Au bout de sept ans d’étude après le bac, ces médecins généralistes, se voient interdire d’exercer le métier en France. En tout cas pas en qualité de médecin. Pour accéder à ce statut, il faut passer par des équivalences et ce n’est pas une sinécure. Cependant, le manque de personnel a encore une fois obligé la France à adopter une nouvelle démarche visant à utiliser à titre palliatif et provisoire des médecins étrangers dans ses hôpitaux pour combler le manque. Cette décision est la conséquence des dégâts occasionnés par la canicule en 2002 parmi la population française, mais demeure, toutefois, un pis-aller. En tout état de cause, elle profite à ces médecins expatriés. Ces derniers trouvent plus facilement du travail. En parallèle à leurs études ou stages, ils assurent des gardes la nuit dans les hôpitaux, souvent comme infirmiers. C’est éreintant à la longue, mais c’est ici une opportunité à ne pas laisser passer, pensent-ils. « C’est ma troisième année à Paris. Je prépare ma spécialité et je profite pour travailler aussi. Je fais entre trois et quatre permanences par semaine, c’est bien payé et ça me motive pour l’avenir» confie Fouad un jeune médecin de 28 ans. Son projet est de s’installer un jour à son compte en Algérie. « La France m’offre une chance pour garantir mon avenir, alors je la saisis. Jamais je ne pourrais gagner aussi bien ma vie en Algérie. Ce que je gagne en un mois ici est l’équivalent de 5 fois mon salaire de médecin dans mon pays ».
Est-ce que cette élite rentrera un jour au bercail, ou bien restera-elle en France ? Cela dépendra, vraisemblablement, de la politique de la France, aujourd’hui, dans le traitement du dossier sur l’immigration : système de quotas et discrimination positive à l’américaine ? Mais tout semble indiquer que le retour au pays n’est pas leur première préoccupation pour l’instant.
Fayçal Anseur (Le Matin)
A suivre : 3è partie
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La fuite de nos cerveaux arrangent bien les médiocres, Dieu sait qu’il y en a beaucoup et occupent des postes de haute responsabilité. Les incompétents parachutés, souvent intouchables font tout pour écarter les cadres bien formés. Combien d’Algériens sont rentrés au bled après leur formation dans le but de servir le pays ? Beaucoup. Combien en sont repartis. Presque tous. Ils ont pris la précaution de garder un pied là-bas ? Ils repartent avec ou sans regret laissant derrière eux les médiocres qui jubilent. Beaucoup se reconnaissent dans ce que j’écris. J’écris en connaissance de cause. Pourtant, et pourtant l’avenir, il est bien chez nous, et j’espère que bientôt les choses changent. Les prémices sont là, dans la lecture du ras le bol général que nos valeureux journaux rapportent quotidiennement. Il faut que ça change ! Les médiocres, les corrompus, les parachutés doivent déguerpir et au plus vite. Ils ne peuvent rien contre le mouvement de l’histoire, balisé par le sang de tous ceux qui se sont sacrifiés pour que vive l’Algérie.
La fuite de nos cerveaux arrangent bien les médiocres, Dieu sait qu’il y en a beaucoup et occupent des postes de haute responsabilité. Les incompétents parachutés, souvent intouchables font tout pour écarter les cadres bien formés. Combien d’Algériens sont rentrés au bled après leur formation dans le but de servir le pays ? Beaucoup. Combien en sont repartis. Presque tous. Ils ont pris la précaution de garder un pied là-bas ? Ils repartent avec ou sans regret laissant derrière eux les médiocres qui jubilent. Beaucoup se reconnaissent dans ce que j’écris. J’écris en connaissance de cause. Pourtant, et pourtant l’avenir, il est bien chez nous, et j’espère que bientôt les choses changent. Les prémices sont là, dans la lecture du ras le bol général que nos valeureux journaux rapportent quotidiennement. Il faut que ça change ! Les médiocres, les corrompus, les parachutés doivent déguerpir et au plus vite. Ils ne peuvent rien contre le mouvement de l’histoire, balisé par le sang de tous ceux qui se sont sacrifiés pour que vive l’Algérie.