Algérie-Reportage : Rencontre avec les harragas qui ont réussi à « passer » (1ère Partie)
Un reportage de Fayçal Anseur (Le Matin)
L’avenir ne leur augurait rien de rassurant dans leur pays d’origine, l’Algérie Ils en avaient le ras le bol. Difficile de s’épanouir et de s’assurer une vie correcte. Ces algériens qui ont décidé de s’exiler en France ont joué quitte ou double. Ceux qui ont la volonté chevillée au corps sont parvenus finalement à rebondir dans cette terre d’Europe. D’autres titubent toujours, mais ne renoncent pas encore… Les moins chanceux se résignent devant l’échec et végètent dans la clandestinité en attendant…
Les étudiants, l’euro et le Canada
5h00 du matin. Atman, 28 ans, sort de chez lui à moitié endormi. Il a un train à prendre et doit se présenter à 6h30 à la boulangerie où il travaille comme pâtissier depuis une année. Quand il a quitté l’Algérie en 2002 avec un visa d’étude et un diplôme d’ingénieur en poche, il rêvait de réussir dans une France qu’il a connu paradisiaque par le truchement des médias et les histoires des émigrés. Une fois arrivé, il découvert la froideur et la dureté d’une réalité que l’on frôle à peine dans les récits des vacanciers : il faut ce lever tôt, trimer fort et ne compter que sur soi.
« Je suis ingénieur en génie civil, mais tout ce que j’ai appris en Algérie ne me sert à rien ici. Nous sommes dépassés. A l’université tous les étudiants travaillent sur ordinateur alors que pour moi c’est une chose à laquelle on ne m’a pas formé en Algérie, . J’ai appris la pâtisserie dans la boulangerie de mon père et c’est grâce à ce métier que j’arrive à gagner ma vie aujourd’hui en France. Ne pouvant pas espérer trouver un travail dans mon domaine, les connaissances accumulées durant ces cinq ans d’études restent en jachère » regrette Atman, qui partage un studio de 35 m2 avec deux de ses copains étudiants eux aussi, mais seulement sur la carte de séjour, ayant à leur tour abandonné les études pour le travail.
Entre 2000 et 2006 la France a délivré plus de 25 000 visas d’études aux algériens. Une aubaine pour les jeunes candidats à l’immigration. Paris, qui nourrit l’ambition de devenir la plus grande ville universitaire d’Europe voire du monde, s’est taillée la part du lion. Elle offre plus d’opportunités de travail ; elle est métropolitaine et abrite une importante communauté nord-africaine. Une ville donc moins effrayante et prospère, de quoi plaire aux futurs immigrés séduits par le gain rapide et la conditionnelle liberté de circulation - même outre les frontières françaises - assurée par leur titre de séjour d’un an.
Une fois ce dernier document retiré de la préfecture de police, les étudiants sillonnent les bureaux d’intérim, les agences d’emplois… Tout y passe : restauration rapide, services de sécurité dans les grandes surfaces commerciales , vente : l’essentiel est de trouver un petit boulot afin de récupérer les frais du voyage et se mettre de côté un pécule en euros.
Pendant ce temps consacré au travail, les bancs des universités sont presque désertés, par ces étudiants algériens d’un autre acabit . Seuls quelques ambitieux s’accrochent à leurs études : « En France- raconte Mohamed, 27 ans, originaire de Tlemcen- la loi m’interdit de travailler plus de 17 heures par semaine et m’exige une autorisation délivrée par le bureau de la main d’œuvre étrangère, mais si je suis là, c’est pour me faire de l’argent quitte à outrepasser les règlements. Je ne suis pas dans mon pays et je n’ai pas d’autres choix que de compter sur moi, ici personne ne t’aide » conclut-il, incrédule.
Cela fait six mois qu’il a réussi à s’arranger avec son patron pour travailler à plein temps (35 heures par semaine) comme plongeur dans un restaurant. Il fait sans doute partie des plongeurs les plus diplômés de sa profession, car il est ingénieur en électronique. « Je n’ai pas honte de faire ce boulot. Le Canada est mon objectif. J’ai déposé mon dossier et j’ai été admis, alors je galère pour gagner le plus d’argent possible pour mon départ ». Mohamed perçoit 1050 euros par mois. Il en dépense, au compte-gouttes 250 euros par mois entre le loyer- 100 euros (il occupe avec son ami une chambre de 15 m2 dans un foyer miteux)- et les autres charges : nourriture, transport…
Le Canada, la nouvelle terre d’accueil pour ces jeunes. La France offre peut être le travail et les études, mais c’est éphémère, vu les difficultés qui vont crescendo pour le renouvellement de la carte de séjour et les nouvelles circulaires contrôlant de plus prés le monde des études et du travail des étrangers et prévoyant de sévères sanctions contre les tricheurs.
Le Québec a besoin de peupler ses terres et a fortiori par des immigrés diplômés et francophones. La procédure ne dépasse pas 12 mois et le fameux visa à vie est délivré au candidat après un entretien, le dépôt d’un dossier et le paiement des frais d’études qui avoisinent les 2000 euros.
F.A. (Le Matin)
A suivre : 2è Partie
Commentaires (4) | Réagir ?
Bravo LE_MATINDZ pour votre article, je souhaite que le grand nombre d'Algériens (nes) qui ont le soucis du pays de ses jeunes et de son avenir puissent s'imbiber de votre article esentiellement les jeunes.
Il serait intéressant de le publier plusieurs jours de suite
Bravo
C'est un leurre, mais comment leur expliquer à ces jeunes intrépides qui affrontent la houle et la mer que l'avenir est en Algerie. Au lieu de prendre le risque de mourir quelque part en Mideterranée autant mourir sur la place des Martyrs pour que s'installe une democratie, une justice indépendante pour le pays.