Attentat à Beyrouth : le premier ministre refuse de démissionner
L'opposition l'a appelé à la démission, l'accusant d'offrir "protection et couverture" à Damas, qu'elle juge responsable de l'attentat.
Le Premier ministre libanais Najib Mikati, dont l'opposition a réclamé la démission après l'assassinat d'un haut responsable de la sécurité, a annoncé samedi 20 octobre qu'il restait à son poste à la demande du chef de l'Etat et dans "l'intérêt national" du pays. Le président Michel Sleimane lui a demandé de rester pour éviter un "vide politique", a ajouté Najib Mikati, précisant que le chef de l'Etat lui avait dit qu'il entendait consulter les principales forces politiques du pays avant de prendre une décision.
Un responsable à la présidence a affirmé que Najib Mikati "n'avait pas présenté sa démission mais avait exprimé auprès du président son intention de le faire". Cependant, "la décision a été suspendue en attendant la réunion de la table du dialogue national", a précisé ce responsable sous couvert de l'anonymat. Celle-ci était prévue le 12 novembre mais "le président pourrait avancer la date", a précisé ce responsable sous couvert de l'anonymat. L'assassinat du chef des renseignements de la police libanaise, bête noire de Damas, a créé un séisme politique au Liban.
L'attaque à la voiture piégée perpétrée vendredi 19 octobre dans un le quartier du centre Beyrouth, qui a fait au total huit morts et 86 blessés, a notamment tué le chef des renseignements des Forces de sécurité intérieure (FSI), le général Wissam al-Hassan. Ce musulman sunnite était un proche de Saad Hariri, ancien Premier ministre du pays et chef de l'opposition libanaise, elle-même opposée au régime en place à Damas, chez leur voisin syrien.
C'est d'ailleurs ce dernier qui serait derrière l'attentat place Sassine, selon les dires de Saad Hariri : "Nous accusons Bachar al-Assad d'avoir assassiné Wissam al-Hassan, le garant de la sécurité des Libanais", a indiqué l'ex-Premier ministre à une chaîne libanaise. Même accusation du côté du dirigeant druze Walid Joumblatt : "J'accuse ouvertement Bachar al-Assad et son régime d'avoir tué Wissam al-Hassan".
Le régime en place en Syrie avait déjà été pointé du doigt dans une série d'attentats et d'assassinats qui avaient visé entre 2005 et 2008 des personnalités politiques en majorité hostiles à Damas, notamment l'ex-Premier ministre Rafic Hariri, père de Saad. Les renseignements des FSI avaient joué un rôle majeur dans la recherche des responsables de ces attentats. Ils ont aussi été au premier plan dans l'arrestation le 9 août 2012 de l'ex-ministre libanais Michel Samaha, partisan du régime syrien, accusé d'avoir introduit des explosifs en vue de mener des attentats dans le nord du Liban à l'instigation de Ali Mamlouk, chef des services de renseignements syriens.
La Syrie, secouée depuis mars par des violences meurtrières, a réagi en condamnant un attentat "lâche" et "terroriste". Son allié, le puissant parti chiite armé libanais Hezbollah, a dénoncé de son côté l'assassinat du général Hassan comme une "tentative de porter atteinte à la stabilité et à l'unité nationale".
L'attentat, le premier du genre à Beyrouth depuis 2008, s'est produit près de la place Sassine dans le quartier d'Achrafieh.
Un leader de l'opposition, Samir Geagea, a affirmé à la presse que le général Hassan se "déplaçait avec des mesures de sécurité exceptionnelles". "Il avait installé sa femme et ses enfants à Paris car il se savait visé". A la suite de l'annonce de sa mort, dans des régions à majorité sunnite, des hommes, dont certains armés, ont brûlé des pneus et coupé des routes notamment entre Tripoli, la grande ville du Nord, et la frontière syrienne, ainsi que dans le quartier de Corniche el-Mazraa à Beyrouth. Pour beaucoup de rescapés, l'attentat a ravivé les années noires de la guerre civile (1975-1990). "Ca me ramène 30 ans en arrière, à l'époque des attentats piégés", a affirmé un médecin à l'hôpital Hôtel-Dieu.
A travers le monde, l'attentat a suscité une vague de condamnations. Les Etats-Unis ont dénoncé un attentat "terroriste", en soulignant que "rien ne peut justifier une telle violence", tandis que le Vatican évoquait une "absurde violence meurtrière".
AFP
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