Energie/Industrie du plan Sellal : les séquelles Khellil-Temmar
L’action menée contre le marché informel s’essouffle face à la détermination des vendeurs à la sauvette.
On constate désormais qu’un quartier qui se vide aujourd’hui se rempli le lendemain et, c’est par ceux-là même qui couvrent les gros bonnets de l’importation. La reprise de la formule de l’amélioration et du développement des logements (AADL), non seulement peine de trouver un commencement mais ne semble pas attirer les souscripteurs, totalement déçus par cette démarche et dont certains attendent depuis 2001. Le prix du logement va atteindre les 4 millions de DA, montant qu’il dépassera dès que les étrangers soumissionneront. La politique énergétique qui devait servir d’instrument et du support pour concrétiser le programme du gouvernement se verse dans un faux débat. En effet, la problématique de l’exploitation et du développement du gaz de schiste ne devrait pas se limiter à l’aspect purement environnemental, écologique et encore plus économique mais s’inscrire dans un cadre global de la stratégie énergétique de l’Algérie qui intègre toutes ses dimensions avec chacune son poids respectif dans la balance. Mais pour que le débat soit «responsable» et «lucide» tel que demandé par le Dr. Benbitour en défenseur du secteur public (01), trois conditions au moins sont nécessaires:
1. Eviter de le noyer par des considérations techniques car il faut préciser tout de suite que l’Algérie n’a aucune expérience dans ce domaine. Il s’agit là d’une expertise des PME américaines, transférée par le processus de fusion-acquisition aux multinationales qui la commercialise. En ce moment, ces compagnies ont des difficultés de la placer au niveau mondial à cause d’une très forte opposition des écologistes en dépit de leur propagande qui a semble t-il très bien marché en Algérie. Donc, et le nouveau premier ministre l’a confirmé dans sa réponse aux députés de l’APN, si l’Algérie confirme son option pour l’exploitation et le développement de ce type de ressource, elle doit être impérativement accompagnée par une entreprise étrangère, ce qui est une vraie aubaine pour cette dernière ;
2. Ne pas utiliser l’occasion pour adopter une attitude partisane avec des considérations politiciennes, de microcosme pour se régler les comptes car la situation pourrait être extrêmement grave et nécessite la conservation de beaucoup d’énergie pour un front uni qu’un jeu paradoxal pourrait facilement dissiper ;
3. Il ne faut pas comparer l’Algérie avec d’autres pays qui ont opté pour cette option car comme le note si bien le rapport du workshop sur ce sujet de février 2012 (02), chaque région a ses propres conditions et caractéristiques qu’il conviendrait d’en faire avec. Pour ne prendre que ces quelques pays à titre d’exemple : la Pologne avait le choix entre la peste et le choléra c'est-à-dire cette option et le diktat russe. Malgré cela la société civile s’organise et un rapport établi par un organe étatique vient de revoir l’estimation des réserves du gaz de schiste à la baisse et la question d’investir sur le long terme dans ce type de ressource commence à se poser avec acuité. La France qui a interdit la fracturation hydraulique par la loi de 13juillet 2011 et qui a fortement besoin de ce gaz l’a confirmé dernièrement par son refus d’octroyer des permis aux compagnies qui en demandent et ce, uniquement pour pallier à la chute de son président dans les sondages en faisant un petit clin d’œil aux verts. L’argument avancé reste surtout centré sur les effets secondaires de la fracturation hydraulique tant qu’elle n’a pas d’autres alternatives. Donc, il n’a pas fermé définitivement la porte au développement du gaz de schiste si d’autres méthodes verront le jour à l’avenir. Entre temps, plus de 25 millions d’euros sont consentis pour un programme de recherche sur une période de 3 à 5 ans afin justement de rechercher une alternative à la fracturation hydraulique et d’en proposer les voies et les moyens pour limiter leur dégâts environnementaux (03). Aux Etats unis le sou sol n’est pas « res communis » mais celui qui possède le sol détient le sous sol en même temps. Il est donc difficile, sauf péril en la demeure pour un Etat Fédéral d’en interdire son exploitation. Mais en dépit de cela, ce pays fortement énergétivore, poursuit une stratégie pour son indépendance énergétique. Il a réussi car le dernier rapport des banques de Goldman Sachs et Citi-group l’annonce exportateur de pétrole plutôt que prévu. Ce pays est entrain de passer du gaz de schiste au pétrole de schiste dont les réserves se situent à plus de 800 milliards de barils (04) et ce, uniquement dans les terres fédérales de l’ouest des Etats Unis, les Etats du Colorado, de Utah et du Wyoming. Soit trois fois les réserves de l’Arabie Saoudite en pétrole conventionnel. Actuellement, la production de pétrole de schiste est rentable avec un baril brut américain dont le prix se situe entre 50 et 65 § le baril, or le prix actuel est nettement supérieur à cela.
Comment peut-on situer le problème en Algérie ?
Il faut signaler au passage que ce n’est pas de gaieté de cœur que les différents responsables lancent le pavé dans la mare avec cette histoire de gaz de schiste mais les statistiques de l’ONS et des études menées par des bureaux étrangers dressent un tableau sombre des perspectives énergétique en Algérie. Le FMI dans son dernier rapport sur les perspectives économiques mondiales qui vient de paraitre au japon, a revu tous les chiffres annoncés par Sellal en recul : un taux de croissance en baisse et celui d’inflation et de chômage en hausse. Il recommande la diversification immédiate de l’économie nationale. Le ministre de l’énergie et des mines n’a pas manqué de stresser sur la consommation interne en énergie en général et plus particulièrement en carburant qui ne cesse d’augmenter jusqu’à atteindre des proportions inquiétantes (autour de 15 à 20% pour ce dernier).Il est aussi prouvé que les réserves aussi bien en gaz qu’en pétrole ont diminué respectivement d’environ 40% et 10% en l’espace d’une décennie. Au même moment la demande en électricité s’enflamme. Les hydrocarbures prennent une place dépassant les 98% des exportations. La fiscalité pétrolière fait vivre la majorité des fonctionnaires, et y est présente dans tout le rouage administratif de l’Etat (santé, éducation, agriculture, religion, culture, bâtiments, travaux publics etc.). Il suffit que les prix du baril ou celui du dollar baisse pour que tout s’écroule en Algérie. Cette forte dépendance met l’Algérie dans une situation de fragilité et compromet son avenir.
Cette situation est-elle une surprise ?
Non, ce n’est pas une situation brusque ni nouvelle mais prévue de longue date. Depuis pratiquement l’été 2005 avec la publication des réserves dans la « statistacal review of oil energy » de British Petroleum que des experts, des économistes n’ont cessé d’alerter les pouvoirs publics dans les rencontres, par leurs écrits dans la presse et les revues spécialisées sur la vulnérabilité de l’économie nationale, la croissance de la consommation interne en énergie, carburant, et éventuellement la durée de vie limitée des réserves en hydrocarbures. La réponse a été toujours la même : tout va bien, les importations des carburants ne sont que des appoints au prix extrêmement bas, le délestage de Sonelgaz est provisoire et tout va rentrer dans l’ordre avec la construction de nouvelles centrales en partenariat avec des étrangers et enfin le stock des réserves des hydrocarbures est reconstitué au niveau de 1971 et la durée de vie de notre pétrole et gaz dépasse de loin celle estimée par ces experts qui spéculent pour déstructurer le secteur etc. il a suffit que les ministres qui détiennent les portefeuilles des poumons de l’économie nationale partent pour que les odeurs remontent à la surface. Ainsi, le ministre de l’énergie hérite d’un secteur totalement déstructuré, miné par des coups bas, gangréné et métastasé par la corruption. Les dossiers de malversation à Sonatrach ont touché et touchent encore le top management. Les cadres se retirent progressivement des activités pétrolières et parapétrolières au profit des entreprises étrangères et au détriment de celles du groupe Sonatrach lui-même. Les contrats raflés par Schlumberger dans les activités de forage, logging, testing et voilà maintenant qu’elle s’intéresse à l’acquisition sismique 3D rapporté récemment par la presse nationale (05). On peut dire que pratiquement tous les gisements actuellement en production sont soit en partenariat avec des entreprises étrangères soit en maintenance avec des étrangers toujours pour booster leur pression afin de maintenir ou de tenter d’augmenter leur production. Le gisement de Hassi R’mel qui représente 85% de la production de gaz en Algérie est totalement essoufflé, il faut donc booster sa pression et c’est les étrangers qui installent les compresseurs. Hassi Messaoud qui produisait plus de 650 000 barils par jour en 1969 a chuté à moins de 40 000 barils par jour, son programme pour augmenter sa production par des forages horizontaux se fait aussi avec les entreprises étrangères. Tin- Fouyé-Tabenkort confié à Total est maintenant presque à sec etc.
En matière de formation, de capitalisation, fertilisation du savoir et du savoir faire pétrolier et gazier, l’institut Algérien du Pétrole (IAP) sensé atteindre cet objectif a été dévié de sa mission pour faire des formations de détente. Statoil qui a profité de la présence de Khellil pour prendre 10% du capital de cet institution, a réussi à vendre des packages de formation soit disons relatifs à la sécurité mais dans le fait, ce training acheté à plus de 15 millions de §, s’est réduit à des rencontres « souk » qui traitent de tout sauf la sécurité. Ces rassemblements qui se déroulaient à l’hôtel Sheraton d’Oran attiraient les cadres plus pour des vacances que le contenu de la formation. Cette entreprise qui excelle dans le forage offshore n’a absolument rien transférer de tel à l’IAP. Maintenant il semblerait qu’ils refont tout pour repartir de zéro soit plus de 20 ans de perdu. Son collègue de l’industrie s’est retrouvé dans une situation similaire. Après un passage à vide de plusieurs mois suite au départ de Temmar, voilà qu’un ministre charismatique commence à déterrer les dossiers qui moisissaient dans les tiroirs. La relance du secteur public, la fameuse stratégie industrielle qu’on nous disait confiée au Sud Coréens etc.il était contraint de faire appel aux économistes de renom et qui connaissent bien le problème pour l’avoir soulevé en temps opportun pour réfléchir sur ce qu’ils peuvent redresser si le redressement reste possible. De même pour la formation des cadres, l’INPED, après des perturbations qui l’ont fortement secoué, est actuellement sans plan de charge, probablement à cause des difficultés que rencontrent les entreprises publiques. Le même ministre a été aussi obligé, à en croire certaines sources de faire appel à un ancien ministre mais en même temps fondateur de ce fleuron de l’industrie pour les aider à en confectionner un. On peut ainsi prendre de nombreux exemples similaires dans les différents secteurs de l’économie nationale à ne pas en finir.
Mobiliser toutes les ressources est-ce la bonne et l’unique solution ?
Le plan Sellal, préconise de mobiliser, au nom de la sécurité énergétique toutes les ressources que se soient les hydrocarbures conventionnels, les hydrocarbures non conventionnels, le charbon, le nucléaire et les énergies renouvelables. Bien qu’une fausse appréhension reste mieux qu’une fausse joie, le programme affiche une panique à une situation, il faut reconnaitre inquiétante. Mais ce n’est pas l’unique et forcément pas la bonne solution. Puisqu’on se plait de se comparer aux américains, commençons d’abord par faire comme eux. Avant de revenir au gaz de schiste qu’ils ont abandonné depuis plus d’un siècle, ils ont « gratté » leurs gisements qu’ils appellent « scratched wells » en élevant le taux de récupération à prés de 40%. Depuis 1986, La majeur partie des quelques 250 découvertes que les responsables de Sonatrach ne cessent de vanter en grandes pompes sont marginales et ne représentent dans leur totalité qu’à peine 2% des réserves du géant Hassi Messaoud. Le taux de récupération en Algérie se situe entre 25 et 28%,par conséquence, l’améliorer serait beaucoup plus rentables que de mobiliser des sommes considérables dans des gisements qu’on ne peut économiquement exploiter dans l’immédiat à fortiori les ressources non conventionnelles. Les techniques d’amélioration du taux de récupération sont moins dangereuses et moins coûteuses que l’exploitation du gaz de schistes. En plus, de nombreux cadres algériens connaissent bien pour les avoir expérimentées ailleurs, les techniques de la récupération secondaire et tertiaire.
La deuxième voie est relative au domaine minier algérien qui n’est pour le moment exploré qu’à un peu plus du 1/3.En effet, selon les données disponibles sur le site du ministère de l’énergie et des mines, le domaine minier total serait estimé à 1.536 442 km2 dont 761 754 km2 sont totalement libres pour le reste soit 774 688 km2, on a 25% en prospection, 23% en recherche et seulement 3% en exploitation si l’on suppose que les 25% en recherche préliminaire c'est-à-dire prospection sont disponibles, on obtiendra une surface totale de 955 426 km2 de libre et susceptible de renfermer des hydrocarbures sous ses diverses formes. C’est plus de 62% du domaine minier. On sait aussi que très peu sinon aucune entreprise étrangère n’a échoué en Algérie. Le taux de réussite avoisine les 65%. Partant donc de ces atouts, il faut rechercher les voies et les moyens d’attirer les investisseurs pour valoriser les ressources conventionnelles. Il ne s’agit pas d’un travail de bureau mais de terrain pour baliser et préparer des cahiers des charges crédibles permettant aux investisseurs d’apprécier en toute transparence la valeur de leurs futures concessions. La modélisation dans des bureaux confortables de la fiscalité a aboutit si l’on se réfère aux déclarations du ministre au lien de la fiscalité à la rentabilité des futurs investissements. Sonatrach, ne maitrisant pas ses coûts, cela pourrait laisser le champ libre aux contractants de tripoter l’assiette fiscale qui fait vivre tout le monde, est-ce bien raisonnable de soumettre des solutions qui ne pourraient s’appliquer sur le terrain ? Le troisième axe serait celui des énergies renouvelables sous toutes leurs formes : solaire, éolienne, etc. Enfin la solution nucléaire qui par définition s’obtient par fusion de matières limitées et non renouvelables. Quand toutes les études sérieuses de ces axes s’avéreront négatives ou difficilement réalisables, alors on parlera des ressources non conventionnelles et dans ce cas précis il n’y a pas que le gaz de schiste.
Rabah Reghis Rabah, consultant, économiste pétrolier
Renvois :
(01)- Contribution du Dr. Benbitour au quotidien le soir d’Algérie du 3/10/2012
(02)- Workshop organisé par l’AIG voir www.aig.dz
(03)- Rapport du GHRM du 20 juillet 2012 disponible dans leur site web
(04)- Rapport de l’Energy Information Administration (EIA) de décembre 2012
(05)- Le quotidien soir d’Algérie septembre 2012
(06)- Pour obtenir les sites « googlez » le nom de l’organisme.
Commentaires (0) | Réagir ?