Troisième mandat : un sursaut républicain est-il encore possible ?

  Troisième mandat : un sursaut républicain est-il encore possible ?

Ces derniers temps, on assiste à des déclarations, des communiqués, des contributions, des pétitions pour dénoncer l’annonce faite à grands cris d’une révision constitutionnelle pour un troisième mandat. Certains évoquent le nécessaire maintien de l’alternance au pouvoir par le respect de la Constitution, d’autres, plus incisifs, appellent au changement réel du système sans lequel aucune alternance n’est possible.

C’est une réaction saine et nécessaire face à la kermesse indigne organisée par le pouvoir, regroupant laudateurs et rentiers, précipitant la descente aux enfers. Tous les politologues, sociologues, économistes, laissent planer l’ombre d’une récession inéluctable sur la base de données objectives, avec leur logique corollaire : l’explosion sociale ! L’Etat a montré son incapacité totale à manager la crise, recourant aux subventions, les 110 milliards de dollars de réserves aidant, dont 43 entreposés aux USA au lieu de les injecter dans des créneaux à haute valeur ajoutée, générateurs d’emplois. Une gouvernance, quasiment absente, qui a fait de l’Algérie un pays bien mal en point, classé au plus bas des échelles de tous les indicateurs internationaux. Vautrée dans la rente et la corruption, dans l’incurie et la gabegie, la gouvernance pare au plus pressé, sans aucune stratégie si ce n’est pour préserver ses intérêts. Une gouvernance avec laquelle le peuple est depuis bien longtemps divorcé. La mise à mort programmée du parc d’El Kala est une illustration parmi tant d’autres, du mépris du peuple et des violations des lois par le pouvoir. En panne de projet, l’Algérie n’est guère à l’abri d’un glissement de plus en plus affirmé, vers une dictature qui scellera tout espoir d’évolution démocratique, un glissement qui pourrait déboucher sur une issue rétrograde. Le retour aux années de plomb se dessine, la désaffection citoyenne est à son plus haut point.

L’autisme et la fuite en avant : le pouvoir dos au mur

L’absence de gouvernance, la gabegie dans les dépenses publiques, l’opacité de la gestion financière se sont traduites par une corruption généralisée à tous les niveaux, économique et politique. On distribue généreusement à tout vent des milliards, et on «récompense»à coups de subventions tout message lu pour un troisième mandat. D’où ces «souteneurs» : officiels, institutions, y compris le défunt olympisme, associations asservies, comités de soutien de circonstance… La situation est grave. Les finances du pays sont dilapidées avec une complicité à tous les niveaux de la gouvernance. Tout cela, sur fond d’une insécurité grandissante et d’un verrouillage accru des Libertés. Pris à la gorge, pratiquant la fuite en avant, le pouvoir cherche à perdurer et ne prendre «aucun risque» d’ouverture quitte à rester sans gouvernance… en attendant ! Car ce troisième mandat, avec la révision constitutionnelle ne concerne pas seulement Bouteflika (luimême le souhaite certainement, même malade). Cette révision n’ouvre-t-elle pas en fait le champ à une présidence à vie, pour un autre moins mauvais parmi les mauvais, qui acceptera le statu quo ? Si en 1999, le candidat coopté «garantissait» l’application des accords avec l’AIS (il a été bien audelà, avec la concorde civile puis la réconciliation nationale transformée en amnistie pure et simple de terroristes) ; les attentats du 11 septembre aux USA ont permis de dépasser la fameuse question du «qui tue qui», et la grotesque assertion de la régression féconde. En 2004, la transition en douceur qu’il était censé apporter durant le premier mandat ne se concrétisera pas, loin s’en faut ! Le choix de sa reconduction l’a emporté sur «l’aventure » vers une transition qui affichait, peut-être, trop d’ambitions démocratiques risquant de perturber «l’ordre établi» ! Mais aujourd’hui, la gangrène occasionnée par cette gouvernance a atteint des proportions telles que le pouvoir est dos au mur. En optant pour la présidence à vie, pour le maintien du statu quo, on ne fait que reculer l’échéance, mais à quel prix, sûrement beaucoup plus lourd et plus élevé que la démocratisation.

Que faire et comment faire ?

Mais alors, que faire et comment faire face à ce «rouleau compresseur » en marche ? Attendre, laisser faire et se taire, c’est accepter la fatalité, c’est pratiquement être complice de la concrétisation du scénario catastrophe. Le premier réflexe n’est-il pas d’appeler à un sursaut républicain toutes les forces patriotiques du pays : personnalités politiques, intellectuels engagés, moudjahidine, partis démocrates, associations et syndicalistes non organiques, citoyennes et citoyens...? Deux questions reviennent constamment chez toutes celles et tous ceux qui appellent au changement : pourquoi les démocrates n’ont-ils jamais réussi à se rassembler ? Que font les personnalités politiques marginalisées et les intellectuels engagés ? Pour la première interrogation, en tant que démocrates, nous devons faire notre bilan, notre autocritique pour nous redéployer et pour mieux agir. Malgré plusieurs tentatives, nous n’avons pas pu ou su créer le rassemblement des forces démocratiques auquel nous avons tant de fois appelé. Certes, le pouvoir a tout fait pour briser toute initiative de convergence, par des manipulations, des intimidations, des répressions et des redressements. Mais, nous aussi, nous avons notre part de responsabilité. Loin, peut-être, de la base citoyenne profonde, les rencontres au niveau des états-majors ont échoué autour de divisions secondaires ayant été incapables de les dépasser et de s’entendre sur l’essentiel. Certains ont même cru que l’entrisme pouvait contribuer au changement ! Pour la deuxième interrogation, le même point de vue revient souvent vis-à-vis des personnalités politiques marginalisées et des intellectuels engagés. En effet, nos communiqués, nos déclarations, nos contributions aussi pertinents fussent-ils, le pouvoir n’en a cure et n’en a jamais eu cure ! Ils sont, certes, nécessaires pour apporter un éclairage politique, pour faire un constat, pour tirer la sonnette d’alarme. Cependant, ne sont-ils pas insuffisants s’ils ne débouchent pas sur une action concrète porteuse de changements ? Les 7 millions d’analphabètes, les millions d’illettrés reliquats des exclus d’un système éducatif vermoulu, nous lisent-ils, nous écoutent-t-ils, entend-on dire ? Ils en ont marre des constats, ils les vivent au quotidien dans leur chair ; ils en ont marre des gouvernants qui les méprisent, les soumettant chaque jour au matraquage de la télévision. Leur seule solution : la révolte. Ils crient leur désespoir dans les entreprises, dans la rue, dans les grèves, avec les mouvements citoyens dans les contrées les plus reculées du pays, pour une vie digne et une justice sociale. Symbole de l’échec : cette jeunesse qui crie son désespoir en bravant les flots ; elle hurle sa déchéance dans les paradis artificiels ou dans le suicide. De nombreux échos font état de la nécessité de dépasser les constats, de nous immerger de plus en plus dans la société et de faire des propositions concrètes d’organisation et d’action. Il nous est demandé entre autres, d’être de plus en plus «vrais», en étant présents dans les mouvements citoyens, dans les commémorations à la mémoire des victimes du terrorisme, dans les manifestations pour la défense des Droits de l’homme… En un mot, plus proches des préoccupations citoyennes, de joindre le geste à la parole. En fait, c’est un véritable sursaut républicain qui est attendu de tous les patriotes qui croient à une alternative démocratique pour réagir et refuser la fatalité. En définitive, il leur est demandé de sortir de l’expectative et de prendre l’initiative pour se rapprocher et créer des points de convergence et les synergies nécessaires vers l’objectif commun du changement. Il s’agit, finalement, de déployer une véritable dynamique politique mobilisatrice de toutes les forces vives de la nation. Les syndicats autonomes et les jeunes lycéens, les travailleurs de la Fonction publique et de la santé, ont montré de façon éclatante la portée d’un mouvement citoyen pacifique mais déterminé. Les espaces citoyens doivent fleurir. Certains ont vu le jour comme l’Escad (Espace de la société civile pour une alternative démocratique). Le Civic d’Oran a ouvert des pistes d’action et de réflexion des plus pertinentes. En même temps, un grand travail de proximité est nécessaire, de l’immeuble au quartier, de l’entreprise à la commune, notamment en direction des jeunes, fer de lance du pays, mobilisés autour de thèmes concrets et de préoccupations quotidiennes. Cela permettra de tisser un réseau fécond au sein de la société civile.

La transition démocratique devient aujourd’hui une exigence patriotique, entend-on dire dans tous les milieux républicains. Certes, elle ne sera pas facile à mener. La pente sera rude à remonter pour faire renaître l’espoir. Que de défis à relever ! Mais quelle tâche exaltante ! Cette transition démocratique peut revêtir plusieurs formes. Il n’y a pas de solution unique. Mais, sûrement pas avec les institutions et la gouvernance actuelles ! Quelle que soit la forme adoptée, cette transition reposera essentiellement sur un projet de société républicain, avec notamment, des mesures concrètes, immédiates, fortes et significatives, politiques, économiques et sociales, pour redonner l’espoir et rétablir la confiance, pour créer le déclic du changement afin de préparer l’alternative démocratique. Ce projet sera porté par des hommes et des femmes engagés, de progrès, compétents et honnêtes, réconciliant l’Etat avec le peuple et son extraordinaire jeunesse ; des hommes et des femmes capables de mobiliser toutes les forces vives de la nation, tout le peule algérien. C’est à ce prix que l’Algérie pourra se reconstruire, une Algérie que la Révolution du 1er Novembre 1954 avait espérée. Mais, si par malheur, «le rouleau compresseur» venait à poursuivre son avancée aveugle et irréaliste, l’ultime réplique pourrait se manifester, pour refuser le statu quo, par l’absence de candidatures crédibles et la non-participation citoyenne. A l’Histoire de juger !

Par le commandant Azzedine et Abdelhak Bérerhi

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Commentaires (8) | Réagir ?

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lyes mourad

un sursaut republicain est-il possible? certainement, non seulement possible mais nécéssaire. Pourquoi les démocrates n'arrivent pas a se rassembler? vous devez le savoir mieux que personne, messieurs Azzedine et Brerhi sauf si vous n'avez pas fait le bilan du CCDR dans sa campagne de 1999 pour tenter de trouver un candidat pouvant representer les démocrates republicains (le rassemblement de ces forces demeure la seule voie d'evolution positive et pacifique pour le pays. Il faut répondre clairement et franchement a quelques questions.

-Pourquoi un S. Saadi est il plus enclin a faire de l'entrisme en vendant son ame que de s'integrer a un consensus negocié entre republicain?

-Pourquoi un R. Malek est il aussi éloigné de ce qu'il a lui meme ecrit en 1988 dans son bouquin.

-pourquoi Tous les intellectuels et technocrates de haut vol qui deroulent avec rigueur le processus de déchéance de l'algerie sont si eloigner de l'engagement que devrait leur inspirer leurs cogitation.

-Pourquoi un Rehabi, Benbitour et d'autre du meme tonneau sont plus enclins a afficher un soutien meme timide a une démarche déja suspecte menée par les santegidiotes qu'avec vous dans le débat ouvert?

-Pourquoi un Hachemi Cherif a lutter jusqu'a l'épuisement de sa vie mais seul, sans arriver a convaincre tout ce beau monde de la perversion du suffrage universel par le pouvoir et de la nécéssité de ruptures salutaires.

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groupe elmenfi

Il est pour le moins surprenant que le commandant Azzedine et Abdelhak Bérerhi s’en remettent à l’Histoire pour juger du comportement de ceux qui nous gouvernent alors que que nous sommes les acteurs principaux de notre vie.

J’aurai attendu qu’ils s’impliquent, qu’ils proposent des solutions, qu’ils montrent la voie, qu’ils rassemblent, qu’ils agissent. Au lieu de cela, ils font un énième constat connu de tous mais surtout culpabilisant : « pourquoi les démocrates n’ont-ils jamais réussi à se rassembler ? Que font les personnalités politiques marginalisées et les intellectuels engagés ? ». Comment est il possible de démonter un système parfaitement huilé ? Mais pourquoi ne pas dire plutôt, comment le faire évoluer ?C’est vrai, comment ? Si cela ne s’est pas encore produit c’est que le moment n’était pas encore arrivé. Ce « momentum » indispensable à la réalisation de ce qui ressemble fort à une chimère mais qui se concrétisera dès que la société sera prête à changer, ou plus précisément lorsque nous serons prêts. Est ce cela que nous voulons ? Alors nous le pouvons si nous décidons d’agir au lieu de tergiverser, de réfléchir, ensemble, au lieu de nous blâmer les uns les autres, de nous parler au lieu de crier et de comprendre que nous sommes les premiers concernés.

Une leçon dont devrait s’inspirer le Président de la République.

Cordialement

Groupe elMenfi

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