Alger négocie avec les islamistes armés qui occupent l’Azawad
Washington se dit favorable à une intervention armée "bien préparée" au Nord-Mali tout en n'excluant pas le dialogue.
Cacophonie américaine dans le traitement du dossier malien ? Les Etats-Unis seraient prêts à apporter leur soutien à une intervention armée "bien préparée" et menée par des pays africains dans le nord du Mali pour en expulser la rébellion narco-islamiste liée à Al-Qaïda, a indiqué lundi 1er octobre le plus haut responsable de l’Afrique au département d’État américain, Johnnie Carson. "Il devra y avoir à un certain moment une action militaire" contre les extrémistes liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) installés dans le nord du Mali, a-t-il déclaré. Ce qui contredit sensiblement l’affirmation du général Carter F. Ham, haut commandant des forces armées américaines en Afrique (Africom) qui affirmait dimanche à Alger que "la situation dans le nord du Mali ne peut être réglée que de manière diplomatique ou politique". Pourquoi ce double langage des militaires américains ? Le commandant de l’Africom semble toutefois déclarer ce qu’Alger veut bien entendre qui rappelons-le est contre une intervention militaire au Mali. Les États-Unis semblent en fait garder deux fers au feu. Comme la France et l'Angleterre, ils devraient soutenir au Conseil de sécurité des Nations unies le principe d'une intervention armée internationale aussi large que possible,mais tiennent à s'assurer des conditions dans lesquelles elle pourrait se dérouler. Ce qui forcément n'arrange pas Bouteflika qui recherche des alliés à même de le soutenir pour bloquer l'initiative militaire.
Pas de troupes européennes au sol malien non plus. C’est ce que se tue à répéter les Français. Le ministre français de la défense, Jean-Yves Le Drian, et le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, ont assuré que leurs pays apporteraient un soutien logistique à une éventuelle intervention. Paris et Berlin n’envisagent cependant pas de déploiement de troupes de combat. Ils le répètent depuis des mois. Contrairement à ce que sous-entend la presse algérienne, aucun pays occidental n’a jusqu’à présent affirmé qu’il participait à l’intervention militaire pour déloger les narco-islamistes de l’Azawad (nord du Mali). Les fantassins qui y prendront part appartiennent aux pays de la Cédéao. Certaines sources évoquent une forte présence de l’armée tchadienne, habituée aux combats dans le Sahel. La France s’est déjà approchée d’Idriss Deby pour le convaincre de prendre part à l’équipée de la Cédéao dans l’Azawad.
Dans ce dossier, l’Union africaine semble avoir été sabordée par la Cédéao. L’UA n’a eu aucun mot sur l’intervention militaire qui se prépare sur le continent. C’est dire encore une fois l’immaturité de cette organisation. Cependant rien n’est encore fait, aucun calendrier n’est établi. Tout se résume à des déclarations d'intention sans programme de déploiement ni date butoir. Le Conseil de sécurité de l’Onu traîne des pieds, exigeant de la Cédéao un programme d’intervention précis. Pendant ce temps, les narco-islamistes renforcent leur position, achètent armes et munitions et surtout recrutent à tour de bras des milliers jeunes de la région du Sahel et au-delà.
Mais en attendant, Alger négocie
Quatre otages algériens sont détenus par le Mujao, une franchise d'Aqmi, quelque part dans le nord du Mali. Pour cette raison mais pour d'autres sans nul doute, Alger ne veut pas entendre parler d'une intervention militaire chez son voisin. "Il y a urgence à trouver une solution pour empêcher une intervention militaire dans le nord du Mali. Nous devons absolument convaincre toutes les factions sur le terrain de rompre les liens avec les terroristes d'Aqmi et du Mujao." À en croire une source proche des négociations, c'est en recevant en secret une nouvelle délégation d'Ansar Dine qu'Alger essaie de trouver au plus vite une issue politique à la crise au Sahel. Les tractations avec le mouvement islamiste touareg, qui ont commencé depuis le rapt des diplomates algériens à Gao en avril dernier, visent "à unir les différents courants d'Ansar Dine" : la faction la plus radicale qui ne reconnaîtrait pas Aqmi comme un groupe terroriste, la frange plus souple, qui souhaite faire du Mali un émirat islamique mais pourrait se démarquer d'al-Qaida, et le courant composé essentiellement d'anciens du MNLA qui veulent privilégier l'autonomie de l'Azawad. "Voilà pourquoi cette délégation était menée par Tena Ould Ahmed (le père spirituel d'Iyad ag Ghali, chef d'Ansar Dine), tenant de l'aile dure, et Amada ag Bibi, plus modéré", explique un proche du mouvement. Le président Bouteflika avait reçu en personne une délégation d'Ansar Dine l'été dernier à Alger.
Des pourparlers qui ne sont pas du goût de Bamako, où le premier ministre, Cheick Modibo Diarra, a appelé samedi les Occidentaux à envoyer avions et forces spéciales au nord de son pays. "Nous ne reconnaissons pas ce type de rencontre informelle, commente-t-il. Le Mali compte exclusivement sur une résolution des Nations unies pour envoyer les 3300 hommes de la Cédéao qui se tiennent prêts. L'Algérie cherche à protéger ses hommes, quitte à sacrifier la population malienne. Elle ne doit pas se sentir obligée de s'impliquer dans une opération militaire, le Mali ne lui demande rien." Voilà une pierre dans le jardin du voisin algérien.
Dans cette nouvelle équation malienne, le MNLA paraît avoir été écarté, surclassé par les narco-islamistes. Pourtant, il était à l'origine de l'offensive qui a permis à Ansar Dine et au Mujao de prendre pied dans l'Azawad. Replié quelque part dans le Sahara, le Mouvement ne se fait plus entendre que par le biais de quelques communiqués. Des voix le disent en pleine restructuration. Mais plus aucun pays, ni organisation ne lui accorde quelque crédit de puissance à même de contribuer à chasser les goupes narco-islamistes de l'Azawad.
Que devient le Cémoc ?
Une question demeure suspendue : que devient le fameux Comité d'états-majors conjoints (Cémoc), basé à Tamanrasset ? Cet organisme militaire constitué d'un état-major des pays du Sahel et de l'Algérie a pour mission pourtant d'assurer la sécurité dans la région et de traquer les organisations terroristes. Malgré les nombreuses réunions à Alger, à Nouakchott, ou à Niamey, il n'a pris aucune initiative sur le terrain pour aider les autorités maliennes à combattre les groupes narco-islamistes.
Yacine K./AFP
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Des terroristes negocie avec les terroristes
Alger negocie qu'avec les islamistes les autres elle les tabasse