Alger détourne au profit du FIS les propos du commandant US
Les autorités algériennes font dans la récupération en déclarant que le commandant en chef de l'Africom, le général Carter F. Ham en visite à Alger, soutient la politique de dialogue d'Abdelaziz Bouteflika dans la crise malienne. Dans le même temps, à l'occasion de la 7ème année de la promulgation de la "Charte pour la paix et la réconciliation nationale", Farouk Ksentini plaide pour le retour de l'ex-Fis
Alger s’accroche aux déclarations du commandant en chef de l’Africom comme à une bouée de sauvetage, sachant que l’offensive armée contre Al Qaïda au Maghreb islamique se fera sans l’avis d’Abdelaziz Bouteflika.
Le général Carter F. Ham, commandant en chef de l’Africom (commandement des forces armées américaines en Afrique) appuie-t-il la démarche d’Alger qui refuse de participer avec la Cédéao à une intervention armée au Nord-Mali ? Force est de constater que ses déclarations faites ces deux derniers jours à Alger n’ont pas porté sur la décision de Bamako et de la Cédéao d’engager des troupes ouest-africaines contre les groupes terroristes d’Al Qaïda, ni même émis un avis sur la position algérienne.
Premièrement, il a annoncé que l’armée US ne sera pas présente à Bamako, partageant, sur cet aspect, la position de la France.
Deuxièmement, il a affirmé qu’une intervention armée s’inscrit dans un "tout", entendant par là, la nécessité pour Bamako d’organiser des élections au plus vite afin, selon lui, d’asseoir le recours à la guerre dans la région contre la branche terroriste d’Al Qaïda au Maghreb par une légitimité des institutions politiques. Sur cette question précise, le premier ministre malien, Cheikh Modibo Diarra, s’exprimant dans le quotidien français Le Monde, a laissé entendre qu’au contraire, c’est la lutte contre Al Qaïda dans la région, qui donnera cette légitimité et permettra la tenue des élections présidentielles. Par ailleurs, l’argument avancé par le commandant en chef US de l'Africom semble n’être qu’une tentative de corriger le précédent historique de l’envoi des troupes US en Afghanistan combattre les Talibans en 2001, une offensive armée qui est intervenue, rappelons-le, sous la présidence par intérim de Hamid KarzaÏ qui succède, par la constituante, le 22 décembre 2001, à Burhanuddin Rabbani à la tête de l’Etat islamique d’Afghanistan devenant président de l’Administration intérimaire jusqu'à son élection, le 9 octobre 2004, comme président de la République.
Troisièmement, enfin, lors de la visite éclair, en avril dernier, à Alger, dans le contexte des réformes et des législatives d’Abdelaziz Bouteflika qui l’a reçue, Hillary Clinton a voulu booster l’Algérie "à accroître ses efforts" pour lutter contre le groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi ) dont la présence active sur le sol algérien et dans le Sahel demeure, pour le département d’Hillary Clinton "préoccupante". Le rapport mondial 2011 sur le terrorisme, présenté alors par le département d’Etat américain, coordonnateur de lutte contre le terrorisme, reste prudent dans ses appréciations sur la lutte antiterroriste menée par l’Algérie. Il mentionne qu’Al Qaïda au Maghreb islamique "demeure une menace de sécurité importante, principalement dans les régions montagneuses à l’est d’Alger et dans les vastes régions désertiques du sud, proches des pays frontaliers du sud algérien : le Mali, la Mauritanie et le Niger". Si le rapport souligne que les forces de sécurité algériennes ont isolé Aqmi dans le nord du pays, en revanche, poursuit le rapport “Aqmi a continué à exécuter des attaques suicide, ainsi que des attaques à l’aide d’engins explosifs à distance et les embuscades dans les zones rurales à l’extérieur d’Alger.”.
Le commandant en chef US de l’Africom ne pouvait ignorer les réserves émises sur la lutte antiterroriste des autorités algériennes qui, hier dimanche, se sont précipitées à déclarer que le général Carter F. Ham partage la politique d’une solution politique négociée dans la crise malienne, autrement dit la politique de dialogue avec les terroristes d’Al Qaïda au Maghreb islamique; une politique mise en échec en Algérie par la “Charte pour la paix et la concorde nationale” dont c’est la septième année de sa promulgation, en 2006. Ainsi, le commandant en chef US n’est pas sans savoir qu’il est en visite dans un pays où active Al Qaïda au Maghreb islamique dont les groupes se sont signalés par plusieurs attentats kamikazes ayant ciblé les lieux hautement symboliques de l’institution militaire algérienne. Dans une autre de ses déclarations sur la nécessité de "trier le terroriste de celui qui ne l’est pas", a-t-il suggéré aux autorités algériennes de ne pas se tromper d’ennemi sur son sol et dans sa politique de dialogue aujourd’hui isolée en Afrique.
Pour toutes ces raisons évoquées, Alger semble avoir détourné les propos du commandant en chef de l’Africom qui, à aucun moment, n’a dit explicitement soutenir la politique de dialogue d’Alger avec Al Qaïda au Maghreb islamique. Fort de cette fausse interprétation sur laquelle il multiplie les effets d’annonce, le pouvoir d’Alger se met à l’heure de la concorde civile dont c’est la septième année de ses multiples et profonds échecs.
Farouk Ksentini, président de la Commission de promotion et de protection des droits de l'Homme (Cncppdh), s’est fait le porte-parole en affirmant qu’"on ne peut pas reprocher à quelqu'un d'avoir adhéré à un parti légal" (sous entendu l'ex-Fis), suggérant même la réhabilitation des dirigeants du parti d'Abassi Madani relèverait de l'intérêt national : "Il faut toujours placer les intérêts supérieurs de la nation au-dessus de tout", ajoutant que “tout peut faire l'objet de révision” et que "le texte de la Charte ne visait que les chefs de l'ex-FIS". Ksentini qui avait déclaré au cours de l’annonce des réformes de 2011 que le retour de l’ex-Fis ne gênerait pas Abdelaziz Bouteflika, ne fait qu’exprimer ce qui était déjà en cours en 1999, l’amnistie générale aux maquis de l’islamisme politique, aujourd’hui à Al Qaïda au Maghreb islamique.
En voulant exporter ce "texte de la honte" (la charte pour la paix décriée par les associations des familles de victimes du terrorisme) à Bamako, Abdelaziz Bouteflika est confronté à ce que l’armée algérienne fait tous les jours sur le terrain de la lutte antiterroriste dans le pays et qui subit tous les affronts de la concorde civile élargie en amnistie générale.
Ainsi la décision de Bamako et de la Cédéao de livrer la guerre contre ses "amis" de la concorde nationale au Nord-Mali et au Nord-Algérie met Abdelaziz Bouteflika sur une poudrière qui menace ses velléités d’un quatrième mandat pour 2014.
R.N
Commentaires (12) | Réagir ?
La grave erreur de la politique algérienne c'est d'avoir dissout le parti FIS sans avoir dissout également le parti FLN. Le pouvoir d'alors avait donc un parti-pris.
Ben oui, la position de Bouteflika s'explique: L'Algérie ne peut pas combattre des agents du D. R. S. au Nord Mali!