Suisse : les services secrets se font voler des millions de données
Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) reconnaît qu'un employé a dérobé des informations à la "valeur marchande considérable".
Mercredi soir, dans un très bref communiqué, le département fédéral (ministère) de la Défense, de la Protection de la population et des Sports annonce qu'"au début de l'été 2012 un collaborateur a dérobé des données du Service de renseignement de la Confédération (SRC). En clair, les services secrets suisses se sont fait voler des millions d'informations particulièrement sensibles".
Dès le lendemain, Michael Lauber, le procureur de la Confédération, annonce dans une conférence de presse que cette affaire d'espionnage "aurait pu mettre en danger la sécurité de la Suisse". De son côté, Ueli Maurer, le ministre de la Défense, confirme que ce vol "aurait pu provoquer des problèmes diplomatiques et ébranler la confiance envers la Suisse".
Blanchir l'argent du terrorisme
La Confédération ne possède qu'un petit service de renseignement, de 250 à 300 personnes, le SRC, né de la fusion du Service d'analyse et de prévention (SAP) et du Service de renseignement stratégique (SRS). En revanche, elle partage avec ses voisins de nombreuses informations, concernant notamment la lutte contre le terrorisme. Non seulement la Suisse est une place financière très importante, susceptible de blanchir l'argent des djihadistes, mais, tout récemment encore, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) révélait que de petits groupes d'individus, domiciliés en Suisse, partaient pour l'Afghanistan, le Pakistan, l'Irak et la Somalie.
Fuites en série
Cette affaire ne tombe pas bien pour le nouveau service de renseignement. En effet, comme le rappelle le Suisse Jacques Baud, auteur d'une Encyclopédie du renseignement et des services secrets, la petite communauté suisse des services secrets a souvent été "secouée par divers scandales à la fin des années 80". Plus récemment, en 2006, elle a été ridiculisée par l'"affaire Claude Covassi". Cet indicateur genevois, converti à l'islam, en fuite en Égypte, a distribué pendant des mois des documents confidentiels à toute la presse arabe.
Plus récemment, WiKiLeaks révélait que les États-Unis étaient préoccupés "par le fait que des suspects de terrorisme continuent à opérer en Suisse, et que les fonctionnaires suisses sont trop restrictifs dans les informations qu'ils partagent". Les Américains ajoutaient que le secret bancaire helvétique "s'est avéré un formidable obstacle au partage d'informations".
Le voleur remis en liberté
Bref, les Américains, mais aussi les Allemands ou les Français, risquent dorénavant de ne pas se bousculer pour échanger des données sensibles avec Berne. Surtout quand ils apprendront que le voleur, âgé de 43 ans, est informaticien et qu'il pouvait sortir chaque soir des locaux des services secrets avec des supports de données... Incarcéré autour du 25 mai dernier, le voleur a été relâché... le 5 juillet. Il souffrirait de problèmes psychiques. Le département de la Défense assure toutefois que "les autorités compétentes ont pu retrouver l'ensemble des données volées et empêcher toute remise à des tiers". Alors que les vols de listings se multiplient actuellement dans les banques suisses (notamment à HSBC, à Genève), on peut s'étonner que les espions à croix blanche n'aient pas pris davantage de précautions.
Ian Hamel
Commentaires (0) | Réagir ?