Benchicou au Sila 2012 : le créateur et le témoin
Mohamed Benchicou a rencontré son public, nombreux, au Sila 2012 en séances dédicaces de ses deux romans "Le Mensonge de Dieu" et "La Parfumeuse". Djanina Messali, fille de Messali Hadj, a cosigné avec lui. Le créateur, le déterreur de faits historiques niés et son témoin ont ainsi donné aux lecteurs, toute génération confondue, une appétence de liberté.
Au troisième jour de ses séances dédicaces au Sila 2012, le stand des éditions Koukou ne désemplissait pas. Le duo Mohamed Benchicou et Djanina Messali, fille de Messali Hadj, signait selon les demandes insistantes du public, Le Mensonge de Dieu ou La Parfumeuse, sur un fond musical du maestro de la chanson kabyle moderne, feu Cherif Kheddam qui atténuait ou faisait oublier le brouhaha des visiteurs et ajoutait un air de liberté au tandem Benchicou- Djanina réuni, l’un comme l’autre, dans le désenclavement d’une histoire trafiquée, inventée, falsifiée. Celle de Bélaïd qui court les guerres du siècle maudit, le quatorzième de l’hégire et le 19e des conquêtes coloniales, sans halte, ni répit, inoculant à ses petits-enfants non pas des certitudes mais le questionnement incisif de tant de gâchis pour une mécréante patrie où, seuls les cimetières disent la vérité ; celle de Messali, estropié par cette même histoire officialisé à coups de ciseaux et de bâillonnements, qui a gommé de sa vie familiale, politique, de la naissance du mouvement national, son épouse, sa compagne, son égérie, son alter égo, Emilie Busquant, parce que «roumia» gênante pour les héritiers nationalistes du Parti du peuple algérien.
Mais est-ce pour tout cela que les lecteurs se pressaient à ce stand ? Sans doute. Mais il y a autre chose de plus fort que la simple lecture de ces ouvrages, qui procède du symbole. La soif de vérité, pas de cette vérité goguenarde et intempestive, mais celle de l’érudition, de la recherche et d’une originalité esthétique qui puise sa force non dans les stéréotypes éculés, mais dans une création qui fait de cette vérité le puits de la halte des caravanes.
Entre Le Mensonge de Dieu et La Parfumeuse, entre Bélaïd et Emma, des destins se croisent dans un continuum d’histoires mouvementées, deux êtres qui n’ont eu de cesse de croire défendre un idéal de Liberté alors même que les trahisons les guettent et les fouettent.
Les jeunes algériens de 2012 venus se faire dédicacer ces ouvrages se reconnaissent-ils dans ces personnages qu’on aurait dits sortis d’un conte fantastique ? Ils sont loin de soupçonner leur existence dans l’histoire qu’ils ont apprise à l’école, réduite à quelques stèles commémoratives. Mais, ils leur ressemblent tant qu’ils se suffisent de ces rencontres si rares et dans lesquelles ils ont la prescience d’une liberté créée, pas réinventée, et surtout pas retrouvée. Ni Belaïd, ni Emma ne retrouvent la leur. Ils l’ont inventée, construite, déconstruite, sans cesse en perpétuelle quête de cette indépendance qui les aura faits et défaits.
Mohamed Benchicou a cosigné ses deux romans avec Djanina Messali. Le créateur, le romancier, le déterreur de faits historiques d’une part et le témoin-personnage, fille d’Emma, qui ne raconte pas sa mère dans La Parfumeuse mais la découvre dans une autre vie, celle de la fiction romanesque irriguant de liberté une parcelle de vie fût-elle remplie de sacrifices et d’engagements. Voilà le secret, pourrions-nous dire de cette rencontre. Entre le créateur et le témoin, il n’y a pas qu’un simple rapport de création et d’informations, de complicité dans la tâche de dépasser le simple témoignage qui ne résiste pas à l’usure du temps et aux imparfaites biographies. Il y a bien plus engageant encore : la construction permanente de la liberté dans l’art. Car, l’art a besoin du créateur et du témoin, de l’imaginaire et de la véracité des faits. Mohamed Benchicou le sait. Il n’est pas historien. Il donne à l’histoire un prolongement esthétique là même où elle est censée s’arrêter aux faits, malléables et corvéables à l’envi. Djanina Messali admet volontiers que l’image de sa mère dans La Parfumeuse est plus forte et prégnante dans cette fiction qu’elle ne l’aurait été dans une simple biographie illustrée.
C’est par ce lien singulier que, lors de cette séance dédicace, les lecteurs allaient de l’un à l’autre, recueillaient les signatures des deux afin que le créateur et le témoin attestent de cette liberté, celle de Bélaïd et d’Emma, celle de Benchicou, le Premier homme de la presse indépendante et de Djenina, l’un des rares chaînons si jeune et frondeur de la mémoire d’Emma et de Hadji.
Ainsi le Sila 2012 n’aura pas été que le lieu des chuchotements. Dans d’autres stands, aux éditions Chihab, un recueil de nouvelles collectif coordonné par Nouredine Saâdi, Ce jour-là met en interrogations légitimes ce jour du 5 juillet 62 qui a pourfendu son artisan ancêtre, Messali Hadj et gommé de sa vie et de celle de l’Algérie indépendante, Emilie Busquant, Emma, qui lui a cousu son drapeau, dans une mansarde du quartier Père Lachaise, dans les années mille neuf cent vingt. Si loin si proche.
R.N
Commentaires (12) | Réagir ?
@ Aghioul Adharghal (amchoum)
Apparemment, vous ne tenez pas que le pseudonyme de votre animal préféré, mais tous les "attribus" et au delà.
Depuis la rescousse de Arbat, vous vous sentez pousser des ailes au point d'oublier qu'il vous reste beaucoup de chemin à parcourir avant de venir nous les casser chaque jour que Dieu fait avec vos commentaires à nous faire renier les origines kabyles, algériennes et même humaines.
Si cela peut vous rassurer, vous n'êtes pas un cas isolé, loin de là. Je vous trouve très représentatif d'une certaine frange des "nouveaux débarqués" découvrant les bienfaits de la liberté d'expression et de la liberté tout court.
Cependant, tout fier de vous identifier à votre animal préféré, il n'en demeure pas moins que le simple fait de donner à vous lire publiquement requiert de votre part un SMIG de raison, de cohérence, et si possible, d'humilité.
Quant à "ma trêve" (sic), et au risque de me répéter, c'est justement la prolifération d' "analystes-commentateurs-... " de votre acabit sur Le Matin dz qui m'a décidé à lever le pied en attendant des jours meilleurs.
A la différence justement de certains contradicteurs avec qui j'ai eu des échanges assez musclés (tels Madih, Fares et d'autres), l'échange avec vous me parait malheureusement inapproprié et inopportun. Dans le cas des premiers, l'échange est intéressant car il y a un minimum de "fond" qui impose le respect. Dans votre cas, oulach, rien, walou...
C'est pourquoi, après la fable de Farid Hamid en réponse à vos "égarements", je me permets de vous conseiller de lâcher de temps à autre votre clavier et de vous trouver quelque chose qui puisse vous sortir de la mouise; une formation, un travail (pourquoi pas?), ou tout autre occupation à même de diminuer votre " COMMENTAIRO-DéPENDANCE" et les nausées de vos lecteurs involontaires.
Si vous faites allusion à moi comme étant un apparatchik, c’est que vous n’êtes pas assidu au quotidien « LE MATIN D’ALGERIE » sinon vous aurez découvert que je suis parmi ceux qui revendiquent la libération de l’Algérie des séquelles de ces caciques pour la plupart issus du messalisme, qui se chamaillent et qui ne veulent absolument pas nous libérer de ces obstructions systématiques qu’ils ont délibérément crées. La refonte du système nécessite vous conviendrez l’éloignement définitive de ces vieilles figures qui n’ont fait que polluer l’économie de l’Algérie et terni l’amorce d’une véritable démocratie.
Ce qui est rapporté dans mes commentaires relève de la sémantique du « messalisme » source également du génocide mené contre le peuple Algérien.