Syrie : à quoi servent les mots face au massacre d'Alep ?
Les bombardements sont tellement intenses qu'on ramasse pêle-mêle, dans les rues, des cadavres, des gens choqués et des oiseaux morts.
Chaque jour, désormais, les bombes gouvernementales tuent, blessent, mutilent la moitié d'Alep. Le degré de destruction est tel que les mots, pour le définir, ont commencé à nous faire défaut. A quel moment a-t-on atteint ce seuil, cette impression que toutes les règles avaient volé en éclats ?
Etait-ce devant un hôpital où arrivaient des enfants en charpie comme leurs mères, déchirées par les mêmes bombes ? Ou face à cet immeuble de cinq étages, annihilé par une seule explosion, avec ses habitants enterrés sous les décombres et les survivants en train de devenir fous ? Ou en regardant, médusés depuis un bout de trottoir, des avions larguer leurs bombes là-bas, au bout de la rue, petit fuseau noir glissant dans l'air d'Alep, comme à l'exercice, pour y faire exploser d'autres gens, d'autres appartements ?
Jour après jour, la campagne de destruction se grave dans la chair de la ville. Un obus de mortier qui fait éclater une salle à manger avec ses occupants semble tout à coup un désastre de seconde catégorie. Non loin, des bombes de 500 kg larguées par des jets, ou d'énormes barils d'explosifs largués par des hélicoptères, écrasent ou décapitent des immeubles entiers.
On passe un matin dans une rue. Quelques heures plus tard, elle est bloquée par les éboulis. On y dégage des gens à la pelleteuse. Déjà, un autre obus ou une bombe tombe non loin. Le massacre et le vacarme sont permanents. Le massacre est partout, mais il se fait au goutte-à-goutte, comme pour ajouter une forme de raffinement à la torture. Et chaque jour, le feu du ciel s'intensifie, comme si les cerveaux de cette destruction commençaient à trouver le temps long.
Voici donc le stade ultime de la répression conçue par le pouvoir syrien. Pendant des mois, les manifestants sont descendus dans la rue. Pendant des mois, ils ont été tués ou torturés. Et certains ont fini par prendre les armes. L'Armée syrienne libre (ASL) a fini par prendre la moitié d'Alep, fin juillet. Depuis, on se bat dans la capitale économique. La punition est-elle conçue pour être à la mesure de l'affront ?
On ne pourra prétendre qu'il s'agit d'un effet logique de la bataille en cours, dans laquelle l'ASL affronte les forces gouvernementales du sud-ouest au nord-est de la ville sur plusieurs lignes de front. A moins de considérer que l'armée loyaliste est engagée sur un front d'une autre nature, situé dans la troisième dimension de l'espace aérien, et lui donne la liberté d'écraser sous les bombes la moitié d'Alep.
Jean-Philippe Rémy et Laurent Van Der Stockt (envoyés spéciaux du Monde à Alep, Syrie)
Commentaires (2) | Réagir ?
Comme si les Algeriens n'ont pas connu ce génocide, qui se souvient encore des 200000 victimes des barbus?
Voila ce qui peut arrivé à l'Algérie si on ne fait attention et si les "Innocents musulmans" d'Alger s'entêtent à rendre à Cesar ce qui lui appartient!
Pourquoi Alepo? Tout bonnement c'est la capitale économique et qui dit économie dit pays, sinon notre cher pays a t'il une capitale économique a part éviedement hassi messaoud, et Alger capitale de la culture militaire!