Sarkozy, Jean Daniel et le secret du 3e mandat (8e partie)
C’est au printemps que la tribu des généraux allait contrevenir à son statut de Grande Muette.
Elle va se mettre à parler pour rappeler à Bouteflika l’inanité qu’il y a à prétendre à un sacre que lui interdit son bilan et à Belkhadem que ses jours étaient comptés. La tribu avait choisi le bon moment : la banqueroute de Bouteflika était devenue incontestable aux yeux des observateurs étrangers les plus indulgents.
C’était une saison perplexe où, au désarroi des habitants du Territoire, s’étaient ajoutés ces réquisitoires des capitales étrangères, autant inquiètes de l’ampleur de la déroute du pays qu’exaspérés par la prétention du chef de l’État à prolonger un pouvoir si défaillant. Une irritation parfaitement résumée, avec le vocabulaire de l’impartialité assassine, par Le Monde : "Cette dégradation de la situation sécuritaire intervient alors que l’Algérie donne, plus que jamais, l'impression de tourner en roue libre. Vie politique atone. Opposition absente. Institutions paralysées. Climat social exécrable… Dans ce contexte, l'hypothèse d'un troisième mandat de Bouteflika en 2009, présenté par les partisans du chef de l'État comme l'urgence du moment, paraît quelque peu incongrue."
Mais lit-on au moins Le Monde dans le bunker ? Tout y est prohibé, on le sait, de ce qui pourrait porter la contradiction à cette société chimérique, ces maudits carnets de notes qui rappellent les devoirs pas faits, les obligations pas toujours honorées ou pire, les échecs qu'on a voulu cacher.
Rappelons-nous que le bunker virtuel a ses codes d'accès, connus des seuls initiés et que des gorilles vigilants empêchent toute fâcheuse information vraie venue de la réalité de contaminer l'atmosphère fictive qui y règne. Que resterait-il sinon, de ce monde parfait, peuplé exclusivement de laudateurs, où personne ne vous juge, où l'échec est aboli, où vous ne comptabilisez que les succès et où l'on s'entend, la nuit, rosir de fierté ? Alors, suffisait-il dans un pays naufragé, de neutraliser ses contradicteurs pour triompher ?
En ce début de printemps, Bouteflika réalisait que son bilan était trop contestable pour prétendre jouir d’un soutien international à un troisième mandat.
Le désaveu occidental sortit de la bouche de l’ambassadeur du Royaume-Uni à Alger, aux premiers jours du mois de février, lors d’un colloque tenu à Londres. C’est fou ce qu’un diplomate anglais peut maltraiter l’encombrante obligation de réserve ! C’est crûment, en effet, que Hendrew Henderson annonça son opposition à la reconduction de Bouteflika au pouvoir : "Bouteflika ne doit pas renforcer sa personne en tant que président, mais plutôt l’institution présidentielle pour qu’elle soit plus représentative du peuple et non pas de sa personne." C’est tout aussi crûment, aux dépens du flegme britannique, qu’il expliqua les raisons de son désaccord : "Une bonne partie de la société a perdu espoir. Avant de prendre mes fonctions, l’été dernier, j’ai été briefé par le Foreign Office où l’on m’a dit que les deux choses qui préoccupent les habitants du Territoire sont la maladie de leur président et l’insécurité. Mais sur place, je me suis rendu compte que les gens sont plutôt confrontés aux problèmes de santé, d’éducation, de chômage et du prix du lait et de la pomme de terre."
En clair, le monde occidental, pas rassuré du tout, ne cautionne pas le troisième mandat de Bouteflika pour une raison principale : le président n’était déjà plus la bonne réponse à l’instabilité grandissante, il en est devenu aujourd’hui la plus dangereuse !
Dans un article surréaliste intitulé "Pourquoi Bouteflika n’aura pas le prix Nobel de la paix", le quotidien Liberté, pourtant proche des cercles du pouvoir, étale longuement les raisons de son dépit. "Le pays n’a toujours pas retrouvé la paix alors que la lutte contre le terrorisme se poursuit sans que le monde y prête vraiment attention. Sur le plan politique, la démocratie n’a pas avancé, non plus. L’opposition est absente alors que les autres contre-pouvoirs ne sont plus représentés sur la scène. Et le tapage des partisans du troisième mandat qui appellent à la révision de la Constitution n’est pas fait pour arranger les choses. Cela va consacrer l’idée que tout le monde arabe est gouverné par des responsables à vie. Autant de raisons qui font que Bouteflika sera loin de décrocher ce prix".
C’est tout naturellement que la Grande Muette se mit à parler. À sa manière. C'est-à-dire avec les signes, les allusions et la parabole.
En mars, des généraux confient au Quotidien d’Oran, journal réputé lui aussi proche du clan de Bouteflika et du sérail, que le bilan du président ne plaide pas pour lui et qu’ils redoutent d’un souverain reconduit à vie, qu’il ait la puissance de se retourner contre la hiérarchie militaire et de l’écarter définitivement du centre de décision. Crainte et courroux ramassés en cette question fourbe :
"Il est dangereux de toucher à la Constitution. Ce n’est pas un jeu. Pensez-vous qu’il soit facile de laisser un président la changer juste pour lui permettre de s’éterniser à la tête de l’État ?" Se faisant l’écho de "décideurs", Le Quotidien d’Oran écrit que "le président a toujours voulu être le centre du monde, dans un pays qui n’arrive pas à sortir de la masse de problèmes qui l’enfoncent de plus en plus dans les contradictions et les aberrations d’un système politique décadent."
Le réquisitoire se poursuit par ce constat implacable : "Jamais le pays n’a enregistré autant de scandales financiers – corruption et détournements – que ces dernières années."
Et il y a les inconséquences de Bouteflika . "Parfois, il dit et fait des choses qui m’étonnent, m’inquiètent et me laissent penser que je le connaissais moins bien que ce j’avais imaginé", affirmait avec amertume un haut responsable membre du cercle des "faiseurs de présidents". Le journal cite un Tête-képi haut gradé : "J’ai été le voir pour lui dire qu’il doit écouter ce qui se passe autour de lui, qu’il y a de gros problèmes. Il m’a reçu dans l’encadrement de la porte et m’a lancé : "Vous avez laissé gouverner ceux qui étaient avant moi sans vous inquiéter de quoi que ce soit. Et aujourd’hui, vous voulez me demander des comptes alors que je ne suis qu’au début d’un deuxième mandat !""
Enfin, et c’est peut-être le plus décisif, la tribu des généraux redouterait de faire les frais d’une réélection du président. "Il est reconnu que Bouteflika a été le seul président à avoir brisé des équilibres civils et surtout militaires dont l’efficacité avait fait ses preuves en matière de prise de décisions importantes pour le pays", ajoute la journaliste.
La hiérarchie militaire a encore en mémoire les purges de 2004. À ce propos, l’analyse d’un politologue proche de l’armée, n’est pas dénuée d’intérêt :
- À court terme, Bouteflika , en remplaçant — sans payer de coût politique significatif — la génération des généraux "janviéristes" par de nouveaux chefs militaires que nous pourrions appeler des "guerriers professionnels", a éliminé toute source possible de contestation de sa démarche à partir des forces armées.
- À moyen terme, Bouteflika a subtilement conçu la répartition des prérogatives entre délégataires de pouvoir au niveau du ministère de la Défense nationale de manière que leurs influences s'annulent réciproquement.
- À long terme, Bouteflika est en passe d'achever le découplage entre les services de renseignement et les forces armées, privant les premiers de l'appui ostensible qui faisait leur force et les secondes de l'interface sur la société qui leur permettait d'agir politiquement.
L. M.
Sources diverses
Commentaires (1) | Réagir ?
Le mal qu'a fait bouteflika a l' Algerie est incalculable et monstrueux. Je suis convaincu qu'il a une haine profonde et maladive contre ce pays, il avait un but et une stratégie pour demolir et stopper toute avancée démocratique et civilisationnelle,. Il porte la responsabilité de milliers de disparus et de milliers de jeunes haragas noyés dans la mediterranee. En plus de la haine qu'il porte a lAlgerie et aux algériens, il porte en lui un immense complexe essentiellement alimentés par sa taille de naim. et sa relation "non réalisée "avec le sexe feminin. Il faut ajouter à ce complxe pathologique le fait qu'il n'a jamais admis que le peuple ne se soit pas soulevé à la mort de Boumediene pour l'exiger comme président. Si certains des problemes qu'il a intentionnellement crée au pays et au peuple algerien metteront des decennies a se resolver, pour d'autres c'est trop tard, nous avons raté le bon train et le bon moment et le devenir de l'Algérie est des plus incertains. Personnellement, je pense cependant que les elites militaires et civils et politiques qui savaient ou au moins entrevoyaient que la demarche de ce président fou nous menaient tout droit au mur ete se sont tus ou meme solidarisés avec lui et son frére sont aussi coupables que lui: ils avaient le devoir d'honneur pour la memoire de nos morts pour la patrie de sauver le pays. Malgré une embellie financiere qui releve du miracle le peuple est dans un desarroi et une pauvreté sempblable à celle de l'albanie sous Hodja. Toutes les chancelleries lesavent et font des notes des plus alarmistes et étnnantes sur l'A lgérie. Tout le monde s'attend, s'il ne meurre pas avant, à sa déclaration pour un quatriéme mandat. En tout état de cause si cela devait se réaliser je serai alors convaincu de la prédilection faisant de nous un pays maudit, est vrai.