Rachid Chekri : "Notre monarque a réussi à dissoudre la contestation"
Rachid Chekri vient de publier L'empire de la répression, chez Publibook. Cet essai aux accents pamphlétaires rondement écrit est "une plongée dans le cauchemar algérien, testament d'une nation perdue entre dictature et anarchie", lit-on en quatrième de couverture. Ce livre court mais son auteur a une plume acérée. il n'épargne aucun des nombreux errements auxquels le pouvoir a soumis l'Algérie. L'essai est sans aménité. Car ceux qui sont en haut le sont également avec les citoyens.
Lematindz : Qui est Rachid Chekri ?
Rachid Chekri : Oui, je suis un jeune Kabyle, né à Akbou, petite ville située au nord de l’Algérie. Je suis enseignant de fonction et père de deux enfants.
Votre ouvrage, L’empire de la répression est une véritable charge contre le régime ?
Nul dans ce pays n’ignore la responsabilité avérée de ce pouvoir dans tout ce qui se passe en guise d’atteinte à la dignité nationale sous forme de pratiques maffieuses qui visent tout ce qui est algérien, durant 50 ans d’indépendance. C’est les mêmes figures qui ont squatté le trône de la république par le seul moyen de la fraude et des liquidations physiques qui continuent aujourd’hui de régner sous les auspices de la force coloniale, alors je vois la nécessité d’écrire pour contrecarrer leur doctrine.
Vous écrivez : "Une sèche prolixité s’étend alors du rivage du pays jusqu’aux frontières du désert, des joutes oratoires s’élèvent entre nos partis dont la prolifération démontre bien le rabais du niveau de la politique", la scène politique est si médiocre…
C’est dû aux contrecoups de la politique du régime en place, en encourageant l’incompétence et l’impéritie, d’ailleurs pour accéder à un poste de responsabilité dans ce pays, il ne suffit pas d’être doué ou compétent, il faut simplement rallier la famille féodale du pouvoir, de là, la médiocrité devient un model voire un critère très exigé pour se maintenir au giron de cette oligarchie. Ce phénomène envahit d’autres composantes de la nation dont les syndicats, ces rejetons de l’UGTA qui ne cessent de troquer leur silence contre des postes de directeurs de collèges. C'est-à-dire on achète tout sans hésitation, c’est le rituel le plus efficace pour se garantir une pérennité dans l’absolutisme.
La question de l’enseignement est centrale dans votre livre...
Oui parfaitement, primo, le fait que je sois enseignant, m’accule à dénoncer cette idéologie qu’on a implanté dans les programmes, le seul grand chantier pour lequel ce pouvoir s’est évertué à propager la médiocrité est l’école, on voit ces sortants de nos universités avec un niveau intellectuel qui laisse à désirer, des licenciés en mal de maitrise de langues, des étudiants dont l’esprit est tout à fait réduit à un degré d’abrutissement très élevé. Secundo, je sens le devoir d’écrire sur l’enseignement parce que c’est la poutre centrale de toutes les nations.
Vous écrivez aussi "L’Amazighité. Ce grandiose trésor de nos aïeux est vendu à l’encan". Pourquoi selon vous la question identitaire s’est émoussée depuis une décennie ?
Tout simplement, ceux qui se prétendent être les initiateurs du mouvement pour la culture amazighe ont usé de ce moyen pour atteindre des postes de ministères, c'est-à-dire c’est une façon à eux d’accepter de nuire à cette relique ancestrale pour des fins personnelles, en plus du rôle délétère de l’Etat qui s’amuse à étouffer tout mouvement visant à compromettre son existence.
Quelle analyse faites-vous de la situation politique du pays ?
Vous savez, je suis pessimiste quant au devenir de mon pays, je vois le rôle absent des intellectuels algériens, à qui est incombée la tâche de réunir ces masses juvéniles pour constituer un bloc contre la hogra du régime et ses manières de réprimer le peuple, je ne vois aucune opposition efficace qui sert de contrepouvoir, notre monarque a réussi dans sa mission de dissoudre la contestation par le biais de milliards de dinars distribués à flot pour s’assurer une immunité contre tout soulèvement.
Comment analysez-vous le fonctionnement du pouvoir algérien ?
Nous savons tous que nos despotes sont des gens qui sont prêts à tout pour le seul objectif qu’est la continuité dans ce chaos qu’essuie notre peuple depuis l’indépendance, ce régime, bâti par la rapine et la corruption, ne reconnaitra jamais la voie démocratique si le peuple vient à revendiquer pacifiquement un changement et les preuves ne manquent pas, à l’instar de quelques pays comme la Syrie dont le peuple paye jusqu’à cet instant un lourd tribu.
Bouteflika vient de changer de premier ministre ?
Il ne suffit pas de changer un ministre par un autre pour faire croire que le pays ira bien, le problème réside dans l’absence de toute volonté politique, nous avons assisté à trop de changements depuis l’arrivée de Bouteflika, mais la situation se détériore de plus en plus, ce dont je suis convaincu c’est que le véritable changement n’émanera jamais par la voie pacifique avec ces gens là, puisque leur insatiabilité prime sur l’intérêt national.
Entretien réalisé par Hamid Arab
L'empire de la répression, édité par Publibook. Prix : 10 euros.
Commentaires (9) | Réagir ?
Aprés avoir fait fuir chakib khalil du pays pour lui épargner de probables poursuites judiciaires pour avoir dilapidé des millards de dollars du peuple algérien, il vient de placer un ministre de l'habitat ayant des démélées avec la justice algerienne dans l'affaire khalifa puisqu'il reconnaît avoir donné des injonctions aux opgi du pays pour placer leur argent chez Moumen.
Le comble maintenant c'est qu'il vient "d'immuniser" tous les voleurs et leurs familles et les non voleurs (ils sont rares) en leur procurant tous, un passeport diplomatique afin qu'ils ne puissent pas être poursuivis en justice plus tard.
A l'inverse des révolutions arabes qui ont fait chuter une dictature pour la faire remplacer par une autre comme en Tunisie, en Egypte et en Libye ou la force publique est désormais au service de l'idéologie intégriste et sa chariâ, chez nous c'est le deux en un des dictatures qui prédomine ou la frontiére entre les lois de la république et la chariâ n'est pas trés distincte ou vous risquez la peine de prison même en empruntant un CD à votre voisin ou en transportant la bible dans le coffre de votre voiture. Les atteintes aux libertés individuelles et collectives sont monnaie courante et donnent du grain à moudre à une justice prédisposée. Et surtout ne fouinez pas dans les affaires de corruption et de pratiques mafieuses des pontes du système, vous encourrez le harcelement judicaire, le redressement fiscal arbitraire et la diparition pure et simple de votre journal comme ce fut le cas pour le journal Le Matin. Avec la dictature de puissance carrée instaurée par Bouteflika, c'est tout le pays qui est férré au sol, il ne décollera jamais et son avenir est sacrifié à l'autel de l'imposture humaine.