Hier lundi, à l’ouverture de la session d’automne du Parlement, les membres du gouvernement ne se sont pas exprimés sur l'assassinat du vice-consul Tahar Touati par le Mujao. Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, n'en a pas dit autre chose que ce qu'il avait dit la veille : "Il n’y a pas de nouveau dans l’affaire des otages" presqu'avec indifférence. Au Conseil de la nation, Medelci interrogé une nouvelle fois par les journalistes sur le sort des otages algériens au Mali et sur la véracité de l’information portant sur l’exécution d’un des diplomates, n’a rien révélé et s’est contenté de rappeler le contenu du communiqué diffusé dimanche matin : "Nous avons reçu quelques informations, dans des propos évasifs. Nous les avons communiquées à l’opinion publique nationale et internationale. Pour l’heure, nous n’avons aucune information supplémentaire."

Selon la presse nationale d'aujourd'hui mardi, la plus scandaleuse des réponses est venue du secrétaire général du FLN et représentant personnel du chef de l’Etat, Abdelaziz Belkhadem, estimant : "Si l’information se confirme, je présente mes condoléances à la famille du diplomate et nous espérons la libération des autres otages..." C'est même avec ironie, note le quotidien El Watan, que Noureddine Yazid Zerhouni, vice-Premier ministre, s'est permis de dire aux journalistes: «Le gouvernement observe toujours le jeûne, rahou sayam essabrin." Quant au président de l’APN, Larbi Ould Khelifa, il a entamé son discours par une pensée à l’égard des otages algériens, en exprimant à cet effet sa solidarité et celle du peuple algérien, des députés et des instances concernées aux familles des diplomates enlevés en avril dernier au Mali, en espérant, a-t-il dit, leur retour sains et saufs au pays tout en relevant "l'hibernation" estivale des institutions de l'Etat. L'attitude générale semble être à l'indifférence ou au silence du secret d'Etat. D'ailleurs, certains députés estiment que le gouvernement est contraint de garder le silence tant qu’il n’a pas une preuve matérielle concernant l’exécution du diplomate, tandis que d'autres pensent que le pouvoir évite de se confondre dans cette affaire, car si l’exécution se confirme, il serait dans l’embarras…

A cette indifférence d'un gouvernement qui compte ses jours et des nouveaux députés, s'ajoute, plus grave, le silence du chef de l'Etat avant et après l'exécution du vice-consul, n'ayant eu la moindre compassion avec les familles des otages qu'il n'a pas rencontrées depuis le 5 avril dernier. Les familles sont toujours face au mur du silence du chef de l'Etat. Pourtant, dans son premier communiqué suite à l'assassinat de Tahar Touati, le département de Mourad Medelci affirme qu'il "ne manquera pas d'informer les familles concernées et l'opinion publique nationale de tout nouveau développement". Or, son deuxième communiqué faisant état d'aucune autre information que celles qu'il détient, ne confirmant ni n'infirmant l'exécution du vice consul, information relayée par des sites mauritaniens et malien dans la nuit du samedi à dimanche, n'est pas fait pour rassurer les familles des otages.

La famille du consul Mourad Guessas, elle, n'est pas restée dans le silence comme l'aurait sans doute souhaité les autorités algériennes. Dans les colonnes d'El Watan hier, elle interpelle le chef de l'Etat, indignée par l'absence de toute réaction de sa part sur l'assassinat du vice-consul Tahar Touati et le sort des trois autres otages; ce qui accentue son angoisse, son désarroi, son indignation et sa colère. Devant l'immobilisme flagrant et révoltant des autorités algériennes, la famille Guessas lance: "L’Etat doit faire quelque chose. Il faut qu’il bouge (…) Bouteflika doit faire quelque chose. Nous lui demandons de sauver ses enfants. Pourquoi a-t-il laissé mourir Tahar Touati ? Il ne va tout de même pas laisser périr les autres ? Pourquoi les autres Etats ont-ils réussi par le passé à libérer leurs otages ?" La responsabilité morale du chef de l'Etat dans l'assassinat du vice-consul Tahar Touati et le sort des autres otages que détient toujours le Mujao est ainsi pointée du doigt par la famille du consul, Mourad Guessas, qui accuse les autorités algériennes de semer le doute sur le sort des otages: "Ce n’est pas normal ce qui se passe. Il ne s’agit pas d’encourager le terrorisme, mais de sauver des vies humaines. Il y a là un cas exceptionnel. Il faut trouver une solution."

Notons que le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika a choisi ce moment de grande détresse des familles des otages et d'une attente de vérités sur l'affaire par l'opinion publique nationale et internationale pour nommer un "nouveau" Premier ministre; une nomination qui passe sous silence d'ailleurs devant la gravité de l'assassinat d'un fonctionnaire consulaire algérien représentant l'Algérie dans la ville de Gao, au nord du Mali, par un groupe d'Al Qaïda au Maghreb islamique, le Mujao. Au lieu de mobiliser toutes les énergies en place, Abdelaziz Bouteflika créée une sorte de détournement de l'opinion publique sur cette affaire qui remet en cause la souveraineté de l'Etat par la nomination d'un nouveau Premier ministre.

R.N./El Watan