Liquidation de Ben Laden : énième version et beaucoup de questions
L'ouvrage d'un membre des Navy Seals ayant participé au raid d'Abbottabad remet en cause le récit des autorités. Le Pentagone menace son auteur. Sans démentir ses dires.
Ben Laden représentait-il une menace envers les commandosaméricains qui ont ouvert le feu sur lui, le 1er mai 2011 à Abbottabad ? Intitulé No Easy Day, un ouvrage à paraître aux Etats-Unis le 4 septembre et signé d'un ex-membre des Seals ayant participé au raid, met à mal la version officielle de la mort du chef d'Al-Qaïda.
Ben Laden n'était pas armé au moment où il a été tué, y affirme Mark Owen - le pseudonyme utilisé par Matt Bissonnette, 36 ans, dont la véritable identité a été révélée par Fox News. Selon l'ex-Seals, qui a quitté la Navy en avril après 14 ans de service, le chef de l'organisation terroriste a été touché à la tête alors qu'il entrebâillait la porte de sa chambre, située au dernier étage de sa résidence, pour jeter un œil à l'extérieur. Pas de confrontation. Owen prétend s'être trouvé derrière le commando leader au moment où les membres du raid ont suivi Ben Laden dans la pièce. Celui-ci était à terre, au pied de son lit. "Du sang et de la matière cérébrale s'épanchait sur le côté de son crâne", se souvient Owen, qui ajoute que le corps tressautait. Lui et l'un de ses collègues ont alors braqué leur arme sur sa poitrine et tiré à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'il cesse de bouger.
Un récit qui diffère de la version officielle, selon laquelle les balles tirées par le commando depuis la cage d'escalier n'avaient pas atteint leur cible. L'administration avait par ailleurs allégué que la confrontation s'était déroulée dans la chambre, non à l'extérieur de celle-ci, et que Ben Laden avait succombé à deux balles, reçues dans la poitrine et au-dessus de l'œil gauche.
Au vu des faits exposés par Owen, le New York Times souligne que selon les critiques, d'Owen, "... il n'y avait quasiment aucune chance que les Seals ramènent Ben Laden vivant". Les sources officielles affirmaient que la décision de l'abattre avait été motivée par le fait que, bien que non armé, il aurait pu avoir recours à une "suicide vest" ou un autre objet piégé.
Le Pentagone et la Maison Blanche, n'ont pour le moment, pas contredit les faits avancés par Owen, alors que l'affaire s'est invitée dans la campagne présidentielle. Un silence qui "reflète au moins en partie la réticence de l'administration à rouvrir le dossier au moment où les Républicains ont accusé l'administration d'exploiter le succès du raid pour polir la légitimité du président Obama sur le plan de la sécurité nationale", avance le New York Times". L'ex-Seal, lui, ne fait pas mystère de son mépris envers le président sortant.
Sans commenter le contenu de l'ouvrage, c'est sur le plan légal que les autorités menacent de riposter. Jeudi, le Pentagone a averti Owen qu'une réflexion était engagée sur une éventuelle action en justice. Le Département de la Défense accuse l'auteur de n'avoir pas respecté les termes de deux accords signés en 2007, via lesquels il promettait de ne pas divulguer d'informations susceptibles d'être classifiées. Les recettes générées par un manuscrit en contenant seraient "affectées au gouvernement américain", prévoit l'accord. "On ne voit pas clairement, cependant, si l'avertissement du Département de la Défense à Matt Bissonnette est un prélude à une bataille légale avec l'ex-commando ou une fausse menace", souligne le Washington Post .
L'auteur justifie de son côté sa décision de publier l'ouvrage, qui ne contient selon lui pas d'information classifiées. Il précise avoir collaboré avec un avocat spécialisé qui a validé le contenu du livre. "Depuis le 1er mai 2011, tout le monde, du président Obama au [commandeur spécial des opérations], l'amiral McRaven, a accordé des interviews sur l'opération. Si mon commandeur en chef est disposé à parler alors je me sens à l'aise pour faire de même", lance-t-il.
Owen dispose d'une autre arme, et pas des moindres : l'opinion publique. Comme le fait remarquer le Washington Post, "il semble incertain que l'administration Obama se décide à poursuive un homme largement considéré comme un héros national pour son rôle dans la mort de Ben Laden".
Audrey Salor
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