Incendies en Algérie : causes et état des lieux
Il nous faut tout d'abord éliminer cette débile hypothèse, certitude pour quelques-uns, qui veut insinuer que seule la Kabylie est touchée. Ce jugement est porteur de danger, puisqu'il ferme les portes de la vérité à ses auteurs.
Tous les massifs algériens, sans exception, sont affectés par cette catastrophe (qui a fait disparaître 51 000 hectares de couvert végétal jusqu'au 25 août). La belle et stratégique forêt de Khenchela (Beni Imloul, au pied de l'Aurès), constituée de cèdre et de pin d'Alep, est, dans sa grande partie réduite en cendre. Elle est stratégique, car, elle est située à la porte du désert oriental, au-dessus de Biskra. Le Parc national d'El Kala n'a pas été épargné, au même titre que Tikjda. Un fonctionnaire des forêts est mort en mission commandée à Souk Ahras dans un incendie qui a continué sur le territoire tunisien. Les cerisaies de Khemis Miliana (massif du Zaccar) sont réduites en cendre sur des dizaines d'hectares. Dans la wilaya de Chlef, le feu a dévoré même la végétation du cordon dunaire sur les plages de Ténès. À Tlemcen, les forêts frontalières (chêne-liège et chêne vert) ont subi le même sort. C'est dire que toutes les régions ont été touchées par les incendies ravageurs.
Les causes
1- Mesures préventives de l'armée, pour éliminer les caches et abris de terros. Bombardement, lorsque des éléments sont signalés au niveau des massifs (cela s'est passé à Béjaïa et Skikda, par exemple). Dans les deux cas, ce sont des mesures disproportionnées et aveugles, nourries même par l'inculture et l'analphabétisme de certains responsables qui n'ont reçu ni éducation environnementale ni, a fortiori, celle des droits de l'Homme.
2- La main de la maffia du foncier, particulièrement dans les wilayas côtières. Des gens ont même profité de l'insécurité, lorsqu'ils ne l'installent pas eux-mêmes pour s'accaparer de certaines parcelles stratégiques pour y édifier villas et autres immeubles, ou pour en faire une exploitation agricole. Dans le même sillage, mais avec des ambitions moindres, des paysans de l'intérieur des massifs brûlent des morceaux de forêts pour s'en accaparer illégalement par la suite et y pratiquer de l'agriculture. Il y a lieu de savoir que, depuis le début des années 2000, dans beaucoup de zones rurales, le gaz de ville a été installé dans le foyer le plus reculé. Donc, le souci du combustible ligneux n'existe plus. Quant au souci écologique, il n'est pas immédiatement accessible, d'autant plus que l'école ne fait rien dans ce sens.
3- Les incendies accidentels ne représenteraient qu'un proportion minimale de l'ensemble du phénomène (mégot, incinération d'une décharge qui déborde sur le couvert végétal,…). Un stéréotype est souvent colporté par des gens qui voudraient disculper tous les acteurs cités plus haut. Il s'agit de l'action ignée du verre jeté dans la nature. C'est presque un mythe… scientifique. Les conditions (de position du tesson, de sa forme, de la verticalité des rayons du soleil et de la durée d'ensoleillement) font que l'hypothèse d'un feu se déclenchant de cette manière ne représente même pas un cas sur un millier.
Les conditions favorables
- Chaleur caniculaire, favorisée déjà par le processus de désertification des Hauts Plateaux : le ciel encombré de la poussière soulevée par les vents depuis les terres dénudées d'Aflou ou de Tébessa, crée son effet de serre sur le nord d'Algérie et sur… le sud de l'Europe. Les pluies boueuses qui sont tombées à Rome, à Barcelone, à Marseille et à Majorque proviennent de ces milieux où même la végétation steppique (par exemple l'armoise [chih]) est devenue un simple souvenir.
- Absence de lois dissuasives : la loi forestière algérienne date de 1984. Les amendes pour les défricheurs en forêts ne dépassent pas 2 000 dinars. Ironie du sort, le titre même de la modique amende (une fois payée) est utilisé comme titre d'occupation permanente. Les agents forestiers, désarmés par l'armée depuis 1994, n'ont aucune autorité ou force à faire valoir dans l'exercice de leurs fonctions. Parfois, ils sont sérieusement menacés dans leur intégrité par des délinquants notoires ayant des appuis au sein de l'appareil judiciaire.
Conséquences
- Réduction drastique du couvert végétal sur l'ensemble de l'Atlas tellien, de l'Atlas saharien et de la côte. Cela signifie : fragilisation dangereuse du sol et perte du pouvoir régulateur du régime des eaux. Des dizaines de barrages hydrauliques, notamment ceux construits depuis le début des années 2000, risquent de voir leur longévité réduite de moitié, suite aux apports solides charriés par les eaux de ruissellement. Les inondations dans les villes et sur les terrains agricoles seront plus graves et plus fréquentes. Les nappes aquifères ne seront plus alimentées comme avant, du fait de la perturbation qui a affecté le régime des eaux.
- Réduction de l'offre fourragère. Destruction de l'habitat de la faune et réduction sévère de cette dernière. Anéantissement des niches écologiques et des différents biotopes. Réduction monstrueuse de la biodiversité.
- Enlaidissement paysager. Baisse ou disparition de toute attractivité des territoires sur le plan touristique.
Le sommet dénommé "Rio + 20" s'est tenu en juin dernier. Les représentants algériens, grisés par l'argent du pétrole, y ont fait toutes les promesses possibles et imaginables pour honorer les principes du deuxième sommet de la Terre.
A.N.M.
Commentaires (7) | Réagir ?
merci bien pour les informations
merci bien