Polémique autour du gaz de schiste et calculs diaboliques de Sonatrach

Le forage du gaz de schiste a un coût financier et écologique élevé.
Le forage du gaz de schiste a un coût financier et écologique élevé.

Sonatrach affirme que nos besoins en gaz seront couverts pendant 1200 ans. O n'est plus à un mensonge près. Le pays vogue à la dérive au gré de ses nouveaux prophètes et charlatans de la politique qui ont trouvé le champ libre pour propager leurs mensonges et leur médiocrité

Une histoire de dingues, inventée de toutes pièces

C'est de Kuala Lumpur que l'annonce a été faite concernant le forage du premier puits algérien des gaz de schiste, lors de la signature d'un protocole d'accord par le directeur central associations de Sonatrach et Afdal Bahaudin, directeur de la planification de l'investissement de Pertamina (Malaisie).  

Sonatrach vient de découvrir un mégagisement de gaz non-conventionnel qui recèle pas moins de 108 000 milliards de m3, de quoi couvrir nos besoins en énergie pendant 1200 ans. Par prudence, le Président-directeur Général du groupe Sonatrach, et afin de ne pas susciter l'appétit et la convoitise de l'oncle Sam, n'a déclaré que le 1/50ème (2000 milliards de m3) de sa découverte, et cela  par précaution pour que notre pays ne soit pas envahi par les prédateurs, comme se fut le cas de l'Irak et de la Libye. Désormais, avec cette découverte l'Algérie devient la première puissance gazière du monde, son sous-sol recèle le tiers des réserves de gaz prouvés dans le monde.

Discrètement et agissant en hors la loi, le PDG de Sonatrach négocie la mise en valeur de tête à tête avec le lobby des entreprises de l'International Oil Compagnie (ION), 12 milliards de dollars débloqués par le Trésor algérien vont être injectés dans cette affaire non encore justifiée. A propos, de cette découverte, M. Saïd Sahnoun, vice-président Sonatrach/Aval, avait déclaré lors d'une interview : "Un potentiel énorme existe mais cela implique une situation où il faut se battre pour faire des profits". Les capacités des gaz de schiste relevées "varient entre 2400 et 3000 milliards de m3 mais son exploitation est compliquée car ce n'est plus de l'industrie de rente. Cela servira à peine à créer des emplois !". Notre interlocuteur confirme l'intérêt de l'entreprise pour ce genre de gaz fossile non conventionnel mais "demande de la prudence". Un projet pilote existe et consiste en la stimulation de la roche. Les deux pays à avoir recouru à cette ressource sont les USA et le Canada et ont réussi à plomber le marché du gaz conventionnel. L'exploitation de ce gaz n'est pas une priorité pour notre pays mais le sera à long terme. "Le gaz de schiste est susceptible d'être une alternative intéressante dans un contexte où les réserves actuelles de gaz naturel finiront par décliner, en plus de la hausse de la demande interne".

De son côté le Président-directeur général de Sonatrach avait fait la déclaration suivant : "Selon les résultats préliminaires de l’évaluation du potentiel de gaz non conventionnels commandés par le gouvernement, les réserves de gaz non conventionnel algériennes sont aussi importantes que celles des États-Unis. La loi sur les hydrocarbures devrait être modifiée afin d’introduire la réglementation nécessaire pour exploiter le gaz non conventionnel, devenu une nécessité pour permettre au pays de satisfaire la demande locale et d’assurer son indépendance énergétique à l’horizon 2050." Les réserves américaines des gaz de schiste sont de l'ordre de 17 248 milliards de m3, M. Saïd Sahnoun parle de 2400 à 3000 milliards de m3, alors que les chiffres annoncés par M. Abdelhamid Zerguine dépassent ceux américains qui sont de l'ordre de 17 248 milliards de m3, il a été calculé sur les bases de données fournies par Sonatrach (superficie de la formation 180 000km2, 600 millions de m3 de gaz récupérable par km2) que ce gisement, par un calcul mental, recèle plus de 108 000 milliards de m3. On se demande si les responsables de Sonatrach ne se sont-ils pas fait arnaquer par le lobby américain, ou bien s'adonnent-ils à la politique de gonflage de réserves pour un intérêt politique bien précis, celui des bilans falsifiés ? Réf (Si demain le pétrole abiotique devenait abondant... voir Le matindz.net du 13 août 2012) 

L'Algérie abandonnée par ses enfants prodigues, courtisée par les intrus, elle est devenue l'Eldorado du paradis fiscal. Le lobby américain profite de l'absence de passéisme, de méfiance à l’égard de cette aventure aujourd’hui injustifiable. Les dirigeants de Sonatrach relaient cette option énergétique inutile pour notre pays. 

Sur la base de données fournies par le forage d'un puits de prospection "Ahnet I" au Sud de In-Salah, par suite d'une étude commandée par le gouvernement algérien, à un bureau d'études américain pour évaluer notre potentiel gazier non-conventionnel, on a pu calculer par extrapolation la contenance en gaz de schiste d'une formation géologique d'une superficie de 180 000 km2). Chaque km2 de cette couche pourrait produire au moins 600 millions de m3 à un taux de récupération de 20%. Cette chimérique découverte, qui fait rêver le Président-directeur général de Sonatrach, l'empresse de prend ses illusions pour la réalité et médiatise son mirage.

La loi sur les hydrocarbures garante de notre souveraineté économique

La loi pétrolière est une affaire trop sérieuse pour être laissée entre les mains d’un Président-directeur général, qui essaye de forcer la main à l'APN pour porter des modifications à ses convenances et à la faveur du lobby de l'International Oil par le gré à gré et des facilités fiscales. Surtout, lorsqu’on veut  encore nous engager dans des labyrinthes inexplicables comme le gaz de schiste, un investissement à haut risque qui n'apportera absolument rien pour le pays. Le sous-sol algérien recèle encore des potentialités en pétrole et gaz naturel, une ressource encore disponible que nous maîtrisons sa technologie et le savoir faire.  

Misons encore sur le gaz naturel, qui nous a donné tout : de l'électricité à moindre coût, du gaz domestique qui égaille tous les foyens algériens, une grande industrie pétrochimique, de l'eau potable à partir d'usine de dessalement d'eau de mer fonctionnant au gaz naturel, des engrais, des habits , des meubles, des médicaments etc. Soit plus de 6000 produits que nous utilisons. L'utilisation du gaz a amélioré considérablement notre confort et facilité le quotidien de notre vie.

Il est conseillé aux responsables de notre secteur de l'énergie de patienter avant de faire sortir de nouveaux textes pétroliers, car la stratégie pétrolière d'un Etat doit s'exprimer aussi par la structure du contrat de partage de la production

Les résultats et les conclusions tirées ces dernières années  des scandales financiers  de Sonatrach montrent que pour ne plus répéter les graves erreurs humaines du passé récent, il convient de revenir aux processus de la décision universelle. Donc, le cadre du renouveau d'une stratégie et d'une politique énergétique nationale, il est essentiel d'élaborer une nouvelle loi des hydrocarbures qui puisse valoriser au mieux que possible un potentiel attendu. 

En référence aux lois 86-14 de 1986 et 05-07 du 28 avril 2005, amendée par l'ordonnance du 29 juillet 2006, on demande aux services du ministère de l'Energie et des Mines d'élaborer une ébauche d'une nouvelle loi des hydrocarbures dans un cadre officiel et la soumettre aux "critiques", avant sa validation auprès de l'APN. Dans cette ébauche on doit maximiser la fiscalité pétrolière (la rente revenant à l'État), améliorer bien sûr l’attractivité des entreprises étrangères, augmenter les réserves pétrolières, ne pas dépasser le "Péack-oil" c'est-à-dire de maintenir constant le taux de reconstitution des réserves après production, et enfin assurer une exploitation optimale des gisements, dans l’intérêt d'une pérennité de la richesse pétrolière, qui est notre seule source de revenu.  

Notre économie entre les mains des opportunistes

La logique mathématique et technologique de la science des hydrocarbures s'achemine par des étapes successives d'analyses qui mettront des années pour évaluer les capacités de productivité d'un gisement avant sa mise en exploitation (de 10 à 15 ans). Aussi, l'investissement à risque doit être limité au minimum, d'autant plus que l'exploitation des schistes s'avère très couteuse et risquée, pour vous dire quelle vient d'être interdite dans beaucoup de pays qui se sont engagés dans cette malheureuse aventure. Le forage d'un seul puits de prospection sur une superficie de 180 000 de km2 non encore explorée, ne donne aucun résultat quant à l'exploitabilité et à la rentabilité du gisement.

La fracturation hydraulique des roches qui permet l’extraction des gaz de schiste est très loin d’être respectueuse de l’environnement. Pour récupérer ces microspoches, on fore des puits à 2 ou 3000 mètres de profondeur. Pour faire remonter le gaz à la surface, on envoie à très haute pression un mélange d’eau (7 à 15 millions de litres à chaque "frack"), de sable et de produits chimiques. L'opération "frack" est très coûteuse, chaque puits peut être fracturé jusqu’à 14 fois puis on déménage 200 à 500 mètres plus loin. Pour notre calcul, nous supposons qu'il faut cadrer le gisement par des puits producteurs-injecteurs espacés l'un de l'autre de 500 m, nous aurons besoin de 4 puits par km2 pour assurer une production dans les normes, pour 180 000 km2 il faudrait forer plus 720 000 puits à raison de 7 millions de dollars/chacun, soit  5040 milliards de dollars sans compter les frais des opérations répétées de "frack". Néanmoins, même si la technique de fracturation hydraulique doit rester interdite en l'état, il est souhaitable de poursuivre les recherches scientifiques pour essayer de développer des techniques d'exploitation des gaz de schiste moins coûteuses, sûres et plus ou moins neutres pour l'environnement.

Conclusion. Les prophètes et les charlatans, par leurs mensonges et leur médiocrité, veulent-ils nous attirer des ennuis avec l'oncle Sam ? 

Y. Mérabet

Journaliste indépendant et expert en énergie

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Commentaires (1) | Réagir ?

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chakib ACHARI

Les français qui n'ont pas de pétrole et de gaz naturel mais qui ne sont pas cons non plus, n'ont pas osé s'aventurer dans l'exploitation de leur gaz de schiste...