Tunisie : le patron d'Ettounsya TV sous mandat de dépôt
Le gouvernement tunisien, dominé par les islamistes, ne cherche pas à museler les médias mais à les "assainir" et à les empêcher de devenir des "tribunes" de l'opposition, a déclaré dimanche le chef de la diplomatie, Rafik Abdessalem.
Un tribunal de Tunis a ordonné vendredi soir le placement en détention provisoire de Sami Fehri, patron d'Ettounsiya TV, qui diffusait une émission politique satirique visant plus particulièrement les dirigeants du pays et du parti islamiste Ennahda. "Je vais en prison dignement", a déclaré Sami Fehri samedi à la radio Express FM. "Tout cela m'arrive à cause de quatre Guignols", a-t-il ajouté, en référence à l'émission de marionnettes mettant en scène la vie politique, brusquement arrêtée la semaine dernière. M. Fehri est poursuivi pour des préjudices financiers causés à la télévision tunisienne à l'époque du président déchu Zine el-Abidine Ben Ali et risque à ce titre 10 ans de prison.
Dix-sept autres personnes sont poursuivies dans cette affaire dont un ex-conseiller de M. Ben Ali, Abdelwahab Abdallah, et le beau-frère du président déchu Belhassen Trabelsi, qui est en fuite au Canada.
L'avocate Sonia Dahmani a assuré que M. Fehri avait "exprimé l'intention de se rendre". Selon elle, la Cour d'appel de Tunis a violé la loi en décidant du mandat de dépôt dans la mesure où la défense n'avait pas été prévenue de l'audience qui a eu lieu tard vendredi soir. Elle compte dès lors se pourvoir en cassation.
Le patron d'Ettounsya TV a précisé samedi à Express FM que les pressions étaient venues de Lotfi Zitoune, un influent conseiller du chef du gouvernement, Hamadi Jebali, issu de Ennahda. "Une grosse machine nous a broyés, je n'aurais jamais imaginé que ça se passe comme ça (...). Ils ont franchi toutes les lignes rouges", a déclaré le patron de chaîne à propos des dirigeants islamistes.
C'était l’un des cartons d’audience du ramadan, haute saison pour les nouvelles productions télé en Tunisie. "La logique politique", déclinaison des "Guignols" diffusée par la chaîne Attounsiya, s’est arrêtée subitement la semaine dernière. Les deux derniers épisodes prévus n’ont pas été diffusés. Une disparition passée inaperçue pendant près d’une semaine, jusqu'à ce que le syndicat des journalistes s’en fasse l'écho : "La diffusion des Guignols a été stoppée sous la contrainte", a affirmé sur la radio Shems FM son secrétaire général, Mongi Khadhraoui, évoquant des "pressions indirectes" du gouvernement, dominé par les islamistes d’Ennahda.
Pratiques d'intimidation
Sami Fehri a fondé Ettounsiya en mars 2011, quelques mois après la révolution tunisienne. Avant ces événements, il était associé au sein d'une boîte de production, Cactus, à Belhassen Trabelsi. Cette société a été placée sous contrôle judiciaire et l'Etat a saisi 51% des parts de l'entreprise. Cactus fournit néanmoins l'essentiel du contenu de la chaîne Ettounsiya.
M. Fehri avait déjà dénoncé fin juillet les pratiques d'intimidation du pouvoir après une descente des services douaniers dans les locaux de sa chaîne. Cette affaire intervient alors que le climat entre les médias et le gouvernement est délétère.
De nombreux organes de presse et des représentants de la société civile accusent les islamistes de chercher à contrôler les médias jugés trop critiques à l'égard du gouvernement. Vendredi, le SNJT a annoncé se donner deux semaines pour fixer la date d'une grève générale du secteur en signe de protestation.
Les islamistes au pouvoir sont accusés de placer leurs fidèles à la tête des médias publics et d'avoir supprimé des émissions de radios trop critiques. En juillet, l'Instance indépendante chargée de réformer l'information et la communication (Inric) s'est sabordée en dénonçant le recours par le pouvoir à des "outils de désinformation et de censure".
Le gouvernement d'Ennahda veut "assainir" les médias
Le pouvoir "ne cherche pas à contrôler les médias, mais en revanche il ne permettra pas à certains médias de se transformer en tribunes d'opposition à l'action du gouvernement", a-t-il déclaré. "Le gouvernement s'emploie actuellement à écarter de la vie politique les symboles de l'ancien régime et s'engage à assainir le paysage politique, administratif et les médias", a ajouté le ministre, qui est aussi le gendre du chef du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi.
Les islamistes qui dominent le gouvernement tunisien sont sous le feu de la critique de la société civile et de l'opposition qui les accusent de chercher à contrôler les médias. Ennahda affirme pour sa part vouloir purger la sphère médiatique des personnes ayant profité du régime du président déchu, Zine el-Abidine Ben Ali.
Avec AFP
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Guel Dring utilise la démocratie pour s´accaparer du pouvoir et mettre fin à la démocratie.