Sarkozy, Jean Daniel et le secret du 3e mandat (4e partie)
Se prenant au sérieux, Mohamed-Cherif Abbas s'en était un moment pris à la France de Nicolas Sarkozy. Mais comme tous les obligés du système Bouteflika, il fut vite repris par le locataire d'El Mouradia. Sarkozy viendra en Algérie, mais pour ne plus revenir.
Devant le tollé, le président Bouteflika entre en jeu.
Il force d’abord Mohamed-Cherif Abbas à un pitoyable démenti ("J’ai appris avec beaucoup d'étonnement et de mécontentement certains propos qui m’ont été attribués et qui contreviennent à mon obligation de réserve, celle de ne jamais porter atteinte à l'image d'un chef d'État étranger …") avant de s’exprimer lui-même sur la question. Le président téléphone à son homologue français puis publie un communiqué où il rappelle que "la politique extérieure relève du domaine réservé du président de la République et de ses plénipotentiaires dont le ministre des Affaires étrangères en particulier" et qu’"en dehors des positions exprimées par ces autorités, toute déclaration ou spéculation n'engage que ses auteurs ou ceux qui les publient." Aucune sanction n’est annoncée à l’encontre de Mohamed-Chérif Abbas.
Sarkozy, soulagé, fait mine de croire aux arguments de Notre Bouteflika. L’enjeu du voyage porte quand même sur un pactole de 5 milliards de dollars. Il met un terme à la polémique sur TF1 par une formule conciliante : "Je considère que l'incident est clos et j'irai en ami à Alger." Pour ne pas rester sur une humiliation, il conclut par cette apostrophe péremptoire : "J'ai eu longuement le Président Bouteflika au téléphone cet après-midi. Il m'a indiqué, ce sont ses mots, que ce qui avait été dit ne reflétait en rien la position de Algérie. Je lui ai dit que je combattrai de toutes mes forces l'antisémitisme, l'islamophobie et toute forme de racisme."
Incident clos ? Pas tout à fait. Le lendemain, la controverse reprenait, avec plus de véhémence, par l’entremise de deux nouveaux protagonistes : le secrétaire général de la puissante Organisation nationale des Moudjahidines (anciens combattants) Saïd Abadou et le président de l’Association du 8 Mai 1945, Mohamed Korso. Le premier, très remonté, affirme que le Président Nicolas Sarkozy "n'est pas le bienvenu" et considère que sa visite "s'inscrit dans des objectifs diplomatiques clairs." Mohammed Korso est plus volcanique : "Un baiser de Sarkozy est un baiser empoisonné, dont nous devons nous méfier. Nous pouvons nous passer de cette visite, car il existe d'autres pays que la France, comme la Chine, l'Italie, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, avec lesquels nous pouvons coopérer. L’Algérie n'est pas sous embargo au point de se prosterner devant les investisseurs français."
Sarkozy avait chèrement payé son mépris de juillet.
Il dut même se résigner à fustiger le colonialisme dans un discours à Constantine : "Le système colonial était injuste par nature et il ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d'asservissement et d'exploitation". Comme si cette concession n’était pas suffisante pour humilier un homme si orgueilleux, le ministre de l’Intérieur Zerhouni jugea la condamnation par Nicolas Sarkozy du système colonial "trop courte".
Le chef de l’État français repartit d’Alger avec des contrats certes, mais aussi beaucoup de bosses, un prestige passablement terni, une stratégie éventée et un double gros échec : l’Algérie n’est pas encore dans l’Union méditerranéenne et l’alliance Sonatrach-GDF avait capoté.
Il prendra une revanche symbolique dès son arrivée à Paris, en recevant les harkis et les pieds-noirs. Il se consola en apprenant de la bouche d’Enrico Macias que "Nicolas Sarkozy mérite un prix Nobel de la Paix" pour avoir parlé de l'antisémitisme, de l'islamophobie, d'Israël et de la Palestine "comme personne n'avait osé le faire en Algérie" même si, précise le chanteur éconduit, "il a été obligé d'employer des mots pour faire plaisir au nombril des Algériens". Avec un bel esprit vindicatif, l’interprète de Ah, qu’elles sont jolies les filles de mon pays, crut utile d’ajouter : "Le président a eu raison de ne pas s'excuser sinon les gens d’Alger, dans ce cas-là, doivent aussi s'excuser de pas mal de choses."
Fin juillet 2007
Belkhadem ne sait plus où donner de la tête. Il multiplie les fausses annonces.
Voilà un an déjà que le président de la République a annoncé ce référendum que personne ne voit venir et, du coup, le chef du gouvernement se croit obligé d’avoir de l’imagination. Comment, en effet, justifier ce fâcheux couac d’un engagement présidentiel sans penser à la guerre des clans ? Belkhadem a cru trouver l’euphémisme idéal : "La révision constitutionnelle nécessite une préparation sérieuse et on prendra le temps nécessaire …"
Hélas ! pour aussi banale qu’elle fût, la litote ne le livrait pas moins à la sentence d’Abraham Lincoln : "Aucun homme n'a assez de mémoire pour réussir dans le mensonge".
C’est que notre Premier ministre a oublié avoir déjà qualifié l’aléa de "léger retard" quand il fallut expliquer la non-tenue du référendum avant la fin de l’année 2006. Voilà qu’il nous faut désormais prendre "le temps nécessaire" ! Mais le voilà, se ravisant, qui fixe une nouvelle échéance : "La révision de la loi fondamentale du pays pourrait intervenir vers la fin de l’année en cours ou au plus tard au début de l’an 2008". Quelques secondes d’embarras…Et cette formule qui le délivre enfin : "Seul le chef de l’État est habilité à trancher la question".
Le journaliste d’El Watan, qui a assisté aux atermoiements, en fait un récit féroce : "S’étant enlisé dans cette question de la révision de la Constitution, il paraît ne plus savoir où donner de la tête. Il s’avance sur une échéance, puis trébuche et recule pour revenir sur ses propres déclarations. Le chef du gouvernement a fait, depuis décembre 2006 à ce jour, au moins quatre déclarations dans lesquelles il affirme à qui veut l’entendre que le vœu présidentiel "n’est pas abandonné et sa réalisation serait très proche" …"
L. M.
Sources diverses
Commentaires (0) | Réagir ?