Alger : la nuit de Tewfik Makhloufi et la veillée d'Abdelaziz Bouteflika

Abdelaziz Bouteflika honorant Zinedine Zidane.
Abdelaziz Bouteflika honorant Zinedine Zidane.

Deux nuits se sont succédé à Alger, ces lundi et mardi. Hier, Abdelaziz Bouteflika revient sur la scène médiatico-religieuse après une longue absence pour présider la cérémonie de remise des prix aux lauréats du concours de récitation du Coran. La veille, lundi, le médaillé d'or aux Jeux olympiques arrivait dans une capitale qui, depuis longtemps, a perdu l'éclat méditerranéen de ses jours de liesse...

L’Algérie a vécu deux nuits successives, celles d’avant-hier lundi durant laquelle le champion du monde olympique du 1500 m, Tewfik Makhloufi est arrivé dans une capitale qui, depuis bien longtemps a perdu le sens festif et ne vibre plus sous les exploits de ses enfants. La capitale que n’a pas pu voir Makhloufi, celle des prémisses d’un octobre 1988 qui couve, comme braises ardentes, au boulevard Abane Ramdane, puisque, après une brève virée dans quelques artères d’Alger, celles qui ne sont pas sujettes aux pannes d’électricité, le médaillé d’or a été confiné à l’hôtel El Djazaïr où il a été assommé de discours et d’autosatisfactions sans vergogne d’une nuée de responsables dont plusieurs n’avaient aucun lien avec le sport. Le président de la République n’était pas à l’aéroport pour accueillir le médaillé d’or auquel il a adressé un message de félicitations aux JO. de Londres ni même dans cet hôtel.

La nuit suivante, celle de mardi à mercredi, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika a, après une longue absence des médias, fait interrompre tous les programmes de l’ENTV et de la radio nationale, pour… présider la cérémonie de remise des prix aux lauréats du concours international de récitation du Coran d’Alger qui a lieu à l’occasion de la célébration de la nuit du 27e jour du Ramadan (Leilet el Qadr). Sauf que cette fois, parmi les trois lauréats ne figure aucun Algérien. Parmi les trois premiers prix remportés par ordre de mérite il y a le jeune Libyen Abdellah Mohamed Chemila, le Bengladeshi Mahieddine Chams el Haq et le Tchadien Ahmed Mohamed Tahar. Les récitants algériens n’ont eu droit qu’à des prix d’encouragements. Parmi ces lauréats, point de récitantes du Coran !

Ces deux nuits ont donc célébré deux prix. A celui qui consacre un Algérien au podium mondial, qui célèbre ce que l’humanité a de performant, celui qui symbolise la paix, la fraternité, la modernité, le sens de l’effort, la performance d’une jeunesse, garçons et filles, au-delà des langues, des cultures, des religions, celui par qui les nations font entonner leur hymne national par les performances de leur athlètes, à ce "prix-là", celui de la médaille d’or de Tewfik Makhloufi, Abdelaziz Bouteflika lui a préféré celui de la Récitation du Coran, un rituel de "leilat el qadr" (la Nuit de la Révélation du Coran) ; et la veillée a occupé tous les médias, TV et radio.

La cérémonie religieuse et pieuse de Bouteflika s’est tenue dans une mosquée ; celle du médaillé d’or dans un hôtel, les deux espaces ayant eu toujours des liens si étroits dans les moeurs du pouvoir algérien qu’on les confondrait facilement.

Alors que Tewfik Makhloufi n’a eu que des hommages appuyés, des discours apprêtés et la parade du ministre de la Jeunesse et des sports, Hachemi Djiar, Abdelaziz Bouteflika, lui, a reçu pour sa part le bouclier du ministère des Affaires religieuses et des Wakfs et un discours qui n’a rien à voir avec la causerie propos insipide de son ministre des Sports à l’égard du médaillé d’or. Le président de la république a été auréolé d’un "dars", d’une longue causerie, celle-là, religieuse, dispensée par l’imam de la mosquée Al Arabi Khaled d’Alger  sur Leilet El Qadr (Nuit du Destin), liant la nuit de la révélation du Saint Coran au rôle des moudjahidine dans la libération du pays ainsi qu' leur contribution à son édification et la préservation de "l’identité musulmane de l’Algérie." L’imam n’a pas manqué de rappeler "la sagesse" du président de la République, Abdelaziz Bouteflika "qui a pu mettre un terme à l’effusion de sang grâce à la concorde civile et la réconciliation nationale."

Deux nuits successives, celle d’un Président qui revient après une si longue absence de la scène politique nationale et celle d’un jeune Algérien que l’on surnomme déjà "le Lion de Souk Ahras" qui déferle sur une scène sportive nationale étiolée par l’incompétence et la corruption.

Ces deux "veillées" sont-elles représentatives, par leurs symboliques respectives, de deux projets de société dans une Algérie qui passe d’une mosquée à un hôtel, d’un prix religieux à une médaille d’or olympique ou ne sont-elles qu’un hasard du calendrier. Dans tous les cas, Bouteflika ne pouvait-il pas passer ses deux nuits, l’une dans une mosquée, l’autre dans un hôtel, l’une avec des champions internationaux musulmans dans la Récitation du Coran et l’autre, du lendemain, au côté du champion international revenu de Londres avec une médaillé d’or, musulman lui aussi.

Mais les nuits des Algériens ne semblent être ni du côté de la Récitation du Coran, ni d’une médaille d’or dans une 50e place de l’Algérie aux JO. de Londres. C'est "la nuit a qui a peur du soleil" ; ce sont des nuits sans courant électrique, sans eau courante, des nuits menacées par les incendies et le terrorisme…

R. N.

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Commentaires (7) | Réagir ?

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kamel benzine

Leila el kader ou non, boutef est un criminel point et fin.

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sam abed

Je pense au contraire que c'est une bonne nouvelle. N'oubliez pas que chez nous, qu'on on sait que la fin est proche, on devient de vrais musulmans pour avoir la misericorde divine. Donc, en conclusion, il ne reste pas grand chose a Boutef. Par contre je plains les algeriens a qui on va imposer 40 jours de deuil.

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