Alors que les violences terroristes et les incendies qui ravagent le pays depuis préès d’un mois continuent de faire l’actualité, les autorités religieuses algériennes se sont engagées à nouveau dans des débats houleux et agités sur la manière de déterminer la fin de Ramadan. L’Algérie est divisée même sur le jour de la célébration de l’Aïd, entre partisans de l’approche traditionnelle qui consiste à tourner son regard vers le ciel pour rechercher l’apparition du croissant et ceux qui utilisent les moyens de la science et de l’astronomie pour décider de la fin de Ramadan. "Comment peut-on célébrer le jour de l’Aid  en Algérie si le hilal n’est pas apparu au Macherek. Le monde arabe ne peut fêter l’Aid sur deux ou trois jours différents" explique doctement une voix autorisée du conseil islamique algérien.

Depuis le 10 mai 2012, date de la tenue des élections générales qui ont consacré contre toutes les prévisions la victoire du FLN, un parti honni par le peuple, la situation s’est davantage détériorée. C’est l’anarchie totale dans le pays. La victoire du FLN, un parti habitué à la fraude et en proie à des dissensions sans précèdent, a dévoilé au grand jour les profonds contentieux qui paralysent la scène politique algérienne depuis la guerre de libération. Outre les sujets de crispation qui ont durci entre l’institution militaire qui détient la réalité du pouvoir et un président qui s’est éclipsé après sa tentative illusoire de réconciliation par un scrutin controversé pour une sortie de crise consensuelle et inclusive, les barons de l’informel et de l’économie de bazar ont élargi leur sphere d’influence à tous les secteurs de la vie sociale.

Désormais, aucun produit de large consommation n’échappe à leur contrôle et à leur rôle de nouveau régulateur à la place de l’Etat. Pour contrer cette offensive spéculative, les autorités algériennes procèdent à des augmentations de salaires inappropriées dans un climat marqué de violences inouïes.

Au cours de ces quatre dernières années, le nombre de parricides et de suicides a considérablement augmenté pour atteindre les 200 cas minimum annuellement rien que dans la seule wilaya de Tizi-Ouzou, alors que la prostitution et le chômage s’y sont durablement installés pour n’épargner aucun pan de la société. Dans une famille anéantie et déstructurée par la succession de drames et de tragédies, les parents chassent leurs enfants comme le ferait un prédateur affamé dans la Savane.

Selon une enquête menée par deux jeunes sociologues dans de nombreuses wilayas de l’intérieur du pays, un Algérien sur vingt observe réellement le jeûne durant ce mois sacré. Les raisons invoquées à ce sujet tournent toutes autour de la cherté de la vie. Parmi les nombreuses réponses recueillies à ce sujet, celle relative à la précarité est la plus citée par les citoyens. Il faut dire qu'en ce Ramadan, les prix des légumes et fruits ont atteint des seuils qui défient l’entendement, tandis que ceux des viandes sont tout simplement ahurissants tant ils sont hors de portée des bourses stables.

"Comment voulez vous qu’on célèbre la journée de l’Aïd et donner de la joie à nos enfants, alors qu’on n’a même pas les moyens de se permettre durant toute l’année un repas décent ?", s’interroge outré un retraité à Draâ El Mizan.

Il reste à savoir maintenant si les Algériens, visiblement déboussolés et désœuvrés par les violences, le chômage, la précarité, le suicide et la harga, auront l’audace de se regarder dans les yeux et s’embrasser le jour de l’Aïd.

Saïd Radjef