L'échiquier politique de Bouteflika : quels pions pour 2014 ?

Présidentielles de 2014: son dernier round
Présidentielles de 2014: son dernier round

Il ne serait pas surprenant que, dans le contexte des Révolutions arabes qui ont tourné au vinaigre, Abdelaziz Bouteflika se lance un défi: celui d'aller derechef vers les présidentielles de 2014 pour briguer un quatrième mandat, à vie, à contre-courant de la chute des dictatures…

Les élections législatives constituent-elles, pour Abdelaziz Bouteflika, une rampe de lancement pour un quatrième mandat ? Les réformes qu'il avait initiées en amont, sur le volet politique notamment, tendent à conforter cette hypothèse : tout en donnant l'illusion d'ouvertures du champ démocratique - la loi organique sur les partis, les timides ouvertures consenties à la faveur des Révolutions arabes, comme la levée de l'état d'urgence bien que restée formelle, la dépénalisation des délits de presse adoubée d'une pénalisation pour toute offense au président de la République, l'interdiction signifiée au FIS de toute velléité de retour sur la scène politique -, le premier magistrat du pays semble amorcer un nouveau tournant dans sa gouvernance.

Il n'interfère plus, en tout cas hors de l’arène publique, avec les instances représentatives de l'Etat, donne plus de libre arbitre à ses ministres et observe une retenue calculée dans ses déclarations devenues rares non pas seulement en raison de l'âge ou d'une prétendue maladie mais, d'évidence, en raison de facteurs exogènes, principalement les Révolutions arabes qui lui a défait ses relations maghrébo-arabes mais qu’il tourne à son avantage.

Ce nouveau visage d'une gouvernance qui passe d'un autoritarisme populiste, fait d’interventions hétéroclites et arrogantes, à un silence sidéral mais nourricier d'intrigues et de questionnements, est-il une stratégie comportementale à même de faire oublier une saturation d'images médiatiques agressives, connues et érodées de ses trois mandats successifs ?

Les législatives ont débouché sur un raz-de-marée de son parti, le FLN, revu et corrigé par son secrétaire général et néanmoins conseiller particulier, Abdelaziz Belkhadem. Ce dernier, après bien des ruades, se fait lui aussi oublier de la scène politique et médiatique ; il ne semble pas visiblement  inquiété pour le moins du monde, par ses détracteurs et la fronde menée contre lui par les partis islamistes dits de "l'Alliance verte" s’est vite éteinte comme fétus de paille. Abdelaziz Belkhadem, fort de la razzia des sièges au parlement a désormais les coudées franches au sein de la Présidence, là même où il a été l'une des chevilles ouvrières des campagnes présidentielles du candidat Abdelaziz Bouteflika, notamment celle de 2004 durant laquelle il a utilisé toutes les armes pour neutraliser l'insurrection des partisans d'un FLN qui s’est dit "réformable" au lieu de "corvéable", du 7e congrès Bis.

Aujourd'hui, l'échiquier politique est plus assagi, docile, au sein d'une supra-majorité présidentielle élastique et élargie (FLN-RND-PT-Mouvance islamiste et Indépendants) et également au sein des partis qualifiés encore de "l'opposition" affaiblis, après voir été consommateurs de la rente du pouvoir, par le ralliement du FFS à la logique électoraliste du sérail, au noyau dur du clientélisme et de la corruption systémique, incolore et inodore quoi s’est traduit (ce ralliement) par  l'attentisme d'un RCD dont le leader, Saïd Sadi, choisit un contexte de crise sans précédent, pour quitter la direction du parti.

En l'absence de contre-pouvoirs politiques, le paysage politique déroule son tapis rouge et conforte Abdelaziz Bouteflika dans ses prévisions pour les présidentielles de 2014. Tant et si bien qu'il n'a pas jugé utile, dès après l'annonce des résultats du scrutin législatif, de nommer un nouveau chef du gouvernement. Mieux, il élargit même les prérogatives de son Premier ministre,  Ahmed Ouyahia, en en faisant son représentant personnel dans des rencontres internationales de première importance comme le sommet de l'Union africaine à Addis Abeba. Et les activités du gouvernement ne semblent pas aussi stagnées qu'elles pourraient paraître. Quatre de ses ministres concentrent toutes les activités du gouvernement et sont poussés sous les feux de la rampe en raison de leur volontarisme à être des porte-voix énergiques annonciateurs d'un autre mandat présidentiel en sa faveur.

A la suite de Abdelaziz Belkhadem qui a déclaré sans ambages, l'an dernier, aux prémisses de la préparation des législatives "Bouteflika sera notre prochain président", Ahmed Ouyahia, Mourad Medelci, Daho Ould Kablia et l'étonnant ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, qui multiplie les missions et les déclarations sur la crise malienne, appliquant à la lettre la "voie du dialogue" initiée et imposée par le premier magistrat du pays, préparent le terrain à l’échéance de 2014.

Ahmed Ouyahia, d'Addis Abeba, le mois dernier, a rendu un vibrant hommage aux "chantiers démocratiques" du concepteur de la "concorde civile" qui revient en force présentement. Daho Ould Kablia prend le relais de ce panégyrique en affichant un optimisme béat sur la charte pour la paix et la réconciliation en ranimant la politique de minimisation du terrorisme qualifié de "résiduel". Après une politique répressive contre la protesta des gardes communaux, il dénoue l'affaire et fait taire les protestations sur de simples "garanties". Mourad Medelci mène quant à lui, sur le dossier syrien, la promotion de la ligne dictée par le chef suprême des armées. Durant ses deux premiers mandats, Abdelaziz Bouteflika avait maintes fois fait de l'ombre à ses différents ministres et a interfèré à leurs prérogatives, s’octroyant toutes les missions à l’étranger au point qu’il fut un président de "l’international".

Certains ministres se lâchent même sur des sujets qui auraient soulevé la hargne du locataire d'El Mouradia. Ould Kablia ne s'est pas gêné, dans le contexte du cinquantenaire de l'indépendance, d'avouer que les festivités d'une telle commémoration coûtent chères et ne servent à rien. Mais, est-ce aussi une nouvelle stratégie de gouvernance de Bouteflika qui ne cherche plus à se légitimer par l'Histoire, fût-elle celle de la guerre de libération, comme il l'a fait lors de la fameuse opération médiatique Tlemcen, capitale de la culture islamique ?

D'autre part, l'opération de Com à travers la presse mondiale n'est-elle pas une démarche médiatique d'un futur candidat aux présidentielles avant de n'être qu'une autoglorification d'un bilan de fin de mandats ? Avec les communales qui arrivent, l'échiquier politique d'Abdelaziz Bouteflika avancera ses pions dans le pays profond avec, en arrière plan, des campagnes d'assainissement, des inaugurations de chantiers mis au frigo à cet effet, pour répondre aux revendications des citoyens. Abdelmadjid Sidi Saïd en a annoncé les primeurs: abrogation de l'article référant au SNMG, la relance de la petite et moyenne entreprise, le retour aux populaires "souk el fellah" que n’ont pu concurrencer les éphémères "souk Rahma" de l'ex-FIS.

Sur le plan international, Abdelaziz Bouteflika semble avoir tiré son épingle du jeu : les révolutions arabes ont débouché sur la négation des espoirs démocratiques nourries par les peuples insurgés pris en étau par l'islamisme politique qui triomphe comme jamais aux premières élections "libres" de l’ère des dictatures déchues en Tunisie, Libye, Egypte et peut-être la Syrie à la chute inexorable de Bachar Al Assad. Abdelaziz Bouteflika en sort ainsi gonflé de gaillardise ne se gênant pas de plaisanter sur sa personne : "tab djnan-a" et se pose, aujourd'hui, comme l'un des chefs d'Etat maghrébins de l'ère post-Révolutions arabes gardien impénitent de la démocratie et de l'ordre républicain; ce à quoi s'ajoute, dans ce contexte international, la charte pour la paix et la réconciliation nationale.

Ainsi, l'échiquier politique d'Abdelaziz Bouteflika n'a devant lui, désormais, aucun obstacle pour avancer ses pions, doucement mais sûrement vers un quatrième mandat; ce qui serait une première mondiale pour un président dans la sphère du Maghreb et de l'Afrique dans le contexte sismique des Révolutions arabes. C'est là, sans doute, le défi que veut relever le locataire d'El Mouradia...

R.N

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Commentaires (9) | Réagir ?

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avicenne

Ce qui m'a étonné dans cet article c'est quand vous écriviez "les revolutions arabes qui ont tourné au vinaigre"! Pourquoi?Et par rapport à quoi?Je pense que c'est une très mauvaise appréciation et hâtive conclusion !

Cela comporte une certaine connotation négative; et sous-entend un non aboutissement !!Alors qu'elles viennent juste de naître !Ces convulsions violentes qui les agitent en ce moment; n'étonnent ni l'historien ni l'homme politique averti. Par définition une révolution c'est un changement brusque et violent dans la structure politique et sociale. Et, il ne faut pas oublier, que le monde arabe tenu en laisse par ses tyrans ;accusait un énorme retard sur pratiquement tous les plans (droit de la femme, libertés individuels, syndicales, religieuses etc) par rapport à la plupart des pays (même les plus pauvres de la planète) .

C'est un nouveau mode de gouvernance. Les peuples arabes ont été isolé du reste du monde à des degrés différents, par leurs dirigeants, qui au fond, dans la pratique politique se ressemblaient tous (royaume ou république) !Le pouvoir était absolu et au mains des oligarques ou militaires. Pour chloroformer leurs peuples, ils les gavaient de principes religieux moyenâgeux et xénophobes, de nationalisme exacerbé et ultra conservateur, d'affabulations révolutionnaires, de mensonges historiques etc. En fin de compte, c'étaient des états qui ne fonctionnaient même pas sur le minima des standards universels. Tous rejetaient le principe des élections democrtatiques. Certains n'ont même pas de syndicats et d'autres même pas de communes!!!!

« Les dictatures fomentent l’oppression, la servilité et la cruauté ; mais le plus abominable est qu’elles fomentent l’idiotie. »J. L. Borges.

Ce qui se passe dans le monde arabe est au contraire positif (pas pour le regime algerien! !Car les luttes entre les différents clans reflètent une réalité !Avant, ils n'avaient aucun droit de s'exprimer! !!Ils sont dans la phase d'apprentissage !Qui est très difficile, il faut le souligner!Mais rien n'a tourné au vinaigre. Au contraire, et malgré ce qui se dit, Ils sortiront grandis!Mais pas l'Algérie, pays de façade, et de désespoir !

Le pouvoir algérien, défend ce point de vue, et déclare à qui veut bien l'entendre que sous les dictatures c'était mieux alors que maintenant c'est le chaos!Le pouvoir algérien par chaos sous-entend liberté de s'exprimer !!!Et rien de plus!

« La pire des démocraties est de loin préférable à la meilleure des dictatures. »Ruy Barbosa.

Pour ce qui est de la suite de l'article mon point de vue est tout a fait different. Dire que le président Bouteflika n'interfère plus avec les instances "representatives" de l'etat, donne plus de libre arbitre à ses ministres etc. Cela relève de la myopie politique !! Cela me laisse dubitatif!Demandez aux ministres, ils vous diront quelle liberté ils ont!Aucune. Ils sont meme interdits de faire la plus anodines des déclarations!Pas uniquement eux, mais tous et sans exception!Ils se la bouclent ou ils se cassent!Ils leur est interdit même de donner des explications sur les causes des coupures d'électricité!Rien que ça!

Quand à la retenue dans ses déclarations, elle n'est nullement dictée par une stratégie (en fait il n'en a aucune), mais uniquement en raison de son age, de sa maladie. En plus il n'a rien à dire ni aux algériens ni aux étrangers!Comme tout mégalomane, il ne vit que pour et par la ruse et le mensonge!Intelligent il ne l'est pas du tout!L'histoire le dévoilera un jour quand les langues se délieront!Et il découvriront un vrai imposteur !

Comme tout dictateur, il restera au pouvoir et ce jusqu'a sa mort!Donc pourquoi toute cette dissertation et ce verbiage pour arriver a une conclusion que le dernier des algériens vous dira?

Tout le reste ne me parait pas comme une analyse lucide et objective des rapports de forces dans la société algérienne mais un condensé de propagande du régime!

Mes amitiés

A. Rachid

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said barket

En fin de compte c'est à l'armé de nous imposer un autre président, çà été tjrs comme ça

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