Législatives de mai 2012 : ce qu'en a dit la mission européenne

Un rapport complaisant commandé par le pouvoir algérien ?
Un rapport complaisant commandé par le pouvoir algérien ?

Dans son rapport final sur le déroulement du scrutin législatif du 10 mai, la mission d'observation de l'Union européenne souffle le chaud et le froid. Ses rapporteurs diluent les critiques d'ordre politique dans dans un fatras de considérations techniques. La volonté de ne pas froisser le pouvoir algérien y est manifeste même si certains points touchent à des problèmes de fond.

Dans son introduction, le rapport de l'Union européenne intitulé "Mission d'observation électorale, rapport final. Elections législatives, Algérie 2012" situe la tenue du scrutin législatif dans le contexte du Printemps arabe : "Les élections législatives de mai 2012 ont été les premières élections organisées dans le pays à la suite au Printemps arabe de 2011 qui n’a pas eu le même écho dans le pays et ce, pour différentes raisons, que dans d’autres pays du Maghreb."

Les rédacteurs rendent compte en schématisant, les avis ayant alimenté l'effet domino ou nom de la Révolution du Jasmin sur l'Algérie : "Pour certains, notamment au sein de la société civile et des partis politiques d’opposition, le Printemps arabe n’a pas encore eu lieu en Algérie. Pour d’autres, en particulier parmi les partis nationalistes, le Printemps arabe a déjà eu lieu en Algérie, il y a plus de vingt ans, en 1988 lors de l’ouverture du pays au multipartisme." Sur ce point, le rapport inscrit un détail: "Pour sa part l’administration électorale a produit une affiche de sensibilisation des électeurs avec comme slogan «Notre printemps, c’est l’Algérie»."

Sur le même volet, le rapport note que "les manifestations de janvier 2011 n’ont pas conduit à un changement de régime mais à un processus de réforme +contrôlé+, annoncé par le discours du Président Bouteflika le 15 avril 2011. La levée de l’état d’urgence, en vigueur depuis 1992, a eu lieu le 24 février 2011. Le Président s’est personnellement investi dans ces élections et, dans son discours de Sétif du 8 mai 2012, a lancé un dernier appel à la mobilisation en faveur de la participation aux élections. Il a notamment appelé les jeunes à se dresser contre les ennemis du pays et à faire face aux instigateurs de la fitna (sédition) et de la division ainsi qu’aux velléités d’ingérence étrangère."

Le rapport prend le soin de mettre entre guillemets "contrôlé", dans l'expression - "processus de réforme contrôlé" -, soit pour le mettre en exergue en lui conférant une connotation politique ou pour exprimer sa neutralité par rapport à ce terme qu'il ne fait pas sien.

Pourtant, abordant la "transparence" du scrutin dans lequel le président Abdelaziz Bouteflika s'est impliqué dans ses différentes phases, le sens de "processus de réforme contrôlé" prend tout son sens politique dans la partie réservée aux inférences de la constitution sur la transparence et la crédibilité du scrutin législatif.

"Bouteflika concentre tous les pouvoirs"

En effet, le rapport énonce clairement l'accaparement de tous les pouvoirs par Abdelaziz Bouteflika qui "concentre l’essentiel du pouvoir et se retrouve au cœur des trois pouvoirs. Le principe d’équilibre des pouvoirs s’en trouve affaibli. En effet, la séparation des trois pouvoirs n’est pas évidente (…) L’APN ne jouit pas d’une image de réelle force législative, ni de contre-pouvoir face face à l’exécutif." Le rapport relève la concentration de tous les pouvoirs par Abdelaziz Bouteflika qui détient "l’essentiel du pouvoir et se retrouve au cœur des trois pouvoirs. Le principe d’équilibre des pouvoirs s’en trouve affaibli. En effet, la séparation des trois pouvoirs n’est pas évidente"

Les observateurs mettent ainsi l'accent sur la contradiction principielle : "La Constitution déclare que le pouvoir judiciaire est indépendant" Pourtant, le magistrat est nommé par le Président et il est également responsable devant le Conseil supérieur de la magistrature.Ce conseil lui-même est présidé par le président de la République, qui décide des nominations, des mutations et du déroulement de la carrière desdits magistrats"

Agrément de nouveaux partis : "Emiettement des voix"

Les conclusions du rapport considèrent que l'agrément de nouveaux partis agréés a contribué à disperser les voix des électeurs au profit du parti du FLN. Il qualifie cette situation de "contrastée" dans la mesure où, est-il souligné "Les uns sont des partis créés par des dissidents de partis existants, qui espèrent revenir sur l’échiquier politique, d’autres sont des partis qui existaient déjà et attendaient de pouvoir légaliser leur existence, d’autres encore peuvent servir à apporter quelques sièges supplémentaires aux principaux partis en cas d’alliance à l’assemblée parlementaire." Plusieurs fondateurs de ces partis, est-il souligné, "sont des acteurs politiques issus du Front de libération nationale (FLN) et du Rassemblement national démocratique (RND)." Ainsi, l’agrément des 21 nouveaux partis, deux ou trois mois avant le scrutin, écrivent les rapporteurs, ne leur a pas permis d'occuper toute leur place dans la campagne électorale et de se faire connaître des citoyens. D’autre part, cette multiplication des partis a conduit à un émiettement des voix…"

La victoire du FLN : le pourquoi

Selon la commission européenne, "plusieurs facteurs peuvent contribuer à expliquer la large victoire du FLN". Entre autres, elle fait sienne une fausse réalité en affirmant que "Le FLN est le parti le plus largement implanté dans le pays et, comme la campagne électorale l’a démontré, le plus organisé. Un électorat fidèle lui renouvelle sa confiance à chaque élection." Le rapport l'énonce de manière tout à fait démagogique sans aucune explication d'ordre sociologique lié aux profils de ces soit-disants électeurs du FLN. L'impartialité de la Mission d'observation prend ici un coup de grisou. Est-ce notamment sur ce point, que, lors de son point de presse, le président de la Mission européenne a été accusé d'avoir "négocié" le contenu du présent rapport avec les autorités organisatrices du scrutin.

Code pénal : le délit d'offense au Président

"La Constitution algérienne garantit la liberté d’opinion et d’expression 77 autant que la liberté d’innovation intellectuelle, artistique et scientifique78, mais, malgré une relative ouverture du secteur médiatique, la presse est encore soumise à plusieurs limitations" Le rapport relève par ailleurs que "les journalistes sont souvent peu rémunérés et souffrent d’un manque de formation professionnelle. Bien qu'il n’existe officiellement aucune loi qui concerne la censure, la législation algérienne établit encore des sanctions particulièrement sévères pour la diffamation et les outrages contre les institutions gouvernementales. Par conséquent, afin d'éviter des répercussions légales, les médias pratiquent souvent un certain niveau d’autocensure." L'emploi du terme de "limitations" et la seule référence au statut socioprofessionnel des journalistes algériens ainsi que leur propension à "l'autocensure" traduit ici une connivence avec les thèses du pouvoir qui tient, à quelques nuances près le même discours. Cependant, tout en rappelant que "le Code pénal algérien a été modifié en 2011 : les peines d’emprisonnement ont été remplacées par des amendes" mais, est-il mentionné "on a introduit le délit d'offense au Président de la République. Selon les nouvelles dispositions, toute personne, y compris les médias, qui porte offense au chef de l'Etat, autant qu’à toute institution publique telle que le parlement et les forces armées, est susceptible d'une contravention."

La mission européenne tient à inscrire, dans ce volet, l’article 46 de l’Ordonnance portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale punit d’une peine de prison et d’une amende «quiconque qui utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République (...), fragiliser l’Etat, nuire à l’honorabilité de ses agents (...), ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international»

Une campagne "morose"

"La campagne électorale a été qualifiée de «morose» par le président de la Commission nationale de surveillance des élections." rapporte la mission européenne, précisant que cette commission "a reçu près de 500 plaintes concernant la campagne électorale. Il s’agissait essentiellement de plaintes liées à l’affichage sauvage et à la dégradation des affiches sur les lieux réservés. Il s’agissait également de plaintes concernant l’utilisation des moyens de l’Etat, l’utilisation abusive des thèmes religieux ou encore l’utilisation de langues étrangères. Une centaine de ces plaintes ont été transmises à la Commission nationale de supervision des élections. Un rapport concernant la campagne électorale devait être rédigé par la Commission de surveillance après la fin de la campagne."

L'appréciation de la tenue des législatives du 10 mai dernier et le descriptif des conditions politiques dans lesquelles s'est déroulé le scrution fait l'objet d'une observation "très mitigée" de la part de la commission européenne. Manifestement, se décèle dans ce rapport plus technique que politique, une volonté de ne pas froisser le pouvoir en place d'autant que le rapport d'une soixantaine de pages écarte toute idée de "fraude".

R.N

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Commentaires (3) | Réagir ?

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kamel ait issi

Mais la legitimite' et confiance de cette organisation comme d'autres d'ailleurs est deja etablie avec le taux de boycott - je traduit : Go home !

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Rabah

Pourquoi devrait-on accorder un quelconque crédit à l'avis d'une commission d'un conglomerat de pays mafieux en l'occurence l'union europeene; qu'ils nous donnent un seul exemple de democratie qu'ils ont pu mettre en place ou aider à mettre en place dans les pays du tiers monde ou ailleurs; l'histoire est là pour nous rappeller à une triste réalité que tout les dictateurs africais americais du sud ou autre ont été tout le temps mis en place par ces soit disons humanitaire europeens ou americains qui ne voient en nos pays que des reserves de matieres premieres qui leur revient de droit puisqu'ç leurs yeux ils detiennent toute la puissance et que nous on ne reste encore vivant que pour leurs besoins à servir comme des esclaves pour ceux qui auront la chance de respirer encore.

Desolé mais je prefere encore de loin vivre libre dans notre enfer qu'esclave dans leurs paradis.

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