"Lettre du bout du monde" de José Manuel Fajardo

José Manuel Fajardo.
José Manuel Fajardo.

Lettre du bout du monde est un récit historique. Une plongée dans le monde brutal de la conquête du Nouveau Monde.

Après sa découverte de l’Amérique, Christophe Colomb doit rentrer en Espagne. Il laisse une quarantaine d’hommes sur l’île d’Hispagnola. Leur mission ? Devenir les missionnaires de la chrétienté et surtout bâtir une ville, celle de la Navidad. Dans cette livre, basé sur des faits historiques, dont le style est tantôt relevé, tantôt grave et lyrique, José Manuel Fajardo brosse les grandeurs, rares celles-là et les petitesses, nombreuses, de cette communauté. L’histoire donc est celle des "barbares" que Domingo Pérez écrit à son frère, resté au pays, dans une longue lettre.

"Maintenant je sais, mon cher frère, que mon destin était écrit et qu’il ne conduit pas au paradis", confie Domingo compagnon tonnelier. Plus loin, il écrit encore sur leur arrivée : "Nous avons des vivres en abondance, du biscuit pour un an et du vin à volonté. Nous disposons d’un arsenal fourni et même du canot de la nef enlisée qui a été sauvé du naufrage et peut encore nous rendre des services. Mais mon cher frère, tout cela ne saurait dissiper la solitude qui nous entoure et semble isoler chacun de son prochain. Nous échangeons peu de mots et beaucoup de regards : mauvaise farine, car si l’excès  de paroles a coutume de lâcher la bride aux idées sottes et aux malentendus, le silence nourrit les rancœurs et les pensées noires, ce qui est pire". 

Il va bien sûr relater une série de mésaventures et infortunes vécues par les chrétiens ou "barbares", restés sur l’île d’Hispagnola.

En l’espèce, cette communauté constituée au pied levé découvre des Indiens pacifiques, crédules, accueillants, aimables, curieux et surtout confiants en ces chrétiens venus d’ailleurs. "Devant nos yeux s’étale le spectacle le plus fantastique que tu puisses imaginer" (…) Leur femmes "ont la peau d’une fraîcheur jamais vue, quel que soit leur âge, elles ont de grands yeux sombres, le sourire facile.  Et tant de grâce dans leur démarche qu’on croirait qu’elles dansent."

Seulement, tout est gâché par la cupidité de ces hommes. La découverte de l’or va semer la division entre eux. C’est la folie de l’or qui va sonner le glas de la compagnie. A partir de là, la recherche de cette matière précieuse guide leur pas. Au détriment des peuples indigènes qui en feront les frais. Les chrétiens pourchassent, tuent les autochtones et capturent leurs femmes. 

Le dénouement est cruel pour ces chrétiens, mais leur cruauté aura été sans limite.   

Pour tisser la trame de ce roman historique, José Manuel Fajardo, historien de formation, né en 1957 à Grenade, a mêlé faits historiques, personnages qui auraient existé à certains, fictifs. Lettre du bout du monde revient, dans la tradition des épopées du XVIe siècle sur le sort tragique des premiers Espagnols arrivés sur le Nouveau Monde. Et dans cette quête de se rapprocher au plus près de la réalité de l’époque, le romancier a échappé aux artifices ronflants et pompeux pour faire un livre profond et tout en sensibilité. 

Mais au-delà de l’histoire en elle-même, Lettre du bout du monde est une réflexion sur les dérives du pouvoir, la puissance, l’altérité et la lâcheté des hommes devant l’argent et l’adversité. Car en définitive, qui sont les "barbares" ? Les conquérants ou les indigènes ?

Dans une préface lumineuse, Luis Sepulveda écrit : "Voici un livre inoubliable, car il est très difficile d’échapper au frisson que nous apporte la lecture du dénouement tragique du premier acte de liberté assumé par un personnage qui devient aussitôt le symbole d’un doute terrible qui n’a toujours pas été dissipé : comment déterminer une fois pour toutes la signification de l’arrivée des Européens dans le Nouveau Monde ?"

Lettre du bout du monde est un livre d'une conversation muette qui décrit la cupidité des hommes. Il offre un savoureux moment littéraire. A lire.

Kassia G.-A.

Lettre du bout du monde de José Manuel Fajardo

Editions Métailié

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Atala Atlale

La colonisation est souvent un processus d’expansion territoriale et démographique caractérisé par des flux migratoires ; invasion, occupation de l’espace géographique, mise sous tutelle avec une domination multiformes : politique, culturelle religieuse et économique. Avec comme corollaire le génocide de populations autochtones, comme ce fut le cas dans notre pays au début de l’occupation au milieu du 19e siècle, où l’armée française s’était distinguée par des massacres à grande échelle de populations. Les enfumades de Pélissier, doctrine du sinistre Bugeaud, en sont un exemple édifiant.

Est-il possible cependant, de porter un jugement objectif et parallèle sur l’occupation de l’Espagne par les Arabes au 8e siècle, présence qui a duré 8 siècles. ’’Les Arabes appelèrent du nom de Al Andalus toutes les contrées de l’Espagne qui furent soumises aux Musulmans. L’œuvre de civilisation arabe en Espagne fut rapide profonde et durable. En peu de temps elle transforma le pays de fond en comble. En moins d’un siècle, les Arabes avaient défriché les campagnes incultes, peuplé les villes désertes, créé des monuments magnifiques… L’agriculture fut l’objet de soins particuliers des Arabes (elle était étudiée par eux, écrit Sismondi, avec cette connaissance parfaite du climat du terrain et de l’accroissement des plantes et des animaux… Aucune nation civilisée de l’Europe, de l’Asie ou de l’Afrique, antique ou moderne, n’a possédé un code des lois rurales plus sage, plus juste, plus parfait que celui des Arabes d’Espagne…Dans la Huesta et la Vega de Grenade, on peut voir encore de nos jours les vestiges de l’ingénieux systèmes des canaux et des ponts en acqueducs…’’ il est écrit plus loin : « Cependant ce qui caractérise la civilisation de l’Andalus, ce n’est pas sa prospérité matérielle, c’est son activité intense dans tous les domaines de l’esprit, des sciences, de la littérature et des arts (source Les Visage de l’Islam, de H. Bammate)

L’architecture en particulier, s’y exprima avec art et beauté, l’Alhambra de Grenade et la Grande Mosquée de Cordoue restent des symboles vivants de la civilisation hispano-musulmane.

Kassia G. -A pourrait peut-être présenter une œuvre sur ce sujet, j’en serais ravi.