Syrie : Alep théâtre d'une guerre urbaine
Les combats, qui font rage, se sont déplacés vers la capitale économique du pays, Alep. Tout l'enjeu pour le régime qui ne veut pas perdre ce poumon économique. D'où le transfert de ses forces armées vers cette ville pour en prendre le contrôle avant qu'elle ne tombe entre les mains de l'ASL.
Après Damas, c'est Alep qui subit bombardements, combats de rues des plus destructeurs. Depuis deux jours, l'armée masse ses forces en vue d'une offensive. Mais déjà la bataille fait rage jeudi dans plusieurs secteurs d’Alep, deuxième ville de Syrie devenue un enjeu décisif dans le conflit entre rebelles et forces gouvernementales qui s’opposent dans des violences meurtrières depuis plus de 16 mois. La méthode est la même que celle mise en place dans la capitale. Regroupement des soldats puis passage au peigne fin des quartiers.
"Les forces spéciales se sont déployées mercredi et jeudi sur le flanc est de la ville et d'autres troupes sont arrivées en vue de participer à une contre-offensive généralisée vendredi ou samedi" contre Alep, où les rebelles ont pris le contrôle de certains quartiers, a ajouté cette source. Devant l'écrasante force de l'armée du régime, il faut s'attendre à beaucoup de morts et ensuite, sauf surprise, à un repli des rebelles de l'ASL qui ne peuvent tenir le siège devant les chars et l'aviation. Justement, des avions de chasse sont signalés par plusieurs temoins au-dessus de la ville. Malgré la violence des combats, des manifestations nocturnes se sont produites dans plusieurs quartiers pour appeler au départ du président Bachar al-Assad, selon l’OSDH.
A Damas, des affrontements ont éclaté dans le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, selon des militants et des témoins. Les violences ont fait mercredi 143 morts à travers le pays - 75 civils, 41 soldats et 27 rebelles - selon un nouveau bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) qui effectue un décompte quotidien des victimes.
"Masques à gaz"
Les forces régulières et l’Armée syrienne libre (ASL, composée de déserteurs et de civils ayant pris les armes) avaient acheminé mercredi des troupes vers Alep, où se joue désormais une bataille décisive entre les opposants et le régime. Si Alep tombe, "le régime est fini et les deux adversaires le savent", a estimé mercredi Rami Abdel Rahmane, président de l’OSDH.
Selon un correspondant de l’AFP, le commissariat de police du quartier Chaar, dans l’est de la ville, était criblé d’obus, les locaux portant des traces d’incendie. Les combattants de l’ASL ont encerclé et se sont emparés mercredi du commissariat, arrêtant des policiers, certains blessés, et tuant d’autres, dont au moins deux gisaient au sol.
Un camion chargé de cartons portant l'inscription en arabe "masques à gaz" a d’autre part été vu devant une base des rebelles dans Alep, selon ce correspondant. Damas avait reconnu lundi pour la première fois posséder des armes chimiques, affirmant qu’elles ne seraient jamais employées contre la population mais menaçant de les utiliser en cas d’intervention militaire étrangère.
A Damas, où les forces régulières semblaient avoir rétabli leur contrôle sur la plupart des quartiers, des affrontements ont éclaté jeudi dans le camp palestinien de Yarmouk (sud), selon des habitants et les Comités de coordination populaire (LCC).
"Les combats aux roquettes antichars et à la mitrailleuse ont éclaté vers 7 heures (6 heures en France). Je ne peux pas sortir de chez moi", a déclaré un habitant joint au téléphone par l’AFP. Des détonations étaient entendues dans le quartier de Hajar al-Aswad et un témoin a affirmé avoir vu des chars se diriger vers ce quartier périphérique proche du camp de Yarmouk.
Selon l’OSDH, les corps de 14 personnes ont été découverts dans le quartier de Qaboun, dont l’armée régulière a repris le contrôle au cours des derniers jours. Des violences ont également été signalées dans la province de Deir Ezzor (est) et dans la ville de Hama (centre), selon l’OSDH.
Défections en série
Sur le plan diplomatique, l’Arabie saoudite va proposer dans les prochains jours à l’Assemblée générale de l’ONU d’adopter une résolution qui fera référence à la menace de Damas d’utiliser ses armes chimiques en cas d’intervention étrangère, selon l’ambassadeur saoudien à l’ONU. Cette initiative de l’Arabie saoudite fait suite à l'échec jeudi dernier au Conseil de sécurité d’une résolution occidentale menaçant Damas de sanctions.
A Damas, le ministère syrien des Affaires étrangères a confirmé les défections de trois diplomates: la chargée d’affaires à Chypre, Lamia Hariri, son mari, l’ambassadeur aux Emirats arabes unis Abdel Latif al-Dabbagh, et l’attaché de sécurité à l’ambassade de Syrie dans le sultanat d’Oman, Mohammad Tahsine al-Faqir. Il a minimisé leur importance et a accusé implicitement le Qatar de les encourager. Le 12 juillet, l’ambassadeur de Syrie à Bagdad, Nawaf Farès, avait déjà abandonné le régime
Sur le plan politique, le général dissident syrien Manaf Tlass a indiqué qu’il préparait une feuille de route pour une sortie de crise impliquant d'"honnêtes" gens au sein du régime mais sans Bachar al-Assad, dans un entretien publié jeudi par le quotidien arabe Asharq Al-Awsat. Il a souhaité l’aide de l’Arabie saoudite et d’autres pays de la région à l'élaboration de la feuille de route.
Par ailleurs, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a accusé le régime de Damas d’avoir "confié" plusieurs zones du nord de la Syrie au PKK et a prévenu que la Turquie pourrait exercer son droit de poursuite par-delà la frontière syrienne après une action des rebelles kurdes en territoire turc.
L’entreprise Qosmos en Syrie : une enquête ouverte à Paris
Le parquet de Paris a ouvert jeudi une enquête préliminaire sur la société Qosmos et l'ensemble des entreprises françaises ayant fourni du matériel technologique au régime du président Bachar Al-Assad en Syrie, à la suite d'une dénonciation par deux associations des droits de l'Homme. Le parquet, qui a reçu la dénonciation mercredi, a dit avoir confié l'enquête à la section de recherche de Paris.
La Ligue des droits de l'Homme (LDH) et la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) ont dénoncé des entreprises françaises ayant travaillé avec la Syrie "car les associations n'ont pas vocation à enquêter", a expliqué Me César Ghrénassia, l'un des avocats de la FIDH. Cette dénonciation, dont Sipa a eu une copie, vise plus particulièrement la société Qosmos qui "a été à plusieurs reprises (...) mise en cause pour avoir contribué à fournir au régime syrien le matériel de surveillance électronique nécessaire à la répression de toute opposition politique ou intellectuelle".
"Cette participation apparaît de ce point de vue susceptible d'engager la responsabilité de personnes physiques ou morales" ont plaidé les deux associations. Selon Me Ghrénassia, il s'agit de savoir "si et quand Qosmos a eu une autorisation ministérielle pour vendre son matériel" au régime syrien. La dénonciation parle "d'un recours excessif à la force, (...) de détentions arbitraires, de disparitions forcées et actes de torture, (...) de violences sexuelles, de violations graves des droits des enfants, de déplacement de population et de restrictions à la liberté de mouvement (...) de la population syrienne".
Une information judiciaire pour complicité d'actes de torture, ouverte fin mai, vise une autre société de surveillance informatique, Amesys, soupçonnée d'avoir fourni une aide à l'ancien régime du défunt dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. La FIDH et la LDH avaient porté plainte contre X avec constitution de partie civile. La juge d'instruction Céline Hildenbrandt a été saisie du dossier, selon le parquet.
Avec AFP
Commentaires (1) | Réagir ?
Pour parler de defection oui et pourquoi pas. Je suis persuadé que ces diplomates ont été soudoyées par les petro dollars. Alors pourquoi ne pas s'en servir. Moi je les appelle des traites