Les "patriarches" de l’Algérie illusoire
"La vieillesse est impitoyable." La Fontaine
La génération de la révolution, ou qui se considère comme telle, témoins mais acteurs surtout, a ceci d’endurant, de persévérant, qu’elle a réussi à enterrer tous les protagonistes français de la guerre d’Algérie. De froid et de patient – au pouvoir depuis les premiers vaisseaux embarquant les pieds-noirs vers la terre de leurs ancêtres métropolitains – et sachant que le principe démocratique en France obéit à l’alternance dans le pouvoir par la sanction populaire, cette génération de toutes les sauces FLN post-indépendance regarde défiler les dirigeants sur la place de Paris, depuis le général de Gaulle, né dans le de dix-neuvième siècle jusqu’à Nicolas Sarkozy, venu au monde aux premiers coups de feu tirés contre le colon, en passant par Valérie Giscard d’Estaing qui traitait en aparté dans son cabinet Boumediene de bougnoul et François Mitterrand qui méprisait le FLN plus que le Front national, espérant justement que cette démocratie de l’"ailleurs" finira à l’usure par reconnaître une repentance officielle sur les horreurs de la colonisation commises en Algérie, de leur vivant, mais de leur vivant au pouvoir, les clés de la rente pétrogazière entre les mains.
A travers une espèce de jeu de boqala, le nouvel élu à l’Elysée, dans l’espace-temps de deux dates commémoratives, entre le 5 et le 14 juillet, naissant lui aussi au déclenchement de la guerre de libération algérienne et l’assis aux commandes d’un Etat sur la base de faux-fuyants constitutionnels depuis plus de treize ans, en l’occurrence Abdelaziz Bouteflika, s’adonnent à des paroles mutuelles dans le flou nombriliste sollicitant plutôt les sémiologues que les analystes politiques. Le premier réagissant à la fête du 5 juillet dit : "Il faut à la France un regard lucide et responsable sur son passé" et le second rétorque, de son côté pour le 14 juillet : "Il faut faire un examen lucide et courageux du passé entre l'Algérie et la France."
Autrement dit, la réponse du berger à la bergère, sur une équation à deux inconnus, la "responsabilité" d’un côté et le "courage" de l’autre, puisque le "lucide" est supposé la constante. Quoique sur ce point de l’entendement de l’acceptation il faudrait, peut-être, faire appel à Roland Barthes ou Julia Kristeva pour démêler l’écheveau.
Mais retour sur bobines. Dès son avènement à la présidence, François Hollande s’envole vers les plus puissantes capitales de la planète pour rappeler à son peuple et aux contemporains politiques des Etats que la France ne fait pas dans le croissant beurré uniquement et que l’économie de son pays, sur le plan de la qualité de la vie, est dans le tout premier lot du super développement dans l’agriculture, de l’industrie et des services. Il rencontre les chefs les plus puissants du monde d’égal à égal afin d’exprimer le sentiment de ses électeurs aux plus hauts frontons des prestiges acquis dans la permanence du progrès.
Cependant dans le même ordre de déplacement affiché officiel, Abdelaziz Bouteflika a fait son premier voyage de chef d’Etat dans un cadre international officieux à Crans-Montana, station touristique dans le Valais en Suisse afin d’assister au forum traditionnel des opportunités entrepreneuriales, pour, en fin de compte, donner une conférence de presse à des journalistes en mal d’évènement pour tenter de donner de lui une image de viabilité internationale en tant que rempilant dans les affaires plus que pour expliquer que son pays était dans le délitement le plus désemparé. Toutes les ambassades significatives boycottaient l’Algérie et même la France refusaient à ses vols d’utiliser le sol algérien. Il parlait de parti islamiste dissous, parce qu’avouant la prise des armes suite à l’interruption du processus électoral, qui lui donnait la victoire, que lui-même reconnaît comme violence par le pouvoir en place, c’est-à-dire l’Armée, dont il rend hommage dans la même conférence de presse à propos "du rôle qu’elle ait tenu pour la sauvegarde de l’intégrité nationale."
D’aucuns observateurs ont estimé cette participation d’utilité stratégique farfelue quant à un retour de l’Algérie sur la scène de la "respectabilité" telle que le régime du parti unique avait habitué le monde de la guerre froide sous le parapluie de l’Union soviétique, ils ont vu dans cette réunion fondée selon des paramètres purement économiques, ou du moins sur les approches européennes du point de vue de l’Organisation mondiale du commerce, au regard de la mondialisation dont le monstre économique yankee veut, depuis la déflagration du bloc de l’Est, faire du business dans les plus-values de la planète son affaire personnelle, une fumisterie diplomatique qui a tout juste réussi a fortiori à faire se froncer les sourcils de la gent militaire en Algérie, scrutant le nouveau locataire d’El Mouradia sous l’angle du dribble inefficace et ingrat.
A cette époque, le discours officiel était à la "réconciliation nationale", l’amnistie des grands crimes commis, toutes obédiences armées confondues, contre les populations innocentes, ce qui se fut interprété par beaucoup, comme les prémices d’un tribut incompressible de la gouvernance nouvelle à la fin du millénaire. Mais bien malins alors seraient les Algériens ayant une dent contre la France de penser, à ce moment-là, dans les termes de l’exigence légitime, cette idée de repentance lorsque le pays de Larbi Ben M’Hidi et Abane Ramdane était considéré par l’ensemble de la nation régie par un fêtard, qui a vécu la victoire de son pays en coupe du monde 1998 tel un adolescent de banlieue un peu lâché par la répression policière pour le plaisir de s’éclater, comme une arrière zone prodigue en intérêt matériel mais fort dangereuse pour l’homme. Ce n’est que quand le va-t-en-guerre ministre de l’Intérieur, en l’occurrence Nicolas Sarkozy, se met-il avec une fraction plus ou moins xénophobe dans son UMP, à tenter de réétoffer le prestige de la France de vertus inattendues dont la glorification du colonialisme, pendant que la vieille pensée cacique en Algérie, glorieuse du second mandat de leur représentant, ne voyait que du feu – certains disent qu’elle voyait venir mais laissait faire pour ne pas attirer les regards sur la manœuvre gériatrique visant à visser définitivement les piliers de son pouvoir en Algérie - à propos de la fulgurante entreprise de Chakib Khelil qui consistait au sabordage international de Sonatrach.
Tout de suite après, le baril pulvérise tous les records de valeur et comme par miracle les caisses de l’Etat, en avoirs réguliers et en réserves de change, s’engraissent jour après l’autre jusqu’au "troisième" mandat arraché au mépris des convenances et du rationnel mais surtout sur le bien-fondé de la loi fondamentale. Et ainsi, l’Algérie, du jour au lendemain, de cet Etat de l’Afrique et de la Méditerranée, quasiment maudit par ses homologues, même parmi les nations arabes, elle fait, désormais, saliver toutes les nations qui savent tourner un outil et manager industrieusement une durée de travail. Mais le système des patriarches se refuse de lâcher prise sur la providence gratificatrice pour se hisser au niveau de la communauté humaine entreprenante qui veut apprendre à fabriquer, manufacturer et créer des emplois permanents effectifs. Les patriarches savent, hélas, que malgré la fortune, le sérail demeure sans prestige spécifique. Sans "quelque chose" qui doit faire parler de lui dans le monde du respect et de la dignité.
Le smig nourrissant à peine un mérinos, le degré intermédiaire pour distinguer la classe moyenne est de finir, sans mendier, la boucle du mois et les minima juvéniles pour prétendre une ouverture sur les sciences en Algérie, pour ce qui y ressemble à vrai dire, il faut au moins la mention très bien au baccalauréat. Les patriarches dans la pérennité cacique de leur déconfiture, qui fait école dans les apprentissages universels de la caricature politique, sont bien conscients qu’il y a dans la demeure "chiâ bechebha", le prestige par le pseudo, l’ersatz. Alors ça saisit sans contrôle du ballon, à la volée, l’aubaine de la fomentation glorificatrice de la droite conservatrice française, pour foncer tels des gnous tête baissée vers le ridicule principe de la réciprocité, vieux de l’âge du Politburo, quand, si on se rappelle, il y avait bobo, les patriarches vous mettaient les mains en atémi sur les commisures des lèvres pour hurler le stentor du haro au bon Kremlin à la limite d’Andropov. Son successeur, Mikhaïl Gorbatchev, avait dit, en souriant, à un des officiers qui avaient tenté une ultime réaction pour bloquer l’ouverture, "en tout cas je suis heureux d’avoir vécu assez longtemps pour permettre à mon pays de regarder les fenêtres s’ouvrir."
Mais les patriarches au pouvoir en Algérie ne possèdent pas la culture nécessaire de penser parler et agir de cette manière.
Nadir Bacha
Commentaires (4) | Réagir ?
C'est une malédiction pour l’Algérie quand on voit ces marionnettes venues j'en sais d'ou à la tête d'un pays qui a enfanté Abane, Krim, Amirouche, Ben Mhidi, Ben Boulaid et leurs semblables;cela donne de la nausée et pousse à la révolution;oui il faut continuer la révolution, elle n'est pas achevée ;notre indépendance n'est qu'une formalité administrative !point bar!
On ne fait pas du neuf avec du vieux. Meme si certains partis disparaissent ou commence à disparaitre tel que Msp, le plus dangereux est toujours debout. Il va négocier bientot avec satan et on espère que celà sera sa fin.