Petite légende pour les élections locales au château fort…
Les élections locales rameutent à nouveau la famille révolutionnaire en mal de sang neuf. D'anciens ministres de tous bords reviennent dans les rangs alignés au haut des tours du château fort desquelles les gardes scrutent jour et nuit, l'ennemi attendu depuis plus d'une décennie...
A nouveau, dans cet ancien Château de Kafka qui aurait pu servir de cadre à la vie obscure de la politique algérienne avec ses couloirs aveugles, ses piles de dossiers empoussiérés et le babélisme de ses tours aux meurtrières multipliées, le personnel taciturne qui y fête un cinquantenaire depuis longtemps oublié sous les candélabres décoratifs, rameute ses troupes affamées, amassées, toujours, sur les tours attendant, les menaces de l’ennemi qu’il s’était inventé. C’est dans ce cadre médiéval que les armées de Bouteflika se réveillent car, après avoir été extirpées de leur sommeil mérité à l’issue de législatives marathoniennes – il leur fallait recruter des supplétifs, rappeler les retraités du FLN, réorganiser les rangs dispersés, distribuer aux nouveaux venus des numéros de partis légalisés par la vieille garde présidentielle, ils ne s’étaient pas plus tôt remis de efforts draconiens à tirer le pont levis, que les revoilà, derechef, mobilisés, alignés sur les tours, oubliant un temps cet ennemi qu’on ne voit pas venir. Les élections locales approchent et il faut renforcer les structures de défense du château car, cette fois, les serfs des villages alentour, soumis à de lourds impôts et à des répressions saisonnières, sont directement concernés. A cette occasion, le château s’apprête à accueillir de nouvelles-anciennes troupes politiques chargées d’égayer la fade ambiance des jours fortifiés et surtout calmer les ardeurs à chaque rendez-vous électoral, nourrir comme il se doit les nouveaux prétendants recyclés des rebus des anciennes tempêtes. Devant les troupes dépareillées mais bien alignées, les commissaires aux comptes de la famille révolutionnaire, cycliquement recomposée, a une longue liste nominative dont il arrive avec peine à déchiffrer les noms et les sigles politiques, revus, lettres déplacées, lettres cousines des "F", des "L" et des "N" - les scribes de Bouteflika étaient passés maîtres des sigles ronflants, pompeux, abyssales, démultipliés à tel point que, à l’appel du maître, leurs propriétaires oubliaient à quels partis siglés ils appartenaient.
Ceux qui n’en avaient pas étaient sommés d’en proposer, les autres qui en avaient à revendre étaient sommés d’éliminer de la nomenclature, tous ceux qui de près ou de loin, voisinaient l’appellation historique du parti qui daignait leur entrebâiller la porte de ses appartements. Sur la lancée, quelques transfuges, aux aguets, un paquet de gommes à la main, effaçaient, au gré des alliances et des mésalliances, leur numéro, leur lettre d’accréditation, sur injonction du maître des appels, les menaçant d’exclusion, voire d’être jeté du haut des tours pour «usurpation de titres». Mais, cette fois, avec les locales dont la sentinelle avait crié, mains en porte-voix, l’ouverture du portillon officiel. D’anciens ministres, allant des Travaux publics qui avaient promis des travaux de rénovation du château fort délabré, de la Jeunesse et des Sports qui ne vit plus que sur le souvenir des dribles déroutants de Madjer face à cette équipe allemande vaincue – dommage, ce n’est pas la France, aurait dit la ministre de l’époque, on lui aurait fait avouer les crimes de son ancienne puissance coloniale.
Face aux partis occupant les hauts du château, près des sorties de secours, on ne sait jamais, depuis ces Révolutions arabes qui ont fait déchoir bien de Royaumes de la contrée, il y a donc ces «mouvances» de toutes races, couleurs, tailles, assujetties au Roi connu pour ses largesses, ses pardons, ses grâces amnistiantes, mais aussi pour ses coups bas, ses complots, ses addictions à la fête, les jours de commémoration des «tours jumelles» pas celles de son vieux château. Dans cet ancien château de Kafka, donc, des familles révolutionnaires se mobilisent, comptent, le soir venu, après la relève de la garde, le nombre désespérément infime, de «repentis» que les postes avancés du château fort ramenaient à la cour sur des montures dorées, pareilles à Bouraq, jument ailée du valeureux Sidna Ali, sauvé par elle lors de la bataille du Badr’ contre les arabes infidèles à l’islam. Le temps presse, les locales n’attendent. Tous les porteurs de sigles répondent présents en levant le doigt : FLN, RND, MSP, PT,RCD, FFS, FNA, MNND, Ennahda, ANR, MEN, PRA, El Islah, MRN, El Infitah, FNIC, MNE, AHD 54, RPR, RA, MDS, FND, PST et consorts.
Confusion dans les rangs, on proteste de l’usurpation des sigles, on s’en remet au parti patriarche qui distribue, agrée, les reconnaissances des nouveaux baptêmes de la grande famille révolutionnaire. Les récalcitrant sont vite remis «dare dare» dans les rangs, courbant l’échine, maugréant, mais caressant tout de même, les opportunités rentières qui s’offrent à eux avec ces élections locales, les coffres forts sont à portée de main, les logements à distribuer en face des fenêtres des mairies et, cela vaut bien ce bref instant d’humiliations à supporter, cela en vaut la chandelle. Les listes furent ainsi dûment établies et le festin peut commencer pendant que du haut des tours les gardes veillent, scrutent l’horizon désespérément vide. Il va falloir établir une autre liste, cette fois des ennemis potentiels à brandir si jamais les serfs du château s’avisaient à se révolter.
R.N
Commentaires (1) | Réagir ?
Il faut d'abord se mettre d'accord, une commune qui cherche le respect, la dignité et chemin faisant la liberté, elle est condamnée à vivre et projeter son devenir par la contribution réelle des ses habitants, c'est-à-dire par le travail créateur de richesse et d'enrichissement du trésor de la commune. Son budget est déduit du fruit du labeur de la collectivité qui la compose. Mais qu'en est-il de la valeur exacte de la commune algérienne ? La commune en Algérie, sur le plan de l'économie politique, est une valeur communautaire absurde où ses résidents vivent sur les revenus globales de l'Etat, sur la facture de la rente pétrolière comme tout patrimoine appartenant à l'Etat. En un mot, la commune dans le pays est gérée comme un camp de concentration, et son maire est en quelque sorte un prévôt qui n'a d'ordre à recevoir que du gardien-chef.