Ali Kerboua (FFS) : "La direction se laisse dicter la conduite dans le cadre d'un deal"
Ali Kerboua, ancien premier secrétaire du FFS, livre ici son analyse sur la crise que vit le parti et la "restructuration de la dictature" à la lumière de la dernière élection.
Tout d'abord, concernant les élections, eu égard aux déchirements auxquels nous assistons actuellement au sein du parti, y a-t-il eu vraiment débat au sein de la direction du FFS ou alors la décision a été imposée d'en haut ?
Il serait utile de rappeler le contexte dans lequel les dernières élections législatives ont été préparées et organisées. Nous avons vécu une nouvelle séquence du processus de restructuration de la dictature au lendemain des révoltes arabes. Le pouvoir algérien se caractérise justement par cette capacité à restructurer l’ensemble de ses forces contre toute volonté de changement et d’aspiration démocratique. Durant toute la précampagne électorale nous avons assisté à une répression au quotidien et à des atteintes au droit de manifester pacifiquement. La restructuration autoritaire était en marche contre son propre peuple de peur de subir le sort des dictatures égyptienne et tunisienne. C’est dans ce contexte de brouille sociale que le FFS devait décider de sa participation aux élections législatives. Mais divers signes indiquaient déjà depuis plusieurs mois que la participation était décidée et qu’il fallait seulement l’expliquer aux militants. Malgré un débat orienté par le secrétariat national en faveur de la participation, les militants dans leur majorité ont voté contre la participation. En fait, les militants du FFS ont fait la bonne lecture de la situation politique du pays en comprenant que le système, en péril, avait besoin d’une nouvelle façade démocratique pour faire oublier l’échec de toutes ses politiques de développement et qu’il ne s’inscrivait nullement dans la perspective d’une transition démocratique. Il était donc hors de question de le remettre en selle devant l’opinion internationale. En fait de débats, il y a eu plutôt manipulation à l’occasion de la tenue de la convention et du conseil national qui ont consacré la participation.
Le parti comme le pays d'ailleurs vit une crise sans précédent. A quoi est-elle due selon vous ?
Pour toutes les raisons que nous venons de développer, un climat de suspicion s’est installé entre le secrétariat national et une partie de la base militante et des sympathisants et s’est amplifié à la suite d’une série de manœuvres dilatoires parfois maladroites et d’autres fois suspectes. Les rumeurs, confortées par quelques signes, d’une participation aux législatives du 10 mai remontent déjà à plusieurs mois avant le scrutin. Les diverses décisions prises ces derniers temps ainsi que la teneur des discours développés par la direction nationale autorisent toutes les suspicions. Sinon comment expliquer :
- la falsification des rapports des sections et des fédérations qui ont opté en majorité contre la participation.
- l’organisation d’une convention à la limite du folklorique.
- la manipulation du conseil national devant décider de la participation ou non en entamant le conseil par le message du président.
- les monstrueuses dérives dans le discours en empruntant aux supplétifs du pouvoir les mêmes grilles d'analyses et les mêmes champs sémantiques. Même les couleurs du parti n’y ont pas échappé
- la nouvelle orientation économique qui s’apparente plus au libéralisme qu’aux valeurs de gauche.
- le silence coupable sur la fraude et les tentatives de faire taire toutes les voix qui s’élevaient pour la dénoncer.
- la scandaleuse acceptation des sièges offerts par le truchement du Conseil constitutionnel.
- la dernière saisine du ministre de l’Intérieur par le premier secrétaire pour interdire toute forme d’expression des supposés "contestataires" est scandaleuse en soi et dénote toute l’étendue des reniements. Les dérives successives enregistrées montrent que l'appareil, du moins certains de ses membres, se laisse dicter la conduite à tenir dans le cadre d'un deal dont nous ignorons pour le moment le contenu. Ces membres se sont inscrits dans une stratégie de lutte clanique au sein du sérail et dont l'épilogue sera connu en 2014 à l'occasion des présidentielles qui restent le véritable enjeu, les législatives ne sont qu'une séquence du plan élaboré par les laboratoires.
Peut-on parler de solutions dans une situation pareille s’il n’y a pas volonté de part et d’autre de restituer le FFS à ses militants en restant fidele à ses idéaux, à continuer à en faire un parti de propositions au service de la démocratie et de construction de l’alternative démocratique. La formidable mobilisation de la base militante qui est en train de s'organiser démontre, si besoin est, que le FFS n'est pas à vendre pour un statut personnel ou un contrat juteux de même qu’il n’est pas prêt à devenir un attelage pour le compte d’un quelconque clan. En fait, nous sommes en présence de deux camps retranchés : une direction nationale qui a perdu sa crédibilité mais qui conserve un appareil d'un côté et de l'autre une base militante qui tient à la préservation des valeurs de son parti. L'histoire des mouvements politiques nous apprend que la compromission est toujours vouée à l'échec.
Il est important que la mobilisation militante et citoyenne continue pour que cet instrument de lutte pour la démocratie et les libertés ne soit pas inscrit dans des luttes claniques ou de stratégies personnelles. En ce qui me concerne, au même titre que mes camarades, je ne m’inscris ni dans une logique de confrontation ni dans une logique de prise de pouvoir. Il s’agit pour moi de veiller à ce que le FFS ne cède rien sur son autonomie de décision et sur ses principes fondateurs. Un très large rassemblement des énergies militantes dans l’optique de la construction de l’alternative démocratique restituera au FFS ses lettres de noblesse.
Le président du parti a 86 ans, après 49 ans à la tête du parti n'est-il pas temps pour lui de passer la main et eu égard à son poids, la question de l'après-Aït Ahmed a-t-elle déjà été évoquée au sein de la direction ?
Vous faites bien de préciser que Monsieur Aït Ahmed est âgé de 86 ans. A cet âge-là, vous conviendrez avec moi que très peu de personnes continuent à militer pour la démocratie dans leur pays. Le corps a ses limites et inexorablement les capacités physiques diminuent et les facultés mentales s’émoustillent. Il est vrai que d’un point de vue strictement démocratique, rester un demi-siècle à la tête d’une quelconque organisation peut sembler antinomique, mais la qualité du personnage dont le combat se confond avec la démocratie autorise ce type d’antinomie jusqu'à une certaine limite qui, de mon point de vue, est atteinte. Le prochain congrès serait bien inspiré d’aménager les statuts dans le sens d’un élargissement des prérogatives du premier secrétaire et de réserver une place d’honneur au président pour éviter de l’impliquer dans des luttes organiques. N’étant pas membre de la direction du FFS, j’ignore si la question de l’après-Aït Ahmed a été évoqué.
Pensez-vous comme Bouaiche que la démission de certains cadres du parti soit un "non-événement" ?
Dans un parti politique qui se respecte, toute démission d’un cadre ou d’un simple militant pose forcement un problème politique qui ne saurait être qualifié de non-événement. Considérer la démission de 60 cadres comme un non-événement dénote l’état d’esprit de certains responsables au sein du secrétariat national pour qui le parti n’a nullement besoin de militants, mais seulement de structures visant à consolider un appareil enclin à l’asservissement. C’est cette mentalité d’apparatchik qui pousse les militants à exprimer publiquement leur mécontentement, les espaces de débats étant par définition fermés. Il est vrai que le FFS a connu depuis sa création une série de crises politiques qui ont conduit à des démissions de cadres et de militants. Nous avons tous une part de responsabilité dans le non traitement en profondeur de ces crises que nous avons tout simplement éludées. En ce qui me concerne, j’assume ma part de responsabilité en ma qualité d’ancien premier secrétaire national. Quelles que soient leurs motivations, je déplore le départ de ces cadres, car cela va accentuer l’affaiblissement du parti alors que l’heure n’est pas à la dispersion mais au rassemblement de toutes les énergies militantes du FFS pour construire ensemble l’alternative démocratique.
En définitive, était-il judicieux que le FFS prenne part aux législatives quand on sait que le jeu était biaisé ?
Assurément non, puisqu’a ce jour, bientôt le centième, c’est le statut quo le plus total qui mène tout droit le pays vers une impasse. Au-delà de la fraude monstrueuse qui a caractérise le scrutin pour donner naissance à une assemblée croupion, les grandes décisions promises tardent à venir. Les militants du FFS qui ont sincèrement cru en ces élections commencent à désespérer de voir le pays s’engager dans une véritable transition démocratique. Les pseudos réformes politiques ont, en définitive, renforcé les dispositions liberticides et le verrouillage des champs politiques et médiatiques. Même la direction nationale a fait part de son désarroi quant à ce glacial statut quo.
On entend ici ou là des militants qui attendent qu'Aït Ahmed intervienne pour remettre de l'ordre, mais finalement à quoi sert la direction actuelle ?
Je ne fais absolument pas partie des gens qui demandent l’intervention du président pour mettre de l’ordre et régler le problème pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il ne s’agit pas d’une brouille passagère liée a des incompatibilités d’humeur, mais bien d’une crise structurelle qui remet en cause la ligne du parti, en d’autres termes sa raison même d’exister. Notre intervention ne s’inscrit pas dans une logique de confrontation avec la direction actuelle, bien au contraire, elle se veut constructive et rassembleuse des énergies militantes autour de la ligne originelle du FFS car la nature du régime est restée la même depuis un demi-siècle. Il revient à la direction nationale le devoir de mettre en place les mécanismes nécessaires pour le règlement de ce genre de situation. Par ailleurs, la présente crise n’est pas née ex nihilo ; elle est le résultat de dérives politiques et autoritaires successives qui ont conduit, par accumulation, à la situation que nous vivons aujourd’hui. Beaucoup de militants et sympathisants n’ont cessé de s’interroger sur la nature du fonctionnement du parti et l’opportunité de certaines décisions par rapport à la ligne politiques. Pour ma part, je considère que la première dérive politique grave remonte à 2002 en participant aux élections locales dans un contexte particulièrement trouble au lendemain des événements de Kabylie et dans des conditions qui ont conduit à la participation pour le moins douteuses. Même si j’étais résolument contre, ce n’est pas tant la participation qui était choquante, pouvant, elle, faire l’objet de débat, mais le fait d’accepter de prendre des APC avec 2 voix. Le principe de la souveraineté populaire et sa représentation en a été atteint. Je considère qu’un fondement du FFS ne peut aucunement être soumis au débat. Il faudra, d’ailleurs, un jour faire le bilan de cette participation qui présente beaucoup de similitude avec celle du 10 mai.
Il faut reconnaître que depuis 1999 le pays vit une période de glaciation politique à l’ombre du FLN et de ses substituts et les nombreuses directives autoritaires du ministère de l’Intérieur viennent empêcher les médiations de s’organiser et la société de s’exprimer. Il est devenu très difficile de faire de la politique dans un environnement ou l’opposition est systématiquement neutralisée si elle refuse de se soumettre à un clan ou à un autre du pouvoir et quand les circonstances l’exigent de contribuer au ravalement de la façade démocratique du système.
Le quatrième congrès du parti, dans sa préparation et son organisation, peut être considéré comme une dérive autoritaire qui a consacré les divisions et le renfermement sur soi en renforçant les rouages d’un appareil coupé d’une partie de ses militants et sympathisants et brimant tout débat contradictoire. Mais les circonstances qui ont entouré la dernière participation aux législatives du 10 mai 2012 et la gestion de l’après élection ont conduit les militants et citoyens à ne plus parler de dérive mais carrément de compromission.
Eclatement voire domestication de la scène politique, concentration des leviers de pouvoir, interdiction de manifestation, un président en bout de course. Quelle est votre analyse de la situation actuelle du pays ?
Vous venez déjà de citer en quelques mots les premiers éléments constitutifs de la panoplie de la parfaite dictature. Le pays continue à vivre une crise multidimensionnelle qui puise son origine dans la confiscation de la souveraineté populaire dès le lendemain de l’indépendance. En l’absence totale de vision stratégique, l’Algérie ne s’est jamais retrouvée dans une situation aussi incertaine.
Fort d’une énorme manne pétrolière, le pouvoir ne fait qu’entretenir la corruption pour élargir sa clientèle. Confrontée aux contrainte du quotidien, aux problèmes de sante, d’éducation, de chômage, de cherté de la vie, la société perd de plus en plus espoir. Quel sens pourrait avoir la pratique de la politique dans ce contexte de désespoir, dans une situation de non droit ou l’institution n’est qu’élément de décor, au moment ou le président de la république est plus soucieux de renforcer sa propre personne que les institutions de la république.
Le politologue Hachmaoui qualifie, à juste titre, ce régime de prétorien dont la survie dépend d’une part de sa capacité à institutionnaliser la corruption et à élargir son champ et d’autre part à assurer à sa clientèle une impunité totale.
Entretien réalisé par Hamid Arab
Commentaires (7) | Réagir ?
Arretez monsieur Kerboua de jeter le devolu sur tout ce qui ne vous arrange pas, vous et votre clique.
Vous enfant de Haizer, comment peut on vous croire quand on enttend vos enfants ne parler que l'arabe alors que vous chantez l'amazighité à qui vous vous croire.
vous enfant de Haizer comment peut on vous croire sachant que vous vous ëtes un commis d'état qui a garavi les echellons, or dans notre pays un commis d'état peut-t- il ëtre on opposant credible?
Vous enfant de Haizer, donc supposé être kabyle dans les tripes comment pouvez vous pousser la calomnie et la diatribe contre la seule personne restée credible de nos jours même aux yeux de ses detracteurs in et extra muros: Hocine Aït-Ahmed.
Zizi lho, ils l ont toujours eu dans leur poche lui et son petit kiosque du ffs mais cette fois il fait son grand coup avec ses alies de toujours du clan d oujda, il s etait fait proprietaire de 50 millions d euros pour participer aux elections du pouvoir. le train passe et les "chiens "aboient. dezzou m3ahhoum vous dit zero lho.