Pr. A. Mebtoul à Sky News : "Aucun bilan des dépenses n'est fourni"
Dans cet entretien donné à la télévision Sky News, Abderrahmane Mebtoul analyse la situation économique du pays et explique les raisons des échecs répétés des gouvernements à mettre en place un tissu économique viable.
Quelle est la situation actuelle de l’économie algérienne en 2012 ?
En bref après 50 années d’indépendance en ce mois de juillet 2012, l’économie algérienne se caractérise par 98% d’exportation d ‘hydrocarbures à l’état brut et semi brut et important 70-75% des besoins des ménages et des entreprises quelles soient publiques ou privées. Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach ayant engrangé entre 2000 - et juin 2012 environ 560 milliards de dollars et allant vers 600 milliards de dollars fin 2012. Les réserves de change au 1er juillet 2012 sont d’environ 190 milliards de dollars et selon le dernier rapport du FMI allant vers 200 milliards de dollars fin 2012. Puisque selon le rapport du gouverneur de la Banque d’Algérie les intérêts des placements à l’étranger ont été de 4,7 milliards de dollars à un taux d’intérêt fixe de 3%, pour 2011, il en résulte que plus de 83% des réserves de change sont placées à l’étranger en grande partie en bons de trésor américain et en obligation européennes. Le niveau de la dette a été largement épongé par les remboursements anticipés ramenant le principal de la dette à un montant inférieur à 4 milliards de dollars. La réduction artificielle tant de la dette extérieure qu’intérieure l’a été non par le travail et la bonne gouvernance mais grâce aux hydrocarbures fonction des aléas de l’extérieur.
Selon les observateurs internationaux, des résultats si mitigés, pourquoi ?
C’est le modèle mis en place depuis l’indépendance politique qui trouve ses limites assis essentiellement sur la bureaucratie et le secteur d’Etat qu’il s’agit ici de ne pas de diaboliser mais le rendre plus performent dans un cadre concurrentiel, car ayant à sa direction souvent de brillants managers, mais soumis aux directives bureaucratiques. Cette politique a marginalisé le secteur privé productif et favorisé les rentes spéculatives. Pour preuve, 40% de la masse monétaire en circulation via la rente se trouvent au niveau de la sphère informelle et entre 1971 et 2011 plus de 50 milliards de dollars ont été consacrés à l’assainissement des entreprises publiques dont plus de 70% sont revenues à la case de départ montrant que ce n’est pas seulement une question de capital argent mais des limites du fonctionnement du système actuel. Actuellement, depuis surtout le printemps arabe, le gouvernement algérien verse des salaires sans contreparties productives pour calmer le front social. Il n’existe pas de politique salariale claire mais des distributions de rente. Mais cela ne peut pas durer quitte à aller vers un suicide collectif ou une implosion différée. La dépense publique a été de 7 milliards de dollars entre 2001-2003, puis l’enveloppe prévue a été de 200 milliards de dollars entre 2004 - 2009, et le nouveau programme de 2010-2014 prévoit 286 milliards de dollars mais dont 130 milliards pour des restes à réaliser des projets non terminés entre 2004-2009 montrant d’importantes réévaluations. Le président de la République a annoncé lors d’un Conseil des ministres durant le dernier trimestre 2011 que 500 milliards de dollars seront mobilisés entre 2004-2014. A ce jour, aucun bilan n’a été réalisé. Mais le fait important malgré ces dépenses colossales le taux de croissance moyen entre 2004-2011 est de 3% (le taux d’emploi étant fonction du taux de croissance réel et non fictif) montrant une disproportion entre ces dépenses et les impacts économiques ce qui se répercute sur la situation sociale qui deviendrait explosive en cas d’une chute brutale des cours de s hydrocarbures.
L’Algérie peut elle continuer dans cette voie ?
Non et il y a une prise de conscience générale même à l’intérieur de certains segments du pouvoir. J’ai eu souvent à souligner en direction des pouvoirs publics algériens qu’il s‘agit d’éviter de dépenser sans compter. En termes de rentabilité financière et tenant compte des exportations et de la forte consommation intérieure, des coûts croissants, que dans 15 ans pour le pétrole et 25 ans pour le gaz conventionnel donc horizon entre 2025-2030, avec 50 millions d’habitants, l’Algérie sera sans hydrocarbures. Récemment en juin 2012 le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia a déclaré que la politique socio-économique entre 2000-2012 a été mitigée et que l’échec est collectif. Le gouverneur de la Banque d’Algérie vient également de tirer la sonnette d’alarme affirmant que l’on ne peut continuer à fonctionner sur la base d’un cours du baril de pétrole de 110-120 dollars (plus précisément 70 pour le budget de fonctionnement et 40-50 pour le budget d’équipement) quitte à épuiser le fonds de régulation des recettes au bout de trois à quatre années en cas d’un fléchissement des cours inférieur à 80 dollars le baril.
Quelle conclusion tirer vous pour l’avenir de l’Algérie ?
Je suis confiant car l’Algérie recèle d'importantes potentialités, surtout les compétences humaines richesse bien plus importante que toutes les réserves d’hydrocarbures, actuellement marginalisées, tant au niveau local qu’à l’étranger, pour surmonter la situation actuelle. Pour cela, outre une profonde moralité des personnes chargés de diriger la Cité, l’on doit revoir la gouvernance et donc l’actuelle politique socio-économique qui ne peut que conduire à l’impasse et donc à l’implosion sociale à terme. L’on ne saurait ignorer les effets de la mondialisation à la fois positifs mais pervers sans régulation, devant insérer les projets futurs dans le cadre de l’intégration du Maghreb pont entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique, pour la stabilité et une prospérité partagée de la région. Les propos de l’interview que je vous donne ont été largement diffusés au niveau international et largement par la presse et sites algériens. Avec de nombreux experts algériens résidents et non résidents, depuis 2007 nous avons demandé un large débat national, au sein d’une structure indépendante non instrumentalisée, ouvert aux forces politiques, sociales et économiques afin de tracer une trajectoire de passage d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des nouvelles mutations mondiales se basant sur des entreprises compétitives qu’elles soient locales ou étrangères apportant une valeur ajoutée au pays. Pourquoi cette proposition ? Pour notre part, nous privilégions les intérêts supérieurs de l’Algérie, le dialogue sans exclusive, évitant ainsi le chauvinisme étroit et l’autosatisfaction, contraire à la dure réalité quotidienne des Algériens, source de névrose collective.
Interview en arabe – retranscrit en français et en anglais-diffusion internationale in Sky News Arabia qui est une co-entreprise entre BSkyB basée à Londres et la compagnie Abu Dhabi Media Investment Corporation (Admic) appartenant à cheikh Mansour ben Zayed Al-Nahyane, un frère du président des Emirats arabes unis, cheikh Khalifa a commencé à émettre le 6 mai 2012, et compte au départ près de 400 journalistes, reporters, producteurs et techniciens.
Commentaires (3) | Réagir ?
Monsieur Mebtoul fellicitations pour votre analyse. Je vous rejoint pour dire que le seul salut de l'Algérie consiste en la débureaucratistion (terme barbarequi convient), l'Algérie durant les 50 ans d'indépendance n'a jamais pensé à créer un tissu industriuel complémentaire du secteur public et qui aurait eu pour effet de secouer un peu le cocotieret provoquer une émulation saine qui aurait conduit à un enrichissemnt vrai du pays par l'accroissement d'un vrai PIB.
Mais que dire, sous Boumédiène, une cadre ne pouvait rien dire, un ingenieur agronome sortant de l' INA était soiumis au diktat d'un abrutit de présidène de domaine automalgéré et fianalement autodigéré comme le reste, sous Chadli le PAP arrivé, plus la peine de travailler, et maintenant toute la zoubia de la chine est la. Il serait fou d'investir pour produire en Algérie, aucune protection pour la production locale puisque les nababs de l'import sont fortement ancré et indéboulonnable.
Quand il n'y aura plus de pétrole, plus de terres agricoles arables peut être qu'un miracle surviendrait !!!!
Vous vous dites confiant dans l'avenir. comment peut on etre confiant en voyant le desastre economique du pays? Ouallah seule la rue nous sauvera!!!!