L'armée tente de "nettoyer" Damas et la querelle russo-occidentale s'envenime
L'armée a lancé vendredi une contre-offensive pour reprendre plusieurs quartiers rebelles de Damas, au lendemain de succès des insurgés aux frontières turque et irakienne et de violences ayant fait plus de 300 morts, le plus lourd bilan en 16 mois de conflit.
A l'ONU, la querelle s'aggrave entre les Russes et l'Occident après le double veto russo-chinois, Moscou disant soutenir un projet de résolution qui prolonge sans conditions de 45 jours la mission des observateurs de l'ONU en Syrie, face au projet rival des pays occidentaux. Dans un nouveau signe de la détermination du président Bachar Al-Assad à ne pas céder le pouvoir aux mains de sa famille depuis 40 ans, la télévision d'Etat a démenti des propos attribués à l'ambassadeur de Russie à Paris selon lesquels M. Assad accepterait de quitter le pouvoir "de manière civilisée". Après la "bataille de libération" de Damas lancée par les rebelles, l'armée a lancé une contre-offensive pour reprendre le contrôle des quartiers "où s'étaient infiltrés des terroristes afin de garantir la sécurité des habitants et leur permettre de rentrer chez eux", selon une source de sécurité syrienne.
Appuyée par des chars, l'armée a "nettoyé" le quartier Midane, près du centre de Damas, après de violents combats avec les rebelles.
Emmenés par l'armée dans ce quartier fantôme à bord de transports de troupes blindés, les journalistes ont vu des douilles de tous calibres jonchant la chaussée, le minaret de la mosquée al-Majid troué par un obus et les façades d'immeubles criblées de balles. L'air sentait la poudre. Devant cette mosquée, d'où partaient les manifestations contre le régime, deux blindés surmontés de mitrailleuses lourdes sont stationnés. Les devantures des magasins sont fermées, d'autres échoppes saccagées donnent le sentiment que les commerçants ont fui brusquement sans même avoir le temps de les fermer.
Après avoir donné l'assaut contre Qaboun la veille, l'armée a pénétré le matin dans les quartiers de Jobar (est) et Kafar Soussé (sud-ouest), selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), alors que des milliers d'habitants fuyaient les violences dans la capitale.
Jusqu'à 30.000 Syriens se sont réfugiés au Liban voisin ces dernières 48 heures, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU. Les Syriens fuient aussi vers la Turquie, la Jordanie et l'Irak.
Prise de contrôle des postes-frontières
Jeudi, une source de sécurité a affirmé à l'AFP que l'armée était décidée "à utiliser toutes les armes en sa possession pour en finir avec les terroristes" après l'attentat inédit mercredi à Damas contre le cercle rapproché de M. Assad.
Le chef de la Sécurité nationale en Syrie, Hicham Ikhtiar, blessé dans cet attentat, a succombé, portant à quatre le nombre des hauts responsables qui y ont péri, selon la télévision officielle. Des funérailles nationales ont eu lieu à Damas pour le ministre de la Défense, Daoud Rajha, son adjoint et beau-frère de M. Assad, Assef Chawkat, et Hassan Turkmani, chef de la cellule chargée de réprimer la révolte qui secoue le régime depuis mars 2011, a indiqué la télévision sans montrer d'images.
Le même jour, les militants antirégime ont appelé à des manifestations sous le slogan "le ramadan de la victoire sera écrit à Damas". Les rebelles ont enregistré jeudi des succès en prenant le contrôle de l'ensemble des postes-frontières avec l'Irak selon les autorités irakiennes et d'un poste-frontière avec la Turquie.
Selon un photographe de l'AFP, ils exerçaient leur contrôle vendredi sur le poste-frontière de Baba al-Hawa avec la Turquie. Des poids lourds turcs incendiés lors des combats gisaient à l'entrée du poste de Bab al-Hawa, contrôlé par environ 150 rebelles en treillis lourdement armés. Jeudi a été aussi la journée la plus meurtrière en 16 mois de conflit selon l'OSDH, avec la mort de 300 personnes -139 civils, 98 soldats et 65 rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL).
Querelle russo-occidentale à l'ONU
A l'ONU, la bataille diplomatique s'envenime entre Russes, alliés du régime syrien, et Occidentaux qui veulent son départ, avec un nouveau projet de résolution sur le sort de la mission d'observation de l'ONU dont le mandat expire vendredi. "Nous soutiendrons (ce projet) dans la mesure où nous avons participé à sa réalisation avec les Pakistanais", a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov.
L'autre projet, présenté par Londres, prolonge de 30 jours la mission d'observation mais précise qu'ensuite elle ne pourra être prolongée que si le régime retire ses armes lourdes. La veille, la Russie et la Chine avaient provoqué la colère des Occidentaux en opposant pour la troisième fois leur veto à une résolution du Conseil de sécurité prévoyant des sanctions contre le régime, Washington promettant d'agir désormais "en dehors" du cadre de l'ONU dans ce dossier.
Moscou et Pékin ont justifié leur décision en affirmant que la résolution "ouvrait la voie" à une intervention militaire en Syrie. La révolte dans ce pays s'est militarisée face à la répression brutale menée par le régime et les violences ont fait en 16 mois plus de 17.000 morts, selon l'OSDH. Encore un signe de la division du pays, le régime et l'opposition ne commenceront pas cette année le ramadan le même jour, le premier ayant décrété samedi comme premier jour du mois de jeûne musulman et la seconde vendredi.
Avec AFP
Commentaires (0) | Réagir ?