Marchandisation de la légitimité de la dictature algérienne
Pour faire durer son agonie le plus longtemps possible, la dictature algérienne n’a pas hésité à mettre sa légitimité aux enchères du marché publicitaire des plus grands organes de presse des sociétés démocratiques occidentales, pris au piège des dérives du néolibéralisme conséquent à la tournure qu’avait prise l’orientation de la mondialisation.
C’est parce que le pouvoir algérien a voulu exercer sa domination sur la société pour son intérêt exclusif, les contenus "idéologiques" avec lesquels il a accompli son hypothèque de l’État sont nécessairement tombés en désuétude à force d’usure, principalement "la légitimité révolutionnaire". Devant son impuissance à les renouveler, pas seulement il entre dans un processus d’agonie interminable, mais il emporte toute la société avec lui vers une impasse tragique. Et pour faire durer son agonie le plus longtemps possible, il n’a pas hésité à mettre sa légitimité aux enchères du marché publicitaire des plus grands organes de presse des sociétés démocratiques occidentales, pris au piège des dérives du néolibéralisme conséquent à la tournure qu’avait prise l’orientation de la mondialisation.
C’est telle une tempête qui a balayé les espoirs de libération des Algériens, depuis le tournant de la fondation de leur État en juillet 1962, que le système de pouvoir algérien s’est autoneutralisé, faute de pouvoir s’adapter aux impératifs du changement de notre temps. Agonisant dans ses derniers atermoiements, par des diversions en des leurres de réformes par-ci, des distributions stratégiques de parts de la rente par là, pour neutraliser son opposition, des effets d’annonce prometteurs tous azimuts et des considérations d’auto-gratification prétentieuses et invraisemblables de réalisations économiques et sociales imaginaires. En continuant à user comme toujours, faute de mieux, du même discours démagogique et auto légitimant, qui enflammait autrefois les passions populaires, dans une tonalité qui devient de plus en plus folklorique à force d’usure, et qui par son autisme, continue à croire d’être affable.
Délaissés par ce pouvoir devant leur sort jusqu'à leur néantisation, les perdants de ce système, qui sont au nombre de la grande masse des Algériens, ne manifestent plus de signes d’adhésion à son affabulation. Ils sont arrivés à cette méfiance et à ce scepticisme, qui précipitera la rupture, après avoir été alertés par la rue arabe qui gronde, dont les malheurs sont autant de néantisations identiques, et par les échos incessants de révoltes et de contestations qui se manifestent en Europe et en Afrique, contre la précarité de la vie, suite à la démission des pouvoirs publics face à leurs responsabilités. Et tout d’abord, alertés par leur propre lassitude de ne voir dans leur vécu aucune amélioration, ni de sens à lui donner. Les perdants de la société algérienne sont devenus totalement indifférents à ce pouvoir, d’autant que celui-ci affiche sans état d’âme son illégitimité, et envers qui, leurs sentiments, sont entrés dans un processus allant du rejet à la récusation, jusqu'à la négation de sa substance même. Lui contestant le moindre acte, le moindre signe de sa manifestation, allant jusqu'à lui disputer la moindre jouissance, fut-elle celle de la célébration de la fête de l’indépendance nationale.
Cette prise de conscience, qui d’évidence est irréversible, se détermine de plus en plus dans l’action de contestation, délaissant la fuite en avant caractérisée autrefois par un pessimisme et une résignation généralisés, dans des actions suicidaires qui alimentaient, il y a si peu de temps encore la chronique, par les immolations à répétition et les noyades en mer Méditerranée pour les candidats à l’exil sur des embarcations de fortune. Le recours à la contestation et à la résistance s’affirme désormais de plus en plus, chez eux, comme l’unique culture de réaction contre leur sort. Devant ce processus politique larvé, les élites, les intellectuels, les médias aussi bien publics que privés, qui sont enchaînés dans ses plis pour des causes de survie, dont il est difficile à s’en sortir, qui veillent tant bien que mal sur son agonie, ne pourront lui être d’aucun secours. Tellement la rupture est profonde et irrémédiable entre le pouvoir et la grande masse du peuple, que toutes les sensibilités et les particularismes culturels, qui la composent, malgré qu’ils s’opposent violemment les uns aux autres pour leurs intérêts respectifs en empêchant l’émergence d’un consensus pour faire front commun dans la résistance, sont aujourd’hui affectées dans cette rupture par le même état d’esprit de rejet. Caractérisé par ce trait d’union, propre à l’expression populaire, singulière et sans concessions, "fakou", résumant à elle seule, aussi bien les processus de prise de conscience, que ceux menant à la rupture et ouvrant la voie aux hostilités.
Atrophié par son autisme à la limite du pathologique, le pouvoir continue à sévir dans son entreprise de prise en otage du politique et du destin collectif, par la conviction de son invulnérabilité et de l’illusion de puissance qu’il en tire en renforçant son sentiment d’impunité. Allant jusqu'à la neutralisation de la justice dans la transparence totale, par l’emprisonnement des militants, qui osent avec courage, l’affronter dans ses retranchements et ses sévices.
Tout en sachant que le pouvoir algérien a les moyens de faire durer son agonie indéfiniment par le pire des moyens, il est cependant condamné à ne le faire par d’autres choix, que dans la rupture avec la société. Devant le constat suffoquant de cette rupture irréversible, tant les probabilités de réconciliation sont nulles, par autant d’écart entre les aspirations des uns et les intentions des autres, et devant le constat, que le processus d’agonie de ce système politique est également lui aussi irréversible, et qu’il est devenu si obsolète et si inopérant, en ayant atteint ses limites idéologiques, qu’il en est devenu irréformable - Et même si cela était possible, force est de constater, que le pouvoir ne peut réformer un système qui le fait exister, car, le réformer, cela signifie pour lui précipiter son anéantissement, et il ne semble pas près de faire ce sacrifice - la société algérienne se trouve en face d’une impasse tragique, où son destin est en train de se jouer.
Et comme par un défi à l’apesanteur, le pouvoir algérien n’hésita pas à aller monnayer cyniquement une légitimation dans les décombres des dérives du néolibéralisme, engendrées par une "liberté négative" conséquente de l’absurdité de l’orientation qu’a prise la mondialisation. En allant solliciter de grands organes de presse, tel le quotidien français Le Monde dans son cahier "Spécial Algérie" publié mercredi 3 juillet, le quotidien américain USA Today, le quotidien britannique The Times ainsi que le Financial Times, l’allemand Deutschland, et les journaux à capitaux arabes édités à Londres Al-Hayat et Al Sharq Al Awasat qui ont respectivement publié jeudi 5 juillet, jour du cinquantenaire de l’indépendance nationale de l’Algérie, des suppléments consacrés à la production d’une image de propagande positive, indifféremment de sa véracité et indépendamment de toute considération d’éthique intellectuelle, politique, économique et commerciale. Ce qui en priorité importait à ces organes de presse est le coup commercial de l’opération, qui leur a permis d’engranger des sommes faramineuses évaluées en millions et financées sur le compte des deniers de l’État algérien.
Comment en est-on arrivé-là ? Alors que théoriquement, ces organes de presse, du moins pour ceux des démocraties occidentales, qui sont censé être les garants de la liberté d’expression, les défenseurs des droits de l’homme et de la démocratie dans le monde, se sont réduits à des organes de propagande faisant l’apologie d’une dictature parmi les plus violentes, les plus répressives et les plus liberticides dans le monde.
Que la mondialisation économique est démocratique et se présente sous une forme de légalité objective. Qu’elle est indépendante et son enjeu, c’est la liberté, puisque son territoire, c’est le monde. Que son mode de légitimation se base sur une objectivité, l’indépendance des individus et des groupes qui doit être respectée. Que cela permet la légitimation de la généralisation du néo-libéralisme. Soit ! Mais cela permet aussi par conséquent, un appauvrissement et des exclusions sociales. C’est le risque du respect de la liberté. L’autre risque, c’est pire, c’est vouloir empiéter sur les libertés.
Mais cette liberté négative va au de-là du domaine socio-économique, pour déborder sur tous les aspects de la société. La déontologie qui régit le fonctionnement de la presse ne tient pas le coup dans ces conditions, elle est absorbée par cette mondialisation et sa légitimation. Elle se légitime à son tour, en présentant toute opération de commercialisation comme la conséquence logique des progrès d’homogénéisation du marché mondiale qu’elle fait apparaître comme aussi objective que le progrès scientifique et technique lui-même.
Dans ce cas l’humanité des individus et leurs droits fondamentaux sont réduits à leur harmonisation avec cette liberté négative de tous à l’égard de tous, au sens ou l’emploi le philosophe Français Jacques Poulain, avec tous les bénéfices que peut donner le marché.
Cette idéologie de l’émancipation, en tant que liberté négative va accompagner l’objectivité des adaptations sociales bonnes ou mauvaises, ce qui est important, est qu’elles se justifient technocratiquement, c'est-à-dire reproduire une organisation qui ressemble aux organisations mondialisées mais en même temps, on détruit les structures des équipements sociales comme on eût détruit la déontologie de la presse. L’éthique de la presse devient une affaire d’administration commerciale, c’est l’entreprise médiatique qui règle la ligne éditoriale. Toutes les institutions sont adaptées positivement ou négativement à ce processus, y compris celles de la culture et de la presse. Tout ce qui peut arriver comme meilleur ou pire, toute autre initiative sociale est un ajustement à ce processus et ce sera un ajustement à un phénomène objectif qui est la mondialisation économique.
Le marché est présumé suivre les lois de production du consensus parce que ce sont les offres qui répondent à une demande, donc, c’est un processus de communication, et qui se valide en s’établissant par la production des conditions de son existence. C’est une interaction entre les formations économiques, les formations discursives et les formations de production. Une interaction qui n’est réglée par personne, qui se règle d’elle-même objectivement. Cette mondialisation donne au marché mondial et au consensus cosmopolitique le rôle d’instances infaillibles, et cela malgré les crises financières qui rythment régulièrement les crédits banquiers, et bien que l’on joigne deux instances apparemment séparées que sont le marché et le consensus.
La jointure dans cette instance, de celles du marché et du consensus, fait régresser l’humanité par son aboutissement à cette forme de liberté négative, bien que ça soit valorisée, et bien qu’elle soit pensée comme incontournable. Elle fait régresser l’humanité dans la mesure où ça revient à une forme d’institution en deçà de la forme d’institution politique qui a été forgée dans l’idée de l’État providence et de souveraineté à distribuer les droits, les devoirs et les biens. Jacques Poulain compare la régulation sociale par l’État providence à celle de l’esprit des dieux souverains organisant l’ordre du monde et l’ordre social qui fait suite à la première crise de conscience de la puissance sociale sur la vie grâce à la parole. Il inscrit cette évolution par rapport à la situation d’avant, où dit-il, il y avait le totémisme pour empêcher l’inceste et bien avant encore, il y avait les premières institutions que sont les rites de figuration, comme les peintures et les sculptures rupestres, afin d’empêcher le meurtre anthropophagique.
Avec la mondialisation aujourd’hui, on revient au marché et au consensus sous l’aspect de la rationalité la plus établie. Mais ce marché et ce consensus reviennent dans leur forme à ces rites de prédation liés aux rites de figuration, et ça produit des sociétés très fragilisées, puisque ont dissous l’institution de l’État, et l’on remet les relations les plus simples à l’origine et au rôle d’instance de régulation. Comme cela peut produire des sociétés très fragilisées, il est donc inévitable que cela puisse produire des pays entiers très fragilisés, mettant en péril les droits et les libertés fondamentales de leurs peuples. C’est donc au nom de cette liberté négative que la légitimation d’une dictature parmi les plus violentes, les plus répressives et les plus liberticides dans le monde devient possible. Ces organes de presse n’ont obéi qu’à la logique de cette homogénéisation du marché, en considérant cette opération de propagande exécrable comme un simple produit commercial.
Youcef Benzatat
Commentaires (4) | Réagir ?
" La déontologie qui régit le fonctionnement de la presse", vous dites, monsieur Benzatat ? C'est certainement votre cher souhait, comme celui des lecteurs épris de soucis de la liberté d'informer. Au lorsque les organes de presse, partout dans le monde, se mettent à suivre l'exemple du Canard Enchaîné, de faire le "travail" sans des pages de publicité, c'est-à-dire commencer là la déontologie.
L'Etat algérien dites vous ? parceque pour vous il y a un état Algérien ?, et puis ces journaux qui ont permis, ou qui permettent à ces sbires de la France d'éxister, ou de continuer à exister encore continueront à le faire tant qu'il y aura de l'euro à ramasser, alors la déontologie, ou la coscience
professionnel... etc, tous ça il faut oublier.
Mais la question qui se pose, est ce qu'il y a eu une contre attaque?, c'est à dire a-t-il eu des démentis, ou des plaintes de déposées pour désinformation, ou un truc dans le genre ? et en fin, ces pratiques ont bien étés initiées par la presse Algerienne, qui de tout temps, "excusez moi si je me trompe"
à trompé le peuple algérien sur les vérités de son systeme en général, et de son gouvernement en particulier.
Ce n'est que depuis quelque temps très reçent que quelques journalistes, et quelques journaux commencent à dire à peu-près quelques vérités, alors que pourrions-nous reprocher aux occidentaux ?, quand le mal est partis de chez nous?.
Et puis quoi qu'on puisse dire de bien sur ces soit disant garrants de l'integrité du pays, ou sur son gouvernement fantoche, personne n'est assez dupe à ce point pour le croire.