Monsieur Bouteflika, cela fait déjà 50 ans !

Abdelaziz Bouteflika
Abdelaziz Bouteflika

Cela fait déjà un demi-siècle que l’Algérie est indépendante, et le régime que vous présidez ressemble étrangement à la colonisation.

On aurait dit sa petite fille tant la ressemblance est saisissante. Mais quoi de plus naturel lorsque l’on porte les mêmes gènes que ses parents. Cela fait plus d’un demi-siècle que vous êtes au pouvoir. Aucun dictateur de ce monde n’a réalisé une telle prouesse. Je n’étais pas encore né lorsqu’en tant qu’émissaire vous aviez assuré une liaison permanente entre A Ben Bella détenu à la prison de Fresnes et l’Etat Major de l’ALN, avec la complicité des plus hautes autorités coloniales. Je n’étais encore qu’un bébé de quelques mois lorsqu’avec vos amis de l’armée des frontières i vous aviez déposé le premier président de l’Algérie indépendante, pour donner naissance à l’une des dictatures les plus perverses dans l’histoire de l’humanité. Enfant de l’indépendance, je serais bientôt grand père et vous êtes toujours là. Cela fait un demi-siècle que l’Algérie est indépendante, on a toujours l’étrange sentiment qu’on est à la veille du premier novembre 1954 tant les violences, les trahisons et l’incertitude qui se poursuivent sans discontinuer depuis 1962 font vaciller un peu plus chaque jour ce pays sans identité républicaine.

Tout comme vous, je pense aussi qu’on est comme à la veille du 1er novembre 1954. Un grand malheur nous guette. Non pas pour les mêmes raisons que vous aviez évoquées lors de votre dernier discours à Sétif lorsque vous aviez exhorté les algériennes et les algériens de façon pathétique et mesquine de se rendre massivement aux urnes, le 10 mai dernier. Les régimes totalitaires grandissent et prospèrent sur le malheur et l’oppression des peuples. Mais lorsqu’une communauté nationale n’arrive pas à se construire un imaginaire collectif et un Dieu libérateur parce que longtemps corrompue ou persécutée par le mensonge et la forfaiture, elle sombre dans une résignation absurde. Lorsqu’une communauté nationale n’arrive pas à se relever de ses traumatismes profonds, elle peut se rendre coupable de toutes les dérives et basculer à tout instant dans des lendemains obscurs et sombres.

Nourri à l’idéologie traditionaliste qui favorise à outrance l’ignorance des peuples, le mythe et le populisme, le pouvoir que vous incarnez combat toute forme de changement, en persécutant la science et le savoir, l’art et le talent, enfin tout ce qui peut participer à l’émancipation d’une nation et à la conscientisation de la société. Cinquante ans après la proclamation de l’indépendance du pays, nous n’avons toujours pas d’Etat. Nous sommes en présence d’un ordre confrérique retranché dans sa propre sclérose, dans sa propre névrose, qui à réussi a disperser toutes les élites du pays en les dressant les unes contre les autres. Si bien qu’aujourd’hui aucun leader de l’opposition n’accepte de s’assoir autour d’une même table avec d’autres opposants pour mettre sur pied une méthode réfléchie et concertée, une dynamique d’évolution progressive en vue d’un changement radical et pacifique. Aucun algérien ne peut tendre la main à un autre algérien pour construire l’alternative citoyenne et démocratique. Même l’exemple de ces grandes puissances qui se regroupent pour faire face aux exigences et défis de notre époque, ne semble inspirer outre mesure nos élites bien pensantes.

Hocine Ait Ahmed ressemble a s’y méprendre à Messali qu’il avait lui-même détrôné la veille du 1er novembre 1954, avec Ben Bella et Khider. Les autres, un magma de jusqu’aux -boutistes, d’attrape-nigauds, de nomades et de semi nomades politiques, n’en font qu’à leur tête dans répertoire atavique de rivalités, de suspicions riches en accusations imbéciles, en invectives, en calomnies grotesques et en mensonges. D’autres encore plus sensibles, ont préféré le chemin de l’exil pour s’abimer dans «les rêveries d’un promeneur solitaire», fuyant l’âpreté du combat sur le terrain.

Si bien que par moment, on a l’impression d’avoir fait un saut en arrière dans le temps pour nous trouver face au Duc de Rovigo et du général de Bourmont commandant en chef de l’armée coloniale, en train de se moquer vulgairement de la naïveté et du manque d’exercice politique des Oulémas, des Muftis, des Cadis, des Marabouts des Sidi Saadi et des Djouads des Ait Kaci, des Zammoum et ceux des plaines de la Mitidja, en faisant croire à chacun d’entre eux qu’il serait bientôt le nouveau Sultan de la Régence d’Alger. Ce triste épisode de manipulation a entretenu des haines violentes durant de nombreuses années entre les tribus autochtones, allant jusqu’à affaiblir la résistance chevaleresque de l’Emir Abdelkader et de Belhaddad. Mais pour le grand malheur de nos élites bardées de diplômes et de titres universitaires, la police politique et les généraux de l’ANP n’ont ni la maitrise militaire et politique, ni le savoir et encore moins l’art et le talent du Duc de Rovigo et du général de Bourmont. Ce sont d’illustres parvenus, des affamés que la providence a portés accidentellement dans le confort de la haute société.

Mais depuis un demi-siècle, vous continuez cependant à structurer la société pas selon les exigences de notre époque, selon les aspirations et les attentes légitimes du peuple, mais en fonction des besoins d’une institution militaire qui refuse de sortir de sa clandestinité pour se rendre comptable devant ce qui du être réalisé en premier lieu, à savoir les représentations légitimes du peuple. Chaque jour que Dieu fait, nos généraux dont vous êtes l’otage font amarrer le pays vers des destinations improbables. Chaque jour, le pays s’éloigne de la modernité pour s’engouffrer dans l’aire de la culture tribale dominée par la logique des clans. Ne voyez vous pas que plus vous construisez d’écoles et d’universités, plus l’ignorance et l’analphabétisme augmentent, plus les inégalités se creusent et plus la corruption, la hogra et l’incivisme s’érigent en loi fondamentale du pays ? Ou allez vous nous mener Mr Bouteflika ? Vers quelle autre inconnue destination vous allez guider le pays ?

Saïd Radjef

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Commentaires (12) | Réagir ?

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Riad Diab

En 50 ans le regime des genéraux et le peuple Algerien ont fait mieux que leur voisin en 12 siècles de Makhzen.

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samy iris

Une politique d'encouragement à la création dans tous les domaines stimulera la progression de la nation et ouvrira la perspective d'un developpement sans précédent

des personnalités et des relations entre les hommes. Elle accompagnera d'un effort de diffusion de la culture, de conservation du patrimoine et d'extension des

échanges culturels internationaux. Elle s'associera ainsi à la reforme de l’Éducation nationale et à l'effort de la recherche. Cette tache est inséparable d'une politique

de progrès social, du dégagement de ressources élevées, d'une démocratisation générale de la vie. Pas d’épanouissement de la création sans liberté de la création.

Pas d'essor de la pensée sans liberté de la pensée. Pas de liberté de création et de pensée sans liberté de leur expression et de leur diffusion. L'intelligence doit

cesser d’être en butte à la loi du profit, aux contraintes et aux entraves matérielles et idéologiques que cette loi impose. La culture doit recevoir les moyens qui

garantiront son expansion.. D'où les relations essentielles entre l'essor culturel et la transformation politique et économique de la nation. Pas d’accès de tous à la

culture sans que l'ensemble de la population ait le temps et les moyens de vivre, sans qu'un équipement culturel moderne, dynamique, diversifié, soit implanté sur tout

le territoire, sans que soit formé un personnel qualifié, capable de mettre en valeur le patrimoine et d'animer la vie culturelle. La reforme de l’Éducation nationale est

une condition majeure de la réussite d'une politique culturelle.

La culture n'est ni une marchandise ni un luxe. Un gouvernement démocratique recherchera avec la participation des intéressés, les moyens capables de briser

l'emprise des puissances. Il ouvrira un champ nouveau à la liberté de création et à la diffusion des œuvres. Trois ordres de mesures joueront dans ce sens. Abolir le

monopolisme des techniques d'avant-garde.

Soutien public à la création et à la diffusion. Statuts des artistes créateurs et interprètes. Parallèlement à la reforme de l’Éducation nationale, et pour contribuer à lui

donner toute sa portée, la création littéraire, théâtrale, cinématographique destinée à l'enfance et à la jeunesse, bénéficiera de mesures destinées à en stimuler le

developpement.

Un ensemble diversifié d'activités de cercles ou de clubs s'organisera à l'école, autour d'elle ou en liaison avec elle; l'école s'ouvrira, de son coté, aux activités culturelles qui lui sont extérieures, elle conduira les élevés à leur rencontre. Les associations, les collectivités locales joueront, en même temps que le corps

enseignant, un rôle capital pour assurer ces relations vivifiantes. Liés à l'"ensemble des mesures prises pour transformer les conditions de travail et le mode de vie, les

activités culturelles viseront à assurer l’épanouissement de chaque citoyen. Les moyens d'invention et d’expérimentation seront accrus, la communication entre les

individus sera favorisée. La liberté de création et d'expression sera garantie à chacun notamment par l'abolition de toutes les formes de censure ou de precensure.

Opposée à toute bureaucratisation, cette transformation contribuera à garantir une veritable et libre confrontation des courants, des écoles, des styles, des

expériences.

Le gouvernement reconnaitra la fonction irremplaçable de la création artistique et littéraire dans la société et mettra tout en œuvre pour permettre aux artistes,

écrivains et interprètes d'assumer pleinement et librement cette fonction. Cette reconnaissance a pour corollaire la nécessité de leur assurer le statut matériel et moral

qu’exige leur activité. Ce statut, élaboré et appliqué ensemble avec leur concours,, comprendra une série de mesures destinées à revaloriser leur fonction: il définira

avec les intéressés leur participation de créateurs ou d’interprètes à la vie culturelle du pays dans tous les domaines et à tous les niveaux :

soutien public à la création et à la diffusion - developpement des commandes publiques - création d'un fonds national des Arts et Lettres; Des organismes de crédit

spécialisés, de caractères public, seront crées dans certains secteurs, en particulier le cinéma. Les activités de conservation du patrimoine culturel d'animation et de

création seront décentralisées. Le developpement de l'infrastructure culturelle remédiera en partie au sous-équipement des quartiers et des régions rurales. La

contribution financière de l’État tiendra des exigences de la décentralisation et, en particulier, des vocations affirmées par les villes et les régions. Les associations

culturelles recevront des moyens accrus pour l'initiation culturelle et la découverte de nouveaux talentssuite fraternellement

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