Boycott, frondes, forums virtuels... capitalisations
Cinquante ans déjà et nous sommes encore là à raser les murs, pliés sur nous-mêmes derrière l’ombre du monstre tamisant le soleil à travers l’arrogant tempo de son dressage. Obstruant nos désirs de rêver d’un ailleurs plus clément, plus apte à nous émerveiller et que tout homme peut espérer attendre d’une vie.
Nous avons osé boycotter dans notre réclusion. Par cette audace, nous avons secoué les chaînes qui nous tenaient rivés aux crépis grisonnants des murs de nos cités. Pendant ce temps-là ! certains se plièrent encore plus pour se fondre dans son ombre, espérant trouver dans cette posture son empoisonnement. Un accoutrement de dupes ! car cela semble plutôt renforcer son arrogance et aiguiser sa potence.
C’est quand dans notre résignation ! le boycott nous a glorifiés, que de ricanements nous nous sommes enivrés. Que dure cette ivresse et cette euphorie jusqu'à l’exaltation. Qu’elle dure autant que notre enchaînement perdure et dure aussi longtemps que nous vivrons enchaînés aux crépis opaques des murs de nos citées endeuillées jusqu'à la ruine.
L’orgueil du monstre entamé, corrodé par l’audace de notre empiètement sur son ombrageux prestige, le boycott des législatives était la voie. Boycottons. Boycottons jusqu'à son anéantissement. Boycottons les cérémonies, les fêtes, les anniversaires, les commémorations. Boycottons ses appuis par lesquels nous sommes reclus. Boycottons la fête de l’indépendance. Le boycott du 5 juillet, c’est le boycott d’une indépendance que les Algériens en tant que peuple souverain n’a pas encore acquis. Nul ne peut contester que la fin de la colonisation n’a pas permis aux Algériens de se libérer. Boycottons toutes les fêtes dont nous sommes exclus. Boycottons le temple du mensonge, ce lieu de dépravation de la vérité, laboratoire de toutes les perversions de l’histoire. L’école. Boycottons jusqu'à l’émergence d’une conscience, d’une dignité, d’une identité, d’un Nous décrotté des souillures de l’ombre du monstre. De la liberté. Capitalisons…
La radicalisation n’est pas l’autoexclusion, elles est la conscience active embusquée d’une nation. Elle est son avant-garde permanente, le laboratoire de son renouvellement et la loi morale qui veille sur ses dérives. Elle est tout ce qui reste comme dynamique citoyenne contre les forces hégémoniques qui instrumentalisent le mensonge comme auto légitimation. Elle est l’honneur d’une nation quand celle-ci dévie vers la perversion par la destruction de tout ce qu’elle est et de tout ce qui s’oppose à ses dérives. La radicalisation a sauvé l’honneur de la grande nation de la science, de la philosophie et de l’art universels qu’est l’Allemagne nazie. Après son autodestruction, ce sont les radicaux contre l’idéologie nazie qui ont reconstruit et restitué la grandeur de l’œuvre universelle de ce peuple et sauvé son honneur. La compromission, c’est celle-là l’auto exclusion et dans les cas extrêmes, ça va jusqu'à l’auto destruction. Ce sont les idées de compromission avec le jeu électoral qui ont légitimé l’idéologie destructrice nazie. Après l’avoir légitimé, ils n’avaient d’autres choix que se soumettre ou disparaître. Ceux qui ont essayé de résister ont été tout simplement exterminés. Remettre au goût du jour l’idée de compromission en l’opposant par autisme au qualificatif de forces d’inertie, en se référent aux accords d’Évian ou à la compromission de Mandela avec le régime de l’apartheid, c’est prendre des vessies pour des lanternes comme dît un internaute de l’avant-garde citoyenne. C’est nier le caractère mafieux, criminel, cynique, destructeur, fascisant en somme du pouvoir algérien, que de tenir un tel argumentaire. C’est jeter sournoisement l’anathème sur les forces qui résistent, pour justifier l’injustifiable, plutôt que de faire débat.
Écoutons les frondeurs. Ceux qui se sont dressés contre la volonté de leurs petits ou grands zaims. De ces grands partis à tentacules et de ces minuscules hizbicules évanescents! de ces habitués de la mangeoire et de l’enregistrement du mensonge. Écoutons ces frondeurs à la nuque raide. Ces militants, parmi les plus actifs et les plus irréductibles à la compromission avec le pouvoir à ventricule. Ces frondeurs marginalisés par leurs directions, que la voix officielle des patriarches à la tête de leurs partis qualifie de force d’inertie, nous confient : "la compromission des appareils libère un espace important et crée la possibilité de la (re)structuration de l’opposition démocratique sur des bases nouvelles, totalement libérées du culte du Zaim, avatar du National-populisme." Les frondeurs marquent de leur empreinte la fin d’une époque et pourront être les pionniers et les initiateurs d’une Algérie nouvelle dont nous rêvons depuis toujours. Cependant, parmi les frondeurs se trouvent des glandeurs. Des FLennistes, des RNdéistes et toute la smala des Déistes, adeptes de la mangeoire dès la première heure. Quel crédit peut-on accorder à ceux-là ! qui de tout temps ont trahi. N’a-t-on pas déchu les harkis de leur nationalité et de les avoir privés de leur terre. Quel crédit peut-on leur accorder après tant de mensonges et de trahisons. Ceux-là ! doivent le pardon au peuple qu’ils ont tant fait souffrir et tout au plus se soustraire dans des travaux d’intérêt général pour prétendre au moindre honneur. Capitalisons la fronde des nuques raides. Frondons contre le despotisme du patriarche. Frondons contre le mensonge de dieu. Frondons contre tous les mensonges. Capitalisons…
Plus bas encore dans la hiérarchie de la perversion, figure - telle une impuissance devant l’hydre aux multiples visages : DRS, Présidence, la Muette, Loi de dieu et des patriarches - le syndrome de Stockholm, qui joue des tours surréalistes aux esprits compromis avec leur bourreau. On le constate dans un élan mimétique mu par un sentiment de culpabilité, à défaut d’arguments convaincants pour justifier leur action de compromission, reprenant à leur compte les méthodes de leur bourreau contre leurs contradicteurs. C’est ainsi qu’à la main de l’étranger, ils lui substitueront les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication). La main de l’étranger se métamorphosera en la circonstance en révolutionnaires du clavier, ou encore en editocrates verbeux, rhétoriciens de laboratoire, oracles salonnards et toute une série de mimes auxquels le supplicié compromis voit en l’ennemi de son bourreau son propre ennemi. Devenu l’ennemi de la normalisation, entendre compromission. À éviter de peur que la pureté des militants de la compromission ne soit désorientée par des journaux en quête de sensationnel et par une presse à scandales. Lorsque l’on sort des schémas classiques de production de la parole et des discours contestataires pour une nouvelle perspective d’opposition, sitôt on est stigmatisé en tant que journaux à sensation et a scandale. Dans l’esprit étroit de la soumission, le cri de liberté résonne comme une diabolisation. Qu’il soit maudit. Ricanons. Ennemis à éviter absolument. Non pas cet ennemi que l’on désigne par main de l’étranger, car périmé à force d’usure, mais celui-là ! qui face à la crise de la représentation classique du politique a su transcender sa privation d’un espace public libre, dans lequel il aurait pu exprimer son désir de liberté et s’organiser, vers un espace virtuel qu’aucun monstre ni supplicié compromis ne puissent neutraliser. Dans les forums virtuels se structure la société en groupes de résistances. Sans chefs, sans leaders, sans patriarches qui puissent régner sur leurs groupes en despotes éclairés. Capitalisons…
Après la fissuration de l’édifice de l’islam politique radical, qui a laissé place sous la contrainte de la raison à son dernier avatar : l’islam politique dit «modéré», dans son expression commandée et manipulée, chargée du ridicule oxymore : la démocratie islamique, voila venu le temps de la fissuration du règne de l’ordre des patriarches. Les désaveux de l’islam politique à l’occasion des législatives de mai 2012 ne sont pas encore la revendication de la laïcité, mais un pas dans cette direction a déjà été désormais franchi. Il appartient aux élites modernistes, qui se revendiquent d’une véritable démocratie sans adjectifs d’en assurer le relais. Finissons avec les autres mensonges, moteurs de la véritable inertie et de l’ankylose, en des formules sournoises. Tantôt la régression féconde. Tantôt les équipements anthropologiques, qui sont les nôtres, et le comble ! spécifiques. Et pour couronner le tout, nous dit-on ! les fondements de notre État commencent avec la cristallisation de l’islam politique au tournant du règne des Hammadites. Que deviendra le métissage ? le transculturel ? l’universel ? l’Algérie de demain ? Sans économie, puis sans accès a l’universel ! où va l’Algérie ? disait l’homme à la rafale dans le dos. Alors ! boycottons, frondons, bloguons et capitalisons la résistance pacifique, loin de la servitude et la compromission.
Youcef Benzatat
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