Arabie Saoudite: le prince héritier Nayef est décédé
Le prince héritier d'Arabie saoudite Nayef Ben Abdel Aziz, décédé samedi à l'âge de 79 ans, était un homme à poigne qui a dirigé pendant près de quatre décennies le puissant ministère de l'Intérieur et supervisé la lutte contre Al-Qaïda.
Demi-frère du roi Abdallah, 88 ans, il avait été nommé il y a juste huit mois, en octobre 2011, prince héritier en plus de son poste à l'Intérieur qu'il occupe depuis 37 ans, malgré ses ennuis de santé. Selon des spécialistes du royaume, il avait souffert d'un cancer.
Aux dernières nouvelles, il se trouvait à l'étranger pour de nouveaux soins médicaux et des médias l'avaient montré il y a quelques jours recevant des proches à Genève. Avec sa disparition, son frère, le prince Salmane ben Abdel Aziz, ministre de la Défense, apparaît comme celui qui pourrait lui succéder.
Sa nomination comme prince héritier après le décès de son frère, le prince Sultan, âgé de plus de 80 ans, illustre le vieillissement de la dynastie saoudienne à la tête du royaume, un acteur-clé dans la politique au Moyen-Orient et premier exportateur mondial de pétrole.
Personnage austère, le prince Nayef était considéré comme plus conservateur que le roi Abdallah, un prudent réformateur. Ministre de l'Intérieur depuis 1975, il s'était imposé comme le rempart de la dynastie des Al-Saoud. Il avait sévi contre Al-Qaïda qui a mené des attentats sanglants dans le royaume de 2003 à 2006, obligeant ses chefs et membres à s'enfuir au Yémen et démantelant les associations caritatives qui collectaient les dons pour le réseau.
Son fils, Mohammad, a été chargé d'un programme de réhabilitation d'extrémistes revenus de Guantanamo et a failli être assassiné par un kamikaze venu du Yémen en 2009. Il avait aussi sévi contre toute forme d'opposition dont celle des militants progressistes. Ces derniers mois, ses services avaient veillé à ce qu'aucune manifestation n'ait lieu dans le pays et il avait publiquement remercié en 2011 les Saoudiens de ne pas avoir suivi les appels dans ce sens lancés par des militants locaux.
Le prince Nayef était en outre connu pour entretenir de bonnes relations avec les milieux religieux tenants de l'orthodoxie et généralement opposés à une évolution du royaume ultra-conservateur. Il avait un jour déclaré ne pas voir l'intérêt d'élections au Conseil consultatif, dont les 150 membres sont nommés, ni de la présence de femmes dans cette instance. Il avait même défendu les hommes de la police religieuse souvent accusés de brutalité et d'abus.
Tenant d'une ligne dure à l'égard de l'Iran, il avait néanmoins de solides relations dans le monde arabe. Il avait, selon des diplomates, joué un rôle dans la décision du royaume d'accueillir le président tunisien déchu Zine El Abidine Ben Ali et d'envoyer des troupes à Bahreïn pour aider à la répression de la contestation animée par des chiites.
Né à Taëf en 1933, il avait été nommé gouverneur de Ryad à seulement 20 ans, avant de devenir vice-ministre de l'Intérieur en 1970 puis ministre de l'Intérieur. Faisant partie du "clan des Soudairi", les fils de l'une des épouses favorites du roi Abdel Aziz, fondateur du royaume, Hassa al-Soudairi, il avait notamment comme frères le roi Fahd, décédé en 2005, le prince héritier Sultan décédé, et le prince Salman, gouverneur de Ryad.
Succession difficile
En moins d'un an, les disparitions successives de deux princes héritiers, Sultan et Nayef, sont le prélude à une nouvelle redistribution des cartes. Dans l'immédiat, il est probable que cette dynastie prompte à se retrouver en dépit de ses différends pour préserver l'essentiel saura se regrouper derrière le roi et le prince Salman. Longtemps responsable du conseil de famille et gouverneur de Riyad, ce dernier a succédé après sa mort à Sultan au stratégique ministère de la défense. En bonne logique, cette dernière promotion qui s'est faite aux dépens des fils de Sultan, dont Khaled bin Sultan, pourrait lui permettre d'accéder au poste de vice-premier ministre, c'est à dire de prince héritier, écrit Giles Paris dans Le Monde.
Il ajoute qu'à terme, l'affaiblissement du clan des Soudeyri, dont Salman est le dernier membre éminent, va cependant raviver les ambitions des autres branches de la famille, à commencer peut-être par les fils de Fayçal, le deuxième successeur de Abdel-Aziz, qu'il s'agisse de Khaled, gouverneur de Djeddah, voire Turki, ancien chef des services de renseignements, ou Saoud, le ministre des affaires étrangères saoudien souvent handicapé par sa santé. Ces derniers avaient pu par le passé se rapprocher du roi Abdallah, dépourvu de frères influents, pour compenser le poids des Soudeyri.
AFP/Lemonde
Commentaires (0) | Réagir ?