Syrie: la Russie inflexible et nouveaux bombardements sur le terrain
Les forces gouvernementales ont bombardé plusieurs villes de Syrie samedi, poussant l'opposition à réclamer à la communauté internationale des armes sophistiquées pour faire tomber le régime même si la Russie s'est à nouveau opposée à tout recours à la force.
Face à un régime déterminé à écraser la révolte lancée il y a près de 15 mois, le Conseil national syrien (CNS), la principale coalition d'opposition, s'apprête à désigner un nouveau président, chargé de rendre efficace cette instance profondément divisée. Au total, les violences ont fait 29 morts à travers le pays, essentiellement des civils, au lendemain d'une autre journée sanglante avec 68 victimes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
"Pour la première fois depuis le début de la crise, la question d'une intervention militaire se pose de manière aiguë et émotionnelle", a estimé le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, en ajoutant immédiatement que la Russie, alliée de Damas, s'y opposerait. "Cela entraînerait des conséquences gravissimes pour toute la région du Proche-Orient", a-t-il insisté, tout en estimant que même si le plan de l'émissaire international Kofi Annan commençait "à s'enliser", il n'y avait "pas d'alternative".
Avant l'aube, au moins 17 personnes, dont neuf femmes et trois enfants, ont été tuées dans des bombardements de l'armée à Deraa (sud), selon l'OSDH, qui y a vu une possible riposte aux "assauts lancés généralement le soir contre des barrages de l'armée". Ce bombardement meurtrier a provoqué la colère de centaines de réfugiés qui ont manifesté à Ramtha, ville jordanienne située tout près de Deraa. A Homs (centre), un autre bastion de la révolte, l'armée a violemment bombardé deux quartiers de la ville déjà dévastée par des mois de violences, tuant six civils, selon l'OSDH.
Dans la province côtière de Lattaquié (ouest), les forces du régime ont poursuivi le pilonnage de la région d'Al-Heffa, qu'elles tentent de reprendre depuis quatre jours après y avoir perdu près d'une cinquantaine de membres. Deux civils ont été tués, s'ajoutant aux 18 combattants et 14 civils morts depuis mardi dans cette région, selon l'OSDH. Avec les violences de ces derniers jours à Heffa "le littoral n'est plus une zone sûre et tout le pays est désormais impliqué dans la contestation", a souligné le président de l'OSD, Rami Abdel Rahmane.
Des armes
Au total, plus de 13.400 personnes, en grande majorité des civils, sont morts en près de 15 mois de révolte, selon l'OSDH. Et selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), cinq journalistes syriens ont été tués fin mai par les troupes régulières. Malgré les appels à cesser les hostilités et les condamnations internationales de la violence, en particulier après le dernier massacre à Al-Koubeir, les forces du régime ont continué leurs opérations pour étouffer la contestation et les combats entre soldats et rebelles se sont intensifiés.
Mercredi, 55 personnes dont des femmes et des enfants ont été tuées à Al-Koubeir, un hameau de la province de Hama (centre), selon l'OSDH. L'opposition a accusé les milices pro-régime, tandis que le régime a fait état de seulement 9 personnes tuées par des "groupes terroristes", appellation officielle pour désigner rebelles et opposants. Parvenus sur place vendredi, les observateurs de l'ONU ont vu des traces de véhicules blindés et des maisons fortement endommagées par des tirs de roquettes, selon le porte-parole de l'ONU, Martin Nesirky.
"Dans certaines maisons, du sang était visible sur les murs et le sol. Il y avait encore le feu à l'extérieur de certains bâtiments et dans l'air flottait une forte odeur de chair brûlée", a-t-il ajouté, tout en soulignant que les circonstances de l'attaque et le nombre de victimes restaient à déterminer.
Mais entre-temps, la rébellion armée veut se donner les moyens de combattre le régime: "Ceux qui prétendent aider l'opposition syrienne devraient commencer par soutenir les gens à l'intérieur de la Syrie", a déclaré Hussein Sayyed, président du Conseil suprême du commandement de la révolution, une composante de l'opposition. "Nous demandons seulement (à la communauté internationale) de nous fournir des armes plus sophistiquées, mais personne ne veut le faire", a regretté Louay Sakka, un porte-parole du Syrian Support Group, une organisation de soutien à l'Armée syrienne libre (ASL, composée en majorité de déserteurs).
A Istanbul, les instances dirigeantes du CNS, qui rassemble islamistes, libéraux, nationalistes, indépendants et militants sur le terrain, se réunissent samedi et dimanche pour choisir leur prochain chef après la démission de Burhan Ghalioun. Un "consensus" devrait émerger pour désigner pour trois mois Abdel Basset Sayda, un Kurde indépendant peu connu qui devra surtout faire du CNS un interlocuteur crédible aux yeux de la communauté internationale.
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