Champ politique algérien : la faillite partisane

Les élections sont l'aboutissement d'un fonctionnement interne des partis.
Les élections sont l'aboutissement d'un fonctionnement interne des partis.

Dans les pays qui se respectent, les partis politiques existent pour prendre le pouvoir. C’est l’essence même de leur existence.

Pour cette raison, ils effectuent un travail d’arrache-pied, sont toujours à l’avant-garde des aspirations de la population, vulgarisent leur programme, diffusent leurs idées et communiquent continuellement avec la société. Ils sont crédibles parce qu’ils sont respectueux des règles élémentaires de la démocratie. 

Ainsi, leurs dirigeants sont élus démocratiquement. Leurs assises se caractérisent par des débats houleux mais très constructifs. Ils sont aussi traversés par plusieurs courant d’idées contradictoires, toutefois enrichissantes. Ils s’acharnent à développer leur  programme qu’ils projettent mettre en œuvre une fois investis par la confiance populaire.

La conviction profondément politique, la croyance en les principes du parti cimentent la relation entre le militant et sa formation politique. Elles constituent encore le contrat moral, unique et infaillible par lequel le militant demeure fidèle à son parti. Le militant est en contrepartie respecté, écouté, formé et considéré. Il peut, en fait postuler à tous les postes de responsabilité et à l’intérieur du parti et aux institutions de l’Etat. Suivant sa cadence militante et son engagement politique, il peut émerger sans qu’il soit ami ou chouchou de X ou Y ténors du parti.

Malheureusement en Algérie, la pratique politique et le cadre où elle s’exerce ont été pervertis. La politique désintéresse une grande partie de la population et les partis politiques se discréditent davantage. Le militantisme devient occasionnel, dire nul. Alors les opportunistes de tout bord, s’emparent de la scène et affectent durement les fondements de l’œuvre politique. Ils nuisent en conséquence par des pratique honteuses à l’image des formations politiques qu’ils s’intègrent. Ils s’appuient sur l’allégeance et la cooptation. Ils instaurent le favoritisme et avantagent le clanisme. Ils imposent et ne proposent jamais. Ils n’admettent pas le débat d’idées, contradictoire et constructif. Ils ne veulent pas que de simples militants brillent et émergent par la force de la proposition et la rénovation des idées. Ils sont sans scrupule ni éthique. Ils n’ont ni les convictions ni les principes. Au fait, ils changent les partis comme ils changent les chemises. 

La pratique démocratique dans la gestion du parti est nulle. En effet, les débats des assises sont fermés donnant lieu à des résolutions faibles et sans impact politique. Les choix des instances dirigeantes s’effectuent suivant l’allégeance aux puissants du parti. Le premier responsable du parti accède à son poste sans élection par l’urne entre plusieurs candidats. Elle s’effectue soit par la lecture d’une motion de soutien, soit par cooptation pour une personne préalablement choisie. Sans militantisme permanent, il est aberrant de croire développer un quelconque programme.

Le militantisme c’est le terrain où l’on rencontre les difficultés quotidiennes vécues  par la société auxquelles on apporte des actions réfléchies, consignées dans un programme politique. Donc, c’est le militantisme actif et permanent qui fait  le programme du parti. 

Voilà donc un climat politique malsain qui ne peut pas donné naissance à des partis politiques puissants et véritablement démocratiques. Ce climat les fragilise et les disloque par des crises permanentes. Et aujourd’hui, pratiquement tous les partis de la « scène politique » algérienne sont en crise. Qu’ils soient les appendices du pouvoir ou les lièvres de l’opposition, les membres de leurs instances dirigeantes, s’entredéchirent et se livrent à des guerres de leadership parce qu’ils sont, sans une vraie base militante. Ils ne sont que des appareils semblables à coquilles vides. La base militante même minime n’est pas respectée, les statuts et les règlements intérieurs sont violés et l’éthique politique est bafouée. Tout cela est dû au pouvoir de l’argent qu’on injecte sans modération dans la politique.

Auparavant, au début du multipartisme dans les années 1990, le militant convaincu dépensait de son propre argent. C’était la politique des idées et non pas celle des sous. L’espoir était alors permis, et tout militant croyait et défendait les idées et les principes de son parti. La scène politique s’animait et des débats de haut niveau s’engageaient. De nouveaux hommes politiques sortaient de l’anonymat et égayaient les émissions de la télévision. Malheureusement, un courant islamiste avait sombré dans le fanatisme en décrétant que la démocratie est impie. Par cette conception rétrograde, ces islamistes enclenchaient la politique violente, celle de la haine, de l’exclusion et enfin du meurtre. En effet, des militants démocrates livraient des combats acharnés, parfois corps à corps pour résister à ces fanatiques qui ne respectaient guerre l’avis de l’autre ou le droit à la différence. Des femmes avaient aussi défié ces défenseurs de la loi divine, car, malgré les menaces de mort, elles n’ont jamais porté le viol synonyme de soumission.

C’était prévisible au vu de la loi sur les associations à caractères politiques promulguée par un pouvoir qui devait être pourchassé définitivement lors des événements d’octobre 88. Appeler un parti politique qui, demain pourrait diriger le pays avec le diminutif d’association à caractère politique était une vision étroite et une légèreté politique. On  se retrouvait avec un groupe de 15 personnes bricolant un programme à la hâte et sans assises, postulé au quitus du ministère de l’intérieur. Ce dernier délivrait les agréments en vrac. Ainsi, des intégristes, des fascistes, des racistes des régionalistes, des affairistes, avaient été autorisés légalement à infester le champ politique. Or, il aurait fallu fixer les règles des jeux en concertation avec les forces politique de l’époque en interdisant notamment l’utilisation de la religion, de la langue et de la révolution de 1954 à fins politiques et partisanes. C’est le commun des Algériens dont nul ne devait avoir ni le monopole ni l’exclusivité. La mosquée est fréquentée par des Algériens de toutes les sensibilités, ceux de gauche, ceux droite et ceux des extrêmes. La  faute incombait non seulement au pouvoir mais autres forces politiques qui s’étaient laisser faire. En principe, tout un chacun pouvait prêcher ou discourir dans cet édifice de culte que tout un chacun à financer. Les langues sont communes à des algériens que la politique sépare. En aucun cas un algérien ne devait faire l’objet de discrimination politique pace qu’il parle une langue et non pas une autre. La révolution pour l’indépendance est chère à toute l’Algérie. Il ne peut pas y avoir une famille algérienne quelles que soient les convictions politiques qui l’animent, sans qu’elle compte un martyr ou un combattant. Alors, permettre à une groupe d’utiliser les symboles et les acquis de cette révolution, était une grave erreur ayant engendré une ségrégation sociale et un conflit de générations.

Après c’était l’avènement du terrorisme. Une période triste et accablante en pertes humaines. Cependant, l’action militante n’a pas été vraiment affectée. L’engouement populaire pour la présidentielle de 1995 en était la preuve. Malheureusement cet élan avait été nettement stoppé par la création d’un appendice relié à l’administration, qui par la suite gagna en 1997 et les législatives et les locales par évidemment, le billet de la fraude du siècle. Et c’était le point de départ de l’opportunisme politique. Car, le RND, s’ouvrait immédiatement à toute sorte d’aventurier, d’apprentie et d’inapte politiques. Des personnes sans formation ni engagement politiques se retrouvaient du jour au lendemain à l’assemblée nationale. Heureusement que le décor fut sauvé par la présence de militants, figures de proue dans la lutte démocratique en Algérie.

Arrive la période de la non-politique avec l’avènement de celui qui ne veut pas être un trois quatre du président. En s’entêtant à chercher le pouvoir absolu, il se pervertie l’esprit en réduisant la pratique politique à la soumission et l’allégation. Il injecte de l’agent à gogo pour faire des partis politiques de simples comités de soutien qui appliquent l’action présidentielle. Cette action qu’on appelle programme demeure pourtant imprécise et non définie. Les partis, qu’ils soient affilés aux pouvoir, microscopiques, islamistes ou démocrates accourent pour commercialiser les délégations dont la rémunération d’un membre d’une commission communale des élections est de 30 000 DA. L’activité est lucrative, à vos marques alors ! Les partis pèsent pour l’argent qu’ils engendrent, ils deviennent des registres de commerce. Et c’est le terme "chkara" qui apparait. La politique de la conviction et du militantisme et remise aux calendres grecques. Par conséquent, la gouvernance qu’elle soit locale, wilayale ou nationale ne peut être que catastrophique, médiocre et sans impact. C’est l’incompétence caractérisée, la vision étroite et l’improvisation tous azimuts, qui gèrent un pays riche avec un peuple pauvre. L’émeute s’installe partout dans le pays.

Viennent ensuite les émeutes de janvier de l’année précédente. Le pouvoir annonce tardivement des réformes que lui-même va piloter. Un simulacre de dialogue est engagé, mené par A. Bensalah, un spécialiste en la matière parce qu’ayant conduit un dialogue similaire en 1994. Cette fois les rounds avec les partis ont aboutis à l’amendement des lois organiques sur les partis et les élections. Mais c’est le pouvoir qui se charge de la mouture des textes. Et c’est fait, le pouvoir pond une loi sur les élections avec  le fameux 5%  éliminatoire ayant mené à la mascarade législative du 10 mai passé. Une loi sur les partis politiques qui suppose qu’une formation politique en Algérie ne peut prétendre prendre le pouvoir et gouverner suivant son propre programme. Sa vocation est de demeurer dans la périphérie des cercles de décision ou de se confiner dans l’opposition de façade.

Il s’avère finalement que l’œuvre politique demeure faible tant que  ces conditions défavorables sont maintenues. Alors la libération du champ politique est une nécessitée vitale pour l’émergence de partis politiques forts et puissants. Celte libération doit être arrachée du pouvoir par un travail acharné de réhabilitation du militantisme de base pour vulgariser la pratique politique et amener la majorité de la population notamment les jeunes à s’y intéresser. Il faut alors, favoriser l’apparition d’un nouvel personnel politique, encadré toutefois par de grands militants en démocratie, demeurés longuement sans formations politiques après avoir quittés les leurs pour causes de gestion autoritaire. C'est-à-dire faire la politique autrement avec de nouvelles idées et de nouveaux paradigmes de gestion. Une structuration sereine de la base au sommet fondée sur la transparence partisane ou la plus petite structure est élue démocratiquement. L’ordre de miroité, la compétence et l’engagement doivent constituer les seuls critères pour postuler à des tâches organiques au sein parti. La prétention et l’ambition démesurée doivent être bannies à jamais.

La cooptation ou l’imposition  de personnes doivent être interdites. Le choix des instances et des responsables du parti doit se faire par l’élection à bulletins secrets. Les décisions de grande importance, impliquant le parti ou la nation ne peuvent être prise qu’après avoir largement associé la base pour les débattre. Les militants doivent occuper le terrain avec des actions ininterrompues. Suivant les cas, quant leur parti est au pouvoir, ils doivent intensifier les contacts avec la société pour vulgariser et mieux expliciter leur programme. Quant la parti est dans l’opposition, les militants contrôlent, suivent et surveillent les actions du parti pour mettre à nu tout manquement ou faille de gestion.

Car un parti politique ne peut être fort et puissant que quand il exerce le pouvoir (l’essence même de son existence) épié par une opposition aussi forte et puissante.

Zoubir Zerarga

Plus d'articles de : Politique

Commentaires (5) | Réagir ?

avatar
mstfa yazid

Je crois que l'auteur de cet article avait tout à gagner en procédant à la lecture du livre de Maurice Duverger : les partis politiques.

Il aurait pu s'épargner certains amalgames dans sa description de la réalité partisane en Algerie et aurait pu aller directement à l'essentiel : la problématique partisane dans ce pays.

Grosso modo, Duverger distingue deux types de partis politiques:

-les partis de notables

-les partis de militants

L'auteur de cet article en parle en termes confus :

-il fait un constat catastrophique de la quasi totalité des partis politiques algériens qui seraient, selon sa description des partis de notables issus de l'armée ou de l'administration

-d'un autre côté, et dans des termes trés idealistes, il regrette l'absence de partis militants dont il esquisse la silhouette par de nombreux details.

Entre sa colère et son regret, l'auteur de l'article ne se consacre pas à l'essentiel : pourquoi l'eclosion d'une pléthore de partis politiques inféodés à des individualités (notables) influentes dans l'état et non celle de partis militants dont le FLN, à l'époque était l'exemple le plus parfait ?

L'auteur ne se consacre pas aux raisons véritables de l'"equarissage" politique decidé par le régime ; equarissage qui a permis l'eclosion d'une ribambelle de partis "administratifs" qui se sont révélés n'être que des godillots que le regime utilise, specialement quand les pics de stress economique, politique et culturel atteignent des hauteurs que la violence et la repression ne peuvent calmer.

L'article a le mérite d'avoir procédé à un classement des partis politiques en Algerie mais il avait tout à gagner s'il s'est plus préoccupé du jeu des militaires dans la politique et des réactions que cette intrusion militaire suscité dans la société notamment le desinteret profond de la population pour la politique et la bonne santé de partis d'opposition dont les assises sont soit ethniques et culturelles...... soit carrement régionales ou même confessionnelles.

avatar
Abdellaziz DJEFFAL

C'est tristement vrai. Une description de l'activité partisane qui a contribué, avec les manipulations politiques du Pouvoir, à l'atomisation de la société. Aujourd'hui, les partis politiques ont atteint leurs limites au même titre que le Pouvoir en place depuis 1962. Sur les colonnes du Matin du 11. 04. 2001, de son édition n°2775, je disais dans un article intitulé " les partis politiques en Algérie " qu'en l'absence d'un consensus autour des principes démocratiques il n'est pas possible de réussir la modernisation à laquelle aspirent les Algériens. Dès cette époque, il y a de cela maintenant 11 années, il était prévisible que l'on aboutirait à un bipartisme de façade (RND-FLN) par le jeu d'aliance que je qualifiais de naturelle entre les conservatismes islamonationalistes.

visualisation: 2 / 4