Azawad : le BP du MNLA rejette la fusion avec les islamistes d'Ansar Dine
Les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) ont finalement renoncé vendredi à leur fusion très controversée avec les islamistes d'Ansar Dine dans le nord du Mali, en raison de désaccords sur l'application de la charia, la loi islamique.
"Le Bureau politique du MNLA, devant l'intransigeance d'Ansar Dine sur l'application de la charia dans l'Azawad, et pour être fidèle à sa ligne de conduite résolument laïque, dénonce l'Accord en date du 26 mai 2012 avec cette organisation et en déclare nulles et non avenues toutes dispositions y afférent", indique le court texte daté de Gao (nord du Mali), signé par Hamma Ag Mahmoud, membre du Bureau politique du MNLA, et transmis à l'AFP à Paris.
Le MNLA, sécessionniste et laïc, et Ansar Dine, prônant la charia dans tout le Mali et allié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), adepte du jihad (guerre sainte), avaient surpris en signant un "protocole d'accord" sur leur fusion au sein d'un "Conseil transitoire de l'Etat islamique de l'Azawad", dans une région naturelle s'étendant du nord-est au nord-ouest du Mali. Cette entente avait été rejetée par le gouvernement malien, l'Afrique de l'Ouest ou encore l'Union africaine (UA), alors que l'immense Nord malien échappe au pouvoir central depuis deux mois et se trouve chaque jour davantage sous la loi des combattants du MNLA, d'Ansar Dine et d'Aqmi.
Joint vendredi par l'AFP à Tombouctou (nord-ouest du Mali), un proche d'Iyad Ag Ghaly, le chef d'Ansar Dine, a confirmé l'impasse, mais sans exclure des retrouvailles. "Depuis jeudi, nous avons dit au MNLA que les discussions pour nous sont terminées. Il n'est pas question de revenir en arrière" sur la charia, a affirmé ce proche, Walil Ag Chérif, contacté depuis Bamako. "Si le MNLA le veut, il vient (avec Ansar Dine), s'il ne veut pas, c'est bon", a-t-il ajouté, soulignant que tous les responsables du MNLA, ceux du Mali ou basés en Mauritanie ou en France, "ne disent pas la même chose".
L'extérieur contre l'intérieur
Pour un observateur mauritanien qui connaît bien le dossier, la décision du bureau politique de la rébellion touareg reflète en effet surtout la position "des gens du MNLA qui sont à l'extérieur, pas (de) ceux qui sont sur place et qui sont suivis par la majorité". Selon lui, cette annonce "ne peut signifier qu'une scission du MNLA après les protestations de la communauté internationale".
Porte-parole du MNLA basé à Paris, Mossa Ag Attaher a expliqué à l'AFP que son mouvement avait "accepté le mot d'"Etat islamique", mais il devait être écrit que nous pratiquons un islam modéré et tolérant, et la charia ne devait être mentionnée nulle part". "Nous ne sommes pas prêts à nous retrouver enfermés dans la charia du jour au lendemain", a-t-il insisté, alors que ces divergences avaient très vite surgi après la signature de l'accord. Aucun responsable du MNLA n'avait pu être joint vendredi dans le nord du Mali, où est installé le "comité exécutif du mouvement".
L'annonce de la fusion du MNLA avec Ansar Dine avait fortement divisé la communauté touareg dans l'Azawad et la rébellion touareg elle-même. Dans une intervention sur RFI, Hama Ag Mahmoud, un des membres fondateurs du Mouvement de l'Azawad, a déclaté : "A l'origine, cet accord avait été destiné à ramener à la raison un peu Iyad [Ag Ghaly et Ansar Adine]. Il n'était absolument pas question de nous faire perdre notre âme en nous liant avec lui. C'était une stratégie momentanée. Mais à notre grand étonnement, Iyad [Ag Ghaly] a poussé les enchères." Il poursuit : "Aujourd'hui, nous sommes au regret de dire que nous rejetons totalement cet accord. Ansar Adine veut appliquer la Sharia et nous nous sommes un mouvement laïc. Il n'a jamais été question de mouvement intégriste".
"Cette rupture peut en effet coûter cher au MNLA. Tout le monde parle de lutte contre l'Al Qaeda au Maghreb Islamique, contre les islamistes. Mais nous mettons au défi tous ces pays-là d'aller de la parole aux actes. Nous sommes les seuls à pouvoir combattre les islamistes dans cette région. Nous savons le faire mais personne ne répond à notre appel. Demain si nous sommes éliminés, je n'aimerais pas voir cela après [à la place de la communauté internationale]."
A partir de Nouakchott, Nina Wallet Intalou, une des figures de proue de la direction du MNLA en appelle dans une tribune publiée par toumaspress, au soutien international contre Ansar Dine et ses mentors : "Bien avant le déclenchement des hostilités dans l'Azawad, nous avons alerté la communauté internationale sur le risque qu'était et que sera le terrorisme dans l'Azawad. A côté de ce risque, nul ne pouvait ignorer celui de l'islamisme. Un peu plus de six mois plus tard, le MNLA et l'Azawad sont abandonnés de tous, et le constant est sans appel dans l'Azawad.
Lorsque le monde libre et démocratique s'acharnait sur le MNLA, l'organisation islamiste Ansar Adine recevait dans l'ombre le soutien total de ces mentors obscurantistes. Lorsque le monde libre et démocratique donnait à peine une oreille quelque peu attentive au MNLA, aux moins deux pays renforçaient Ansar Adine financièrement, techniquement et médiatiquement. Lorsque le monde libre et démocratique prend distance avec le MNLA et l'Azawad en général, de nombreux pays et organisations obscurantistes se rapprochent d'Ansar Adine pour l'aide à renforcer et accomplir ses objectifs.
Les nations éprises de paix, de stabilité, et d'entente entre les peuples ont failli à leur devoir. Ce devoir n'est autre que celui de l'assistance. Assistance à une organisation populaire aux idéaux nobles et légitimes et dont la justesse sera à terme salutaire au moins pour la stabilité des régions nord et ouest Africaine. Assistance aussi au MNLA épris de paix, justice et d'égalité qui est en train de mettre fin à une longue injustice. Assistance enfin au MNLA dont le seul combat est de permettre la sauvegarde de vies et de cultures menacé par l'actuel géopolitique mondiale."
La communauté internationale observe
Pendant ce temps, l'UA s'impatiente face à une crise qui menace de déstabiliser toute la zone. Le chef de l'Etat béninois et président en exercice de l'UA, Thomas Boni Yayi, a plaidé mercredi pour une saisine du Conseil de sécurité de l'ONU en vue de la création d'une force militaire africaine d'intervention au Mali. "Le dialogue ne doit pas trop durer", a-t-il averti.
"Nous avons exprimé notre disponibilité pour trouver un partenariat avec la communauté internationale" face au "terrorisme islamique", mais "on ne peut pas nous demander de renoncer" à l'indépendance de l'Azawad, a répliqué le porte-parole du MNLA Mossa Ag Attaher.
Sofiane A/AFP
Commentaires (3) | Réagir ?
Qu'attendent nos specialistes des coups fourés pour faire avorter dans l'oeuf ce projet d'état islamique terroriste de surcroit à nos frontières. Plus vite ce virus éliminé et mieux cela vaudra pour l'Algerie
Une union contre-nature n'a d’avenir que si l’un des deux partenaires se soumet et se fond totalement dans l’autre. Autrement, c’est la rupture et la «guerre» pour soumettre l’autre par d’autres moyens…