Egypte : le QG de campagne d'Ahmed Chafiq incendié
En plein entre-deux-tours de l'élection présidentielle, des heurts ont également opposé place Tahrir les partisans de Ahmad Chafiq à ceux de Mohammed Morsi.
Le QG de campagne d'Ahmad Chafiq, dernier Premier ministre de Hosni Moubarak, a été attaqué lundi 28 mai au Caire, quelques heures après la confirmation officielle qu'il affronterait au second tour de l'élection présidentielle le candidat des Frères musulmans Mohammed Morsi. Un garage attenant au bâtiment, où étaient entreposés des affiches et des prospectus du candidat, a été incendié, d'après des membres de l'équipe de campagne de Chafiq et des témoins. Le feu a rapidement été maîtrisé, selon les pompiers présents sur place.
Devant la villa du quartier de Dokki où le candidat a installé son QG, des milliers de prospectus jonchaient le sol et quelques dizaines de ses partisans scandaient "Par notre âme et notre sang, nous nous sacrifierons pour toi, Chafiq". Selon une source policière, huit personnes ont été arrêtées à proximité.
Les partisans de Ahmad Chafiq ont accusé des adversaires politiques du candidat, notamment les Frères musulmans et des mouvements de jeunes pro-démocratie. Des heurts ont brièvement opposé dans la soirée un millier de manifestants anti-Chafiq - dont des partisans d'un candidat de gauche vaincu au premier tour - et des individus en civil sur la place Tahrir, site emblématique de la révolte contre Hosni Moubarak début 2011, et des prospectus pris dans le QG de Ahmad Chafiq jonchaient le sol sur la place.
Farouq Soltane, le président de la commission électorale, avait annoncé officiellement dans l'après-midi que le second tour, les 16 et 17 juin, opposerait Morsi et Chafiq, confirmant les résultats préliminaires du premier tour de la semaine dernière donnés par la confrérie islamiste et dans la presse. Mohammed Morsi a obtenu 24,7% des voix et Ahmad Chafiq 23,6%.
Ce duel s'annonce tendu en raison des projets diamétralement opposés de deux hommes, un islamiste conservateur et un symbole de l'ancien régime issu de l'appareil militaire.
Le nationaliste arabe Hamdeen Sabbahi est arrivé en troisième position, avec 20,7% des suffrages. Viennent ensuite l'islamiste modéré Abdel Moneim Aboul Foutouh et l'ex-ministre des Affaires étrangères Amr Moussa. La participation au premier tour de ce scrutin historique, le premier depuis que Hosni Moubarak a été renversé sous la pression d'un soulèvement populaire en février 2011, a atteint 46%. Près de 51 millions d'électeurs étaient appelés à départager 12 candidats.
Farouq Soltane a indiqué que toutes les plaintes pour irrégularités durant le scrutin avaient été rejetées, en ajoutant que celles qui avaient été relevées n'avaient "pas d'impact sur le résultat général".
La Bourse du Caire a chuté de 3,5% dimanche en raison des tensions et des incertitudes politiques engendrées par ce duel. Elle a de nouveau perdu 1,8% lundi en clôture, peu avant l'annonce des résultats officiels. Mohammed Morsi a bénéficié du soutien du puissant réseau militant de la confrérie, qui vaut aux Frères musulmans de détenir déjà près de la moitié des sièges de députés dans le plus peuplé des pays arabes.
Ahmad Chafiq, ancien chef d'état-major de l'armée de l'air, est accusé par ses adversaires d'être l'homme des militaires qui dirigent le pays depuis la chute de Hosni Moubarak. Il a fait campagne sur le thème du retour à la stabilité, cher à de nombreux Egyptiens après 15 mois d'une transition tumultueuse et émaillée de violences meurtrières.
Les deux finalistes ont très vite tenté de rassembler les soutiens, en appelant leurs rivaux malheureux à se rallier à eux et en multipliant ces derniers jours les promesses de préserver les acquis de la "révolution". Ils ont aussi assuré qu'ils gouverneraient au nom de tous les Egyptiens, dans l'espoir d'élargir leur base électorale, notamment auprès des jeunes.
Déception des militants pro-démocratie
Le duel a provoqué le désarroi des militants pro-démocratie laïques, réduits à envisager de voter islamiste pour éviter un retour du régime honni contre lequel ils s'étaient mobilisés. Moussa et Abdel Moneim Aboul Foutouh ont refusé lundi de donner de consigne de vote. Aboul Foutouh a néanmoins catégoriquement rejeté l'hypothèse de voter pour Ahmad Chafiq, brocardé comme un "fouloul" ("revenant" de l'ancien régime).
La justice égyptienne doit par ailleurs se prononcer le 11 juin sur une loi interdisant aux piliers de l'ère Moubarak de se présenter aux élections, a rapporté le journal al-Akhbar, ce qui pourrait avoir des conséquences pour Ahmad Chafiq.
Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) du maréchal Hussein Tantaoui a promis de rendre le pouvoir aux civils avant la fin juin, une fois le nouveau président élu. Les pouvoirs du prochain chef de l'Etat, qui sera élu pour quatre ans, sont toutefois encore imprécis. Le pays ne dispose pas encore d'une nouvelle Constitution pour remplacer celle en vigueur sous Hosni Moubarak, suspendue après sa démission.
Commentaires (1) | Réagir ?
Ils ont voulu quelque chose.
Ils ont tout fait pour l'avoir.
Et ont fini par avoir quelque chose qu'ils n'ont pas voulu.
L'histoire est une vaste comédie... plus précisément une tragi-comédie puisque l'issue, quoi qu'on en dise est toujours imprévue... imprévisible... que dis-je... risible.
Ils ont fait la Révolution... et les voilà obligés de la refaire.
En Tunisie comme en Égypte, ils n'ont pas encore réussi à remettre les pendules à l'heure.
Ils ont défoncé les portes du passé, sans réussir à s'ouvrir les portes de l'avenir.
Ils sont venus à bout du pire des mondes possibles sans faire jaillir un monde meilleur...
Ce qui est fait n'a pas l'air de les satisfaire. On dirait que tout est à refaire... remettre de nouveau les couverts... parce que les peuples restent toujours à découvert... à découvrir... à nourrir et ne pas les laisser mourir. Parce que les écritures en politique, ne sont jamais accomplies... mais toujours à accomplir.
Sisyphe... vas-tu encore continuer à remuer le couteau dans la plaie, de nous rappeler que pour en finir... il faut toujours recommencer.
De saigner et de faire saigner ?
De nous faire chanter... puis de nous désenchanter?
Tragique... L'essence de la tragédie : parce qu'ils n'ont rien fait d'autre, que remplacer un mal par un autre..
Funeste substitution... on est passé de ce qu'on redoute au doute et du doute à la déroute.
C'était écrit, mais personne ne l'a lu : la révolution doit être permanente. On n'a jamais fini de la faire...
Non, ce n'est pas un rocher que Sisyphe faisait rouer mais l'astre des astres : le soleil qui réchauffe les cœurs et brûle les esprits... midi c'est aussi minuit.
http://www. lejournaldepersonne. com/2012/05/le-rite-de-sisyphe/