Merzak Allouache : "Je ne fais pas de films pour les autorités algériennes"

Merzak Allouache et l'équipe du film "Le Repenti"
Merzak Allouache et l'équipe du film "Le Repenti"

Le Repenti de Merzak Allouache relance le débat autour de la loi de la concorde nationale qui a permis aux islamistes algériens, responsables de la décennie noire, de devenir des "repentis".

Le cinéaste algérien se fait l’écho du malaise social généré par cette mesure, notamment parmi les victimes et les familles de ces années de terrorisme. Rencontre cannoise. Le dernier long métrage du réalisateur algérien Merzak Allouache a été présenté ce samedi à la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes. La loi de la concorde civile a été mise en place en 1999 pour mettre fin à la violence de la décennie noire en Algérie. Amnistiés, les islamistes à l’origine de cette guerre civile, se voyaient accorder une deuxième chance au nom de la paix mais au détriment de leurs victimes. C’est ce que rappelle Le Repenti que l’on pourra voir à Paris, le 1er juin prochain, et à Marseille dans le cadre de la démarche de décentralisation de la Quinzaine des réalisateurs.

Le constat qui est à l’origine de votre film Le Repenti date de 1999. C’est un film qui vous taraudait ?

Quand on vit une longue période d’amnésie sur ce qui s’est passé, on finit par oublier. Moi aussi, j’étais dans autre chose mais j’avais depuis 1999 le squelette du scénario. Il m’est revenu au moment des révolutions arabes, à partir du moment où les pays autour de l’Algérie ont commencé à bouger. Pour se démarquer, même s’il n’y a pas d’étude qui le démontre, les Algériens se sont remis à parler du passé. C’était très nouveau d’autant que la population est très jeune. Octobre 1988 - ses grande émeutes, le moment où on est passé du parti unique au multipartisme - a refait surface comme une réponse, une façon de dire : "Nous, on a déjà fait notre révolution et on ne veut pas d’instabilité parce qu’on sait ce que c’est. On a eu une décennie noire". A cause de ce qui se passait ailleurs, ce problème a refait surface. J’ai trouvé que c’était le moment de faire ce film. D’autant qu’en Algérie, jusqu’à présent, des associations de victimes et des familles de disparus continuent d’organiser des manifestations. Ces gens ne sont bien évidemment pas pour la poursuite des violences. Moi-même, j’étais heureux quand il y a eu la concorde civile, parce que c’était l’arrêt des violences. Mais ça n’excluait pas le débat. Dans d’autres pays, quand il y a quelque chose de grave, on en parle parce qu’il y a des victimes, leurs familles, des gens qui sont certainement dans des hôpitaux psychiatriques parce qu’il y a eu des traumatismes.

Vous dites que la rédemption ne relève pas de l’automatisme, elle ne se décide pas...

Complètement. La rédemption, le pardon et la vengeance sont des démarches individuelles. Quand on vit un drame, on ne sait pas quelle va être notre réaction.

La narration du Repenti est assez particulière. L’idée du scénario est partie d’un article...

C’est un courrier envoyé par un lecteur à un journal algérien. L’histoire racontée n’est pas exactement celle du film mais j’avais été stupéfait qu’on en arrive à cette horreur. Dans toutes les cultures, la mort est quelque chose de sacré. C’était cela le canevas de mon film.

Quel message souhaitez-vous faire passer aux Algériens et aux autorités algériennes à travers ce film ?

Je ne fais pas de films pour les autorités algériennes. Je suis cinéaste, je raconte des histoires. J’essaie de parler de la société algérienne avec ses soubresauts et ses problèmes. Aujourd’hui, je sens que que la société algérienne n’est pas apaisée. On a toutes les possibilités financières, sociales, le dynamisme pour être apaisé et avoir un projet. Cependant, je ne sens ni le projet ni l’apaisement. Aujourd’hui, je lis dans la presse que plusieurs partis politiques ont boycotté le Parlement. On est encore dans une période de soubresauts. Je suis un cinéaste qui pense qu’on a un devoir d’engagement du fait de la situation politique de notre pays. Il y a des gens en Algérie à qui ça ne plaît pas et qui mettent en place un système de dénigrement. Sur ce dernier long métrage, une partie de la presse algérienne me dénigre sur le fait que ce film a bénéficié de financements qui ne sont pas algériens. Mais ils n’analysent pas le film ou ne veulent pas le faire. C’est un film qui a été tourné rapidement avec des petits moyens. Je continue mon travail avec les moyens que j’ai.

La révolution, c’est pour bientôt en Algérie ?

Je ne sais pas ! Il faut demander à Lénine !

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Commentaires (5) | Réagir ?

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Service comptabilité

merci pour les informations

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Khalida targui

on a besoin d'un type comme vous qui dit Non, dommage que même en France, ils ne sont pas nombreux ceux qui ne flirtent pas avec le pouvoir de la rente

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