Législatives : le changement implique un nouveau mode de gouvernance
Du fait de la diversité de sa composante socioéconomique, implantée dans toutes les régions, ayant milité toujours pour l’instauration d’un Etat de droit et pour la véritable démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle, l’Association algérienne de développement de l’économie de marché (ADEM) laisse libre choix à ses adhérents d’exprimer leur adhésion ou pas aux élections législatives du 10 mai 2012.
Ces élections permettront-elles un autre mode de gouvernance et un changement dans le fonctionnement de la société, voilà la réponse stratégique si l’on veut mobiliser une population désabusée qui hélas, galvaudée par tant de promesses non tenues ne croit plus en rien. Comment ne pas constater que lors de la fête du travail du 1 mai 2012 le désintérêt général car il est fini le monopole syndical de l’UGTA devenu de plus en plus marginal, ne représentant plus la majorité des travailleurs et étant incapable de mobiliser et surtout de convaincre et ne mobilisant plus comme en témoigne l’ébullition de la société animée par d'autres acteurs plus représentatifs. L’erreur politique des pouvoirs publics est d’en faire toujours le seul interlocuteur. L’UGTA n’a-t-elle pas appelé en 2007 au vote massif sans être suivi ? Aussi pour l’ADEM, en espérant la totale transparence ce qui serait une première depuis l’indépendance politique, le taux participation sera le plus grand test de crédibilité pour les pouvoirs publics en place.
Par ailleurs, l’ADEM regrette que la télévision officielle à l’instar de toutes les démocraties dans le monde n’ait pas permis un débat contradictoire. Elle regrette le bas niveau de la campagne électorale facteur de démobilisation qui au lieu d’affronter les véritables problèmes, politiques, sociaux, culturels et économiques et de livrer des solutions réalistes tenant compte de la transformation et de la crise multidimensionnelle du monde confronté à une crise durable, se livrent à des discours chauvinistes hystériques. Comme si certains candidats étaient les seuls nationalistes brandissant toujours comme ennemi l’extérieur alors que le mal est avant tout en nous, discours d’un autre âge et se livrant à des promesses utopiques auxquels la majorité de la population algérienne confrontée à la dure réalité quotidienne ne croit plus, expliquant face à une profonde injustice sociale, les revendications sociales pour un partage immédiat de la rente des hydrocarbures par le doublement du salaire immédiatement quitte à aller vers un suicide collectif.
Ces candidats promettent d’augmenter le SMIG à 35.000/40.000 dinars par mois, d’abaisser l’âge à la retraite, de faire baisser les prix, d’aller vers l’utopie de l’autosuffisance alimentaire, de créer des centaines de milliers d’entreprises comme si manager une entreprise était d’ouvrir une épicerie, des millions d’emplois sans croissance, de mettre fin aux harragas, de résoudre définitivement la crise du logement, de dépolluer les villes et de faire venir des millions de touristes. Toutes ces propositions vont à contrecourant de ce qui se passe dans le monde. Comment feront ces candidats sans vision stratégique, raisonnant comme si l’Algérie était une ile déserte ? Ces candidats ne vivent-ils pas sur une autre planète en voulant vendre des chimères ? Afin de dresser une trajectoire pour l’avenir 2012/2020 du pays il y a lieu impérativement pour l’ADEM de dresser le bilan de 50 années d’indépendance politique, sans complaisance lors d’un large débat national sans exclusive.
Pour en rester à la période récente, sur le plan économique, quel a été le bilan du programme des 200 milliards de dollars entre 2004/2009, des 280 milliards de dollars programmés entre 2010 et 2014 mais dont 130 sont des restes à réaliser des projets non terminés de 2004/2009 ? Du montant et du rendement des placements des réserves de change des 90% à l’étranger ? Du pourquoi du freinage de l’entreprise créatrice des richesses devant évoluer dans un environnement mondial concurrentiel et son soubassement le savoir ? Devant raisonner en dynamique et non en statique, des impacts de l’adhésion à la zone de libre échange en Europe signé le 1er septembre 2005 et de la future adhésion à l’organisation mondiale du commerce OMC, le pays en dernière date étant la Russie ? Du pourquoi en 2012 toujours, 98% des exportations sont constituées des hydrocarbures à l’état brut et semi brut, devant devenir importateur de pétrole dans 15 ans et de gaz conventionnel dans 25 ans tenant compte des nouvelles mutations énergétiques mondiales, des coûts, de la forte consommation intérieure et important 70/75% des besoins des entreprises et des ménages ? De l’exode de cerveaux qui constitue une hémorragie ?
De la valeur du dinar sur le marché parallèle qui continue de dégringoler pour se coter depuis une année entre 140/150 dinars un euro reflétant une importante fuite de capitaux par manque de confiance en l’avenir ? De l’essence de la sphère informelle liée à la logique rentière contrôlant 40% de la masse monétaire en circulation où tout se traite en cash et 65% des produits de première nécessité qui continue de s’étendre avec elle la corruption qui se socialise constituant une menace pour la sécurité nationale ? Et enfin du pourquoi de la détérioration du pouvoir d’achat face aux tensions inflationnistes qui accentuent la concentration du revenu national au profit d’une minorité rentière, inflation que l’on essaie de comprimer transitoirement par des subventions mal gérés et mal ciblés ?
Sans avoir une vision de sinistrose car nous avons assisté à bon nombre de réalisations depuis l’indépendance politique, mais également à beaucoup d’insuffisances, l’ADEM constate et c’est l’avis de la majorité des rapports internationaux qu’en 2012, le blocage est d’ordre systémique avec des impacts mitigés de la dépense publique dominante et ce malgré une aisance financière jamais égalée depuis l‘indépendance politique ce qui a fait dire à la directrice du FMI récemment que l’Algérie dépense sans compter. Comment dès lors affirmer par certains soi distants experts aux ordres que l’Algérie serait une économie semi émergente? En 2020 la population algérienne approchera 40 millions avec une tendance à l’épuisement de la rente des hydrocarbures avec la fin de mission de l’Etat providence, ce qui ne saurait signifier fin de l’Etat régulateur stratégique comme facteur de développement. Gouverner n’est ce pas prévoir ? La facilité est de croire que c’est en pondant des lois que l’on change le fonctionnement d’une société mentalité bureaucratique sclérosante, l’Algérie ayant les meilleures lois du monde que contredisent quotidiennement les pratiques sociales alors qu’il s ‘agit impérativement de mettre en place d’autres mécanismes de régulation.
Pour l’ADEM, sans un Etat de droit, une autre gouvernance, un changement dans la politique socio-économique, devant permettre un développement harmonieux conciliant l’efficacité économique et une profonde justice sociale, dans le cadre des nouvelles mutations mondiales, avec des segments s’insérant dans le cadre du Maghreb, pont entre l’Europe et l’Afrique, l’Algérie risque des tensions sociales de plus en plus vives, horizon 2015/2020, donc une déstabilisation. Dès lors, selon bon nombre d’observateurs de géostratégie, avec ce risque d’une poussée de la misère et de groupes extrémistes qui se nourrissent de cette misère, et du fait de la situation géo stratégique de l’Algérie, cela aura comme impact une déstabilisation du bassin méditerranéen et du Sahel. Ce qui contrairement à ceux qui prônent le statut quo et le satisfecit permettrait l’intervention étrangère. Pourtant, pour l’ADEM l’Algérie, par plus de réformes courageuses politiques, sociales et économiques donc structurelles, dont le fondement est le renouveau culturel, sans chauvinisme a les moyens matériels et surtout humains pour dépasser la crise multidimensionnelle qui la secoue et devenir un acteur actif au niveau de la région euro méditerranéenne et de l’Afrique son espace social naturel.
Professeur Abderrahmane Mebtoul, président de l’ADEM
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