La fête du 1er mai : l’Algérie travaillée par le quotidien insolite
"Une communauté humaine se reconnaît à ses matériels." Balzac
Après le jour de l’An, nous fêtons à peu près huit semaines plus tard la nationalisation des hydrocarbures en même temps que la commémoration de la naissance de l’Union générale des travailleurs, paradoxalement, toutefois, en journée ouvrable. Puisque tous les Algériens adultes ne peuvent désormais ne pas comprendre que le 24 février est la pièce symbolique, pile et face, représentant la richesse des ressources naturelles et la valeur du travail qui n’a pas besoin d’être effective, comptable, pour que leur sacré pays puisse paraître doué d’humanité dans le concert de l’existence du monde pour qui la richesse et le travail relèvent de l’univers du sérieux.
Sur tous les plans rationnels de référence logique c’est cette formidable journée qui doit être célébrée, fêtée et fériée. Le Premier novembre, le Cinq juillet, sont des occases de prétexte aux surenchères populistes qui font augmenter la tension artérielle aux rescapés de l’incurie économique qui fait en Algérie des milliardaires ne pesant pas un milligramme de sacrifice pour les besoins patriotiques et des centaines de milliers de compétents bla âachat lila à qui il faut dans la journée une seconde journée de labeur pour transparaître, dans la forme et dans l’être, humanoïdes. Tandis que les fêtes religieuses consistent, en gros, en une démoralisation supplémentaire par les dépenses obligées quand bien même farfelues.
Mais voilà donc le retour de l’équinoxe sur le Premier mai. La fête du travail. La cinq cent quatre-vingt-quatorzième depuis l’indépendance.
Lundi 30 avril. Je sors de chez-moi exactement à six heures trente. Les deux "alimentations générales" et le buraliste de mon quartier ont les rideaux et les grilles scellés mais les selles de pain sont devant le seuil des magasins à la merci des chats de gouttière, des chiens errants, des rats téméraires et des voleurs d’occasion. Le travail de la boulangerie a été dans les timings honoré mais celui des deux épiciers non. Le livreur de journaux, pour sa part, si l’un des magasins ouvre avant le buraliste il déposera les paquets chez lui.
De la porte de ma maison jusqu’au virage qui me mène à la grand-place, sur tout le chemin, le quart des immondices du prélèvement auroral traîne partout. Soit parce que les sachets ont été transpercés par les félidés et donc les employés de la municipalité ne font pas les heures supplémentaires pour ramasser "pour rien" les déchets éparpillés tout autour, soit que lorsque les éboueurs quand ils déversent dans la benne ouverte les bacs réglementaires ils sont tellement pressés de sillonner les quartiers qu’ils font exprès de ne pas faire attention à ce qu’ils laissent choir sur la chaussée. Là, vous pouvez observer en amont le travail des décideurs algériens sous le même design de l’Etat dans la commune qui consiste à importer, par exemple, pour la police et la gendarmerie des véhicules utilitaires haut de gamme mais qui laissent et obligent à user pour le besoin de l’ébouage de vieux camions à benne nue.
Mis à part le café de la grand-place aucune autre structure commerciale n’est ouverte mais je remarque des riverains qui passent, sortant de la station de bus chargés de sachets de lait. En effet dans cette espèce de gare improvisée, des magasins cernent en "L" un espace éternellement embourbé qui fait office d’aire de stationnement. Parmi eux deux épiciers semblent avoir trouvé la solution pour ne pas tomber sous le joug des distributeurs de lait "agréés" qui depuis longtemps ont-ils décidé de ne pas avoir un emploi du temps viable, mais en tout cas jamais avant les temps administratifs.
Ils mettent, donc, à leur service un petit fourgon distributeur qui les ravitaille avant tout le monde, mais vous avez intérêt à être sur place dès l’arrivée de cet héroïque et perspicace véhicule pour avoir droit à votre quote-part à mettre dans le congélateur – je ne pense pas me tromper si je dis que j’ai « grandi » dans le métier en écrivant au moins une dizaine de fois par année sur cette satanée problématique de la disponibilité du lait commercial domestique qui survie à toute la flopée de chefs d’Etat, de gouvernement, de sénat et d’assemblée qui a régenté l’Algérie depuis la nationalisation des hydrocarbures.
Les employés derrière le comptoir du café sont sales de bon matin et ça vous flanque l’impression qu’ils ont passé la nuit dans quelque gravats parmi les clochards de la commune. Il faut ramener un récipient décent avec soi si on veut prendre un café comme une personne dotée d’estime de soi car la majorité des cafés maures en Algérie fait service jetable dans des gobelets qui se cabossent au moindre toucher. Toutefois au moins si vous aimez la gymnastique digitale, vous ne risquez pas la contamination par l’eau trouble par laquelle auront été passé à la lessive les récipients solides. Mais, merci bien, quand même, le café bien serré peut attendre.
Sept heures passées de quelques minutes et il est déjà impossible de pouvoir regarder ce qui se passe dans le trottoir d’en face. Les voitures, les camions, les bus avancent au millimètre et il vous semble que les affaires de la municipalité s’arrêtent face à ce convoi vrombissant et klaxonnant. Je prends par la grande rue parallèle à la rue principale. Il fait beau mais heureusement je n’ai pas eu l’idée zen de mettre mes tongs ou mes babouches car le premier magasin qui vient d’ouvrir inaugure sa présence matinale par le déversement de son eau de nettoyage pourrie sur le trottoir. Il va être plagié un peu plus loin par le marchand de volailles et le crémier. Ah ! je vois par le capot d’une fourgonnette dans l’autre côté de la rue le boucher qui accroche de par et d’autre de son seuil une gigantesque tête de bœuf et deux kits complets d’appareil digestif ovin, tandis qu’à quelques pas plus bas, le marchand de meuble a déjà fini par installer sur le même trottoir presque une cuisine entière, en sus d’un canapé debout et d’un faux semainier de cinq tiroirs. En tout c’est au moins cela de gagner pour les écoliers dont les maîtres et les maîtresse font encore grève qui n’auraient pas à rejoindre l’école par la chaussé périlleuse.
Je contourne par l’escalier afin de regagner la route principale. Depuis 1935 les marches n’ont pas été visitées par les services municipaux d’entretien. Vous risquez bobo à chaque pas glané à la profondeur. Le lotissement, scindé en deux parties distinctes par l’escalier en ruines et enclavé dans une cuvette par le triomphe de la construction illicite où vous ne pouvez pas discerner l’entité d’une habitation particulière, vous angoisse en vous fendant vers le bas lorsque vous pensez qu’un patient doit être évacué en urgence vers un établissement sanitaire.
Après un serpentement en épingle à cheveu, l’endroit, silencieux avec ses ruelles exiguës jonchées de sacs poubelles entassés laissés pour leur compte depuis des journées, fait forcément peur à quelque individu passant par les lieux qui chercherait un passage pour, cette fois, remonter vers la hauteur de la rue principale. Par le truchement d’une espèce de patio entre deux façades où il vous semble que vous traversez une propriété privée parce que du linge est étalé dans un enchevêtrement de cordons accrochés dans les murs en vis-à-vis vous faites un effort pour escalader un petit promontoire cahoteux qui, enfin, donne accès à un escalier plus large et beaucoup moins esquinté. Le dernier virage est un chemin assez large où le bitume fragmenté est moins à son aise que la boue fluide qui absorbe l’accumulation d’une vieille fuite d’eau.
L’ultime tronçon vers la route est contesté par un garde-fou privé fait de chaîne métallique et de piquets en béton. Et puis les gens commencent à vous saluer de l’intérieur de leur véhicule bloqué qui ont honte de vous demander d’embarquer car vous êtes plus libre qu’eux dans vos mouvements. Je ne reprends pas la description de la colonisation des trottoirs ni le transvasement des impuretés domestiques par les devantures, les balcons et les ouvertures aériennes. Je liquide rapidement les salamalecs de relations riveraines adhésives pour gagner du temps et arriver à l’avance devant le bureau de Sonelgaz afin d’honorer ma quittance. Sept heures quarante-cinq devant l’agence mais déjà une vingtaine de personnes s’attroupe devant la porte close. A pars les trois individus qui sont carrément collés contre le battant, il est difficile de savoir qui est arrivé sur le site avant et qui est venu après. J’ajuste les écouteurs de mon portable. Aragon chanté par Léo Ferré. Ça me fait les années soixante-dix, l’époque innocente du Volontariat et du Barrage vert où ce furent les gardes-champêtres qui surveillaient l’entrée de Moretti et du Club des Pins et ce furent aussi les travailleurs qui y allaient dépenser un peu de leurs économies pour profiter du plaisir dans les deux sites. La porte s’ouvre avec une demi-heure de retard et nous pénétrons dans l’agence comme si un danger funeste nous courait après.
Nous occupons les sièges grinçant tout autour de la grande salle et dès que les guichetiers se mettent en place que s’entame-t-il une chorégraphie aussi originale que ridicule. Chaque fois qu’un concerné se lève pour aller déposer vers le guichet, le mitoyen se dresse aussitôt pour s’asseoir à sa place. Et ainsi de suite, si vous êtes parmi l’arrière de la file vous faîtes au moins une trentaine de mouvements oscillatoires assis debout avant de régler votre facture. Pourquoi les responsables n’optent-ils pas pour le simple dépôt des factures empilées devant un guichet dès l’arrivée de l’abonné ? Parce que la direction a donné l’ordre de ne pas pratiquer ce système que les employés corrompent par des entourloupes dans la manipulation des quittances afin de favoriser des connaissances, en démoralisant le reste.
Mon tour arrive exactement à dix heures moins le quart. Le marché est à côté, mais cette histoire-là je la raconterai peut-être à une autre occasion, la veille du prochain premier mai, qui sait, peut-être d’ici là quelque prodige aura insufflé dans la tête des populations mais dans celle de la future gouvernance une notion humainement décente sur la notion du travail.
Le travail sur la plan de la science physique, ya el khawa, est défini comme étant l’entité d’une force qui se transforme en énergie lorsque il y application d’un déplacement ou d’une variation de forme sur l’objet subissant cette force. Il peut s’agir d’une poussée, d’un frottement ou d’une combustion sur tel objet et donc le travail de ces actions constitue l’énergie produite par ces actions. Je pense que c’est à peu près la même chose pour ce qui concerne l’homme dont normalement nous tenons pour l’essentiel et qui consiste à faire dépêtrer cette énergie de sa tmenkiologie. Point barre.
Nadir Bacha
Commentaires (10) | Réagir ?
Quelle bêtise cet article! Ce n est pas du journalisme ni de l analyse politique mais du n importe quoi a l image des commentaires de buveurs invertébrés qui lèvent leur verre en pensant être au dessus des autres. Mais chacun sait que (les autres) n existent pas sauf s ils s appellent Hamid, Youcef, Nadir, Hamid etc. Bof. C est l image réelle de l Algérie. Tchao les p Tits génies. Je vais aller fumer du vrai de vrai pour vous oublier.
Je suis tout a fait d'accord avec toi Khalida ! Y'en a qui ne veulent pas reconnaitre que c'est un pays du tiers monde! c'est pourtant tellement voyant !! A peine arriver à l’aéroport on a envie de repartir de suite c'est drôle ça ne me faisait pas la même chose quand j'allais en Tunisie !
Quant on limite son discours à un aéroport comme vous le faites avec arrogance, c'est qu'on n'a pas grand chose dans la tête, ce site a besoin d'intervenants qui débattent avec humilité et intelligence sur des sujets graves de l'heure, et non pas des intervenants arrogants qui nous parlent d'aéoroports ou d'autres bêtises du genre, alors que ce n'est pas le sujet du débat. Tenez, pendant qu'on y est je vous rappelle que le Maroc et la Tunisie sont encore des protectorat français sutout le Maroc, et dépendent de la manne touristique, alors ils ont intérêts à garder leurs aéroports bien propres pour épater les touristes, en 'Algérie il lui manque des dirigeants dignes de ce nom qui sauront mener le pays vers la bonne direction et heureusement que le peuple en est conscient, il ne s'attarde pas aux futilités du genre """ A peine arriver à l’aéroport on a envie de repartir de suite c'est drôle ça ne me faisait pas la même chose quand j'allais en Tunisie !""" n'est-ce pas Noproud, vous avez bien des choses à apprendre avant d'ajouter votre grain de sel arrogant sur les sites algériens comme celui-ci.