Autoroute Est-Ouest : scandales financiers et surcoûts exorbitants

Amar Ghoul, ministre des Travaux publics.
Amar Ghoul, ministre des Travaux publics.

Le ministre des Travaux publics, Amar Ghoul qui mène la liste de l’alliance verte des trois partis islamistes (MSP, Ennhada et Al Islah) à Alger a affirmé souvent publiquement, après avoir donné le montant lors du lancement du projet de 7 milliards de dollars, qu’il serait livré fin 2010 et le coût de la route Est-Ouest, en réalité non encore totalement terminé, n’a pas subi de réévaluation et s’inscrit dans les normes internationales.

Or, ayant accès au dossier technique et financier de cet important projet, depuis plus de quatre années, j’ai attiré l’attention des pouvoirs publics et ce, bien avant les scandales financiers qui ont ébranlé ce secteur, que le coût prévisionnel de la route Est-Ouest serait largement dépassé. Cela concerne d’autres projets dont Sonatrach, la majorité des infrastructures notamment ceux relevant du transport dont le ministre est également candidat. Dépenser est une chose, gérer suppose à la fois de la compétence et de la moralité. Car, même un analphabète avec des centaines de milliards mis à sa disposition aurait pu réaliser cette autoroute, ou le métro, la facilité, comme cela a été le cas, étant de faire appel aux étrangers. Dans ce cas la devise est : dépenser, dépenser sans compter grâce aux hydrocarbures.

Le coût réel de la route Est-Ouest

Tout projet fiable doit mettre en relief clairement la hiérarchie des objectifs, les résultats escomptés par secteurs, la portée, les indicateurs performance, les indicateurs des objectifs et des échéanciers précis et enfin l’hypothèse de risques. Or les responsables de ce projet s’en tiennent vaguement au descriptif technique sans se préoccuper des coûts, ce qui devrait être en principe la préoccupation principale tant du gouvernement, du ministre que des managers, qui est le suivant.

Linéaire: 1216 km ; profil en travers: 2×3 voies ; vitesse de base : 100 à 120 km/h ; nombre d’échangeurs: 60 échangeurs environ (avec option de péage) ; 24 wilayas desservies ; équipements : aires de repos, stations-service, relais routiers et centres d’entretien et d’exploitation de l’autoroute. L’autoroute Est-Ouest ne modifiera pas le paysage routier national puisqu’elle va pour l’essentiel suivre le tracé des nationales 4 et 5, qui rallient Alger à Oran et Alger à Constantine. En revanche, elle risque de bouleverser la vie économique des 19 wilayas directement traversées et des 24 desservies. Dans un pays où 85% des échanges commerciaux s’effectuent par la route, l’impact risque de se faire sentir rapidement. Onze tunnels devaient être percés sur deux fois trois voies et 390 ouvrages d’art réalisés, dont 25 viaducs, pour joindre les frontières tunisiennes, à l’est, et marocaine, à l’ouest, et réaliser l’autoroute trans-maghrébine. Or, selon mes calculs, le coût prévisionnel de la route Est-Ouest est estimé à plus de 12 milliards de dollars sans les annexes, soit entre 13/14 milliards de dollars avec toutes les annexes. Et ce, suite à de nombreuses observations, en sus des automobilistes, qui s’étonnaient de voir un tel mégaprojet livré parcimonieusement et de surcroît dépourvu d’équipements annexes comme les aires de repos, les stations-service et les stations de péage. Le programme d’équipement consiste en la réalisation de 42 stations-service, 76 aires de repos (motels, aires de stationnement, aires de jeux…), 57 gares de péage, 70 échangeurs et 22 postes de garde de la gendarmerie et autant de points de garde de la Protection civile.

Ainsi, le coût des 1216 km nous donne un coût au km variant entre 10,74 et 11,57 millions de dollars par km. Cela montre aussi la non-maîtrise de la gestion de la dépense publique. Qu’en sera-t-il du nouveau programme des travaux publics alloué de l’ordre de 3100 milliards de dinars (41 milliards de dollars) au titre du plan sectoriel quinquennal 2010-2014 devant distinguer la part devises et la part dinars et surtout le coût par rapport aux normes internationales ? A cela il faudra prévoir les coûts d’entretien car on oublie souvent qu’une route s’entretient et selon les normes internationales, cela varie entre 84.000 dollars à 135.000 dollars/an et par km. Cela pose le problème du coût du péage.

Comparaisons internationales

Pour les comparaisons internationales, il existe des variations selon qu’il y ait contrainte ou pas. Le rapport officiel de la documentation française pour 2006/2007 sur une route à deux voies donne une moyenne de 7 millions de dollars au km hors taxes. Cela n’étant qu’une moyenne car en affinant l’on constate, selon les régions, une moyenne fluctuant entre 5 et 8 millions de dollars hors taxes. Pour l’Europe, il existe selon une intéressante étude de la direction des routes danoises (2006) d’importantes disparités en moyenne générale selon les contraints et non contraints. Ainsi, pour l’Espagne, le Portugal, le Danemark, la Suède, le coût au kilomètre est de 3/4 millions de dollars construit, la France et l’Allemagne se situant dans une fourchette intermédiaire 6/7 millions de dollars pour le km (selon le contraint ou le non contraint en fonction ou pas des ouvrages d’art). Aussi, pour des comparaisons fiables, il faut éviter des comparaisons hasardeuses. En Algérie, tous les facteurs sont favorables. La main-d’œuvre est au moins 10 fois moins chère qu’en Europe ; il n’y a relativement presque pas d’intempéries ; les matériaux utilisés en grande quantité, les agrégats (tuf, sables et graviers) ne coûtent pratiquement que leurs frais d’extraction et le concassage, le carburant est 5 à 7 fois moins cher, les loyers, l’électricité et le gaz aussi, les occupations temporaires de terrains qui coûtent des fortunes en Europe ne sont même pas payantes en Algérie lorsqu’il s’agit de terrains relevant du domaine public. Mais il y a des problèmes administratifs et des de procédures bureaucratiques sans compter les expropriations et les démolitions qui sont sources de surcoûts.

Ainsi, il faut se comparer au comparable. Prenons trois exemples du Maroc : la récente mise en service de l'autoroute Casablanca-El Jadid d'une longueur de 81 km avec un coût global de 1.760 millions de DH hors taxes,(173 millions d’euros donc 2,1 millions d’euros le km (soit environ au cours 1,35 euro un dollar 2,8 millions de dollars) a été financé à hauteur de 1.600 millions de DH par des emprunts octroyés par la Banque européenne d'investissement (BEI), le Fonds koweïtien pour le développement économique arabe (FKDEA) et le Fonds arabe pour le développement économique et social (FADES). Quant à l’autoroute, Marrakech-Agadir, le coût a été d’environ 5000 environ dirhams pour 233 km soit 3,1 millions de dollars par km soit le quart du cout moyen de la route Est-Ouest. Pour l’autoroute du Maghreb Fès-Oujda, d’une longueur de 328 km, avec certainement une perspective de jonction avec l'autoroute algérienne Ouest-Est, elle est d'un coût prévisionnel d'environ 6000 millions de dh (640 millions d’euros) soit 2,56 millions de dollars le km.

Urgence de la maîtrise de la dépense publique

Le guide de management des grands projets d’infrastructures économiques et sociales élaboré par la Caisse nationale d’équipement pour le développement (CNED) et la soumission de toute réévaluation des projets au-delà de 15%, à l’aval du Conseil des ministres, contribuera-t-il à affiner l’action des pouvoirs publics en matière d’efficience des dépenses publiques ? Mais qu’en sera-t-il sur le terrain car ces orientations et textes ? Un contrôle doit être global : il doit concerner en plus du contrôle routinier des services de sécurité, l’ensemble de la société supposant un Etat de droit la réhabilitation du contrôle de la société civile, du parlement, de la Cour des comptes, institution dépendante de la présidence de la République car l’Inspection générale des finances dépendant du ministre des Finances ayant un impact limité car relevant de l’exécutif. Sans une gouvernance rénovée, une visibilité et cohérence de la politique socio-économique supposant l’intégration de la sphère informelle produit du dysfonctionnement des appareils de l’Etat, produisant la corruption, le contrôle budgétaire sera un vœu pieux avec un impact limité.

Pourquoi donc le coût de la route Est-ouest est il si élevé alors que la norme internationale d’une autoroute fluctue entre 5 et 6 millions de dollars et au maximum 7/8 millions de dollars avec les annexes et même moins pour des pays voisins au niveau du Maghreb et pour certains pays d’Afrique entre trois et quatre millions de dollars le km ? Le problème est posé et ces surcoûts exorbitants ne concernent pas seulement la route Est-Ouest, mais la majorité, avec de rares exceptions, des projets sectoriels (habitat, transport, industrie, énergie, prestations de services etc.). Cela pose la problématique d’un véritable contrôle démocratique. Et la facilité devant les problèmes est de se réfugier derrière des lois (l’Algérie a les meilleures lois du monde mais rarement appliquées) ou des aspects techniques qui en fait produisent du fait de la gouvernance mitigée et du pouvoir bureaucratique inefficient, l’effet contraire. Cela s’explique par le manque de vision stratégique en l’avenir, faute de contrepoids politiques véritables, d’un dialogue social et économique serein et par la dévalorisation du savoir fondement de la gouvernance.

Ainsi, en prenant en compte des performances de l’éducation, de la santé, de la qualité de vie, le dynamisme économique et l’environnement politique, le grand hebdomadaire financier américain Newsweek très influent dans les milieux d’affaires avec l’appui d’éminents experts internationaux dont le prix Nobel et professeur à Columbia University Joseph E. Stiglitz, McKinsey & Co, le directeur du Bureau Byron Auguste, le directeur fondateur de l’Institut de l’Université McGill pour la santé et la politique sociale et le professeur à l’université Geng Xiao, directeur de la Colombie-Global Centre Asie de l’Est ,dans une enquête fouillée fin 2010 montre clairement un déphasage entre le discours officiel algérien et la réalité. Et surtout que l’Algérie risque à terme de se vider de ses cerveaux, l’Algérie étant classée à la 85ème position sur un échantillon de 100 pays concernant l’exode de cerveaux. Or un pays sans son élite est comme un corps qui se vide de son sang.

Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités et expert International

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Commentaires (6) | Réagir ?

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samy iris

Le ministre des Travaux publics, Amar Ghoul

La mafia-politico financière mais, au travers de la construction chaotique de son échafaudage brinqueballant, il a vraisemblablement permis à plusieurs de ses membres de s'enrichir grâce à de l'argent public ou à celui des épargnants. Une affaire d'incompétence générale. Pour expliquer sa chute, Khalifa s'en est pris à Abdelaziz Bouteflika et à son entourage, bien que des proches du président aient longtemps été des collaborateurs directs du millionnaire. Il est vraisemblable que le refus de ce dernier d'offrir un soutien sans équivoque à Bouteflika lors des grandes manœuvres qui ont précédé les présidentielles de 2004 lui a coûté cher, même si les inquiétudes des capitales européennes, à commencer par Paris, sur les relations du groupe Khalifa avec plusieurs milieux d'affaires interlopes du Proche-Orient et d'Amérique latine ont poussé les autorités algériennes à en finir avec un groupe de toutes les façons moribond.

Il reste que le vrai intérêt, à mon sens, dans cette affaire n'est pas de savoir pourquoi le pouvoir a décidé de précipiter la chute du millionnaire en paralysant sa banque et en le forçant, lui et ses collaborateurs à s'exiler. Il faut d'abord se demander pourquoi le navire Moumen a pris l'eau aussi vite, et la seule explication qui s'impose à ce sujet est l'incompétence. Avec des moyens financiers considérables, un soutien politique sans faille jusqu'au moins en 2002, la sympathie des milieux d'affaires occidentaux, Khalifa avait la possibilité de bâtir un groupe puissant et crédible, comparable à ceux des oligarques russes. C'est cette chance qu'il n'a pas su saisir. En s'entourant, le plus souvent, de personnes incapables d'appréhender le b-a-ba de la gestion d'une entreprise, et à plus forte raison d'un groupe international, Moumen a d'autant plus préparé sa déchéance que la folie des grandeurs, la soif de reconnaissance et une attirance malheureuse pour le monde des paillettes ont rapidement eu raison de sa lucidité.

Les oligarques russes ne sont pas des modèles de probité ni même de bon goût. Eux aussi ont bâti leurs fortunes grâce à des « injonctions » politiques – celles du clan Eltsine – mais ils ont eu très vite l'intelligence de comprendre qu'il leur fallait structurer leurs sociétés, les normaliser en faisant appel à de l'expertise confirmée – y compris américaine[3]. Khalifa, quant à lui, a préféré se reposer sur des gens qui, en déplacement en Occident, faisaient mine de lire le Financial, mais qui en réalité étaient, pour la plupart, incapables de faire la différence entre une action et une obligation. La vérité, implacable, est que l'on ne gère pas un groupe international, fut-il bâti avec facilité, comme on revend des cigarettes à la sauvette.

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Rachid Della

@ R A M E S S E S II

Vous avez tout compris. le mal de ce pays est le DRS pire encore je vous fais savoir qu'ils empêchent des cadres de travailler à l'étranger ces malades d'une autre espèce.

Pouvez vous nous expliquer chers lecteurs comment cet appareil a placé au début des années 90 un étudiant de deuxième année universitaire redoublant comme vice recteur de l'université Houari Boumédiene.... de qui se moque-t-on ?

Il ne faudrait dès lors pas s'étonner des règlements de comptes et liquidations physiques.

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