L’Algérie en campagne : dans le langage de la ruine

La prochaine élection ne mobilise pas grand-monde.
La prochaine élection ne mobilise pas grand-monde.

"Le droit des autres est une concession faite par notre sentiment de puissance au sentiment de puissance de ces autres." Nietzsche

Nul discours à l’heure actuelle ne peut se targuer, dans quelque jargon qui soit, dans n’importe quelle rhétorique rationnelle, de rassurer qui que soit ni quoi que ce soit sur ce que peut advenir de notre pays dans les seuls mois à venir, sur tout ce qui tourne autour de la relation à la vie, c’est-à-dire déjà juste après cette date ludique promulguée du 10 mai prochain.

L’horreur de la vie courante

Le panier nécessaire au renouvellement biologique du citoyen, celui qui travaille et touche des sous – parce qu’en Algérie il est qui gagnent de l’argent et d’autres qui perçoivent des sous – est quasiment douloureux, voire inaccessible. La viande est hors de portée, les fromages et les fruits sur le même chemin. Les compatriotes affluent désespérément dans les boulangeries et devant les casiers que l’Onalait et Bettouche déversent sur le seuil des «alimentations générales» pour palier le manque à nourrir par la cause des légumes qui flambent. Dans la rue, à l’école, dans le bureau, devant la caisse de Sonelgaz, de l’Epeal ou à la Poste, enfin, partout, les visages sont livides, les lèvres sèches et les regards troubles : le peuple ne bouffe pas, ya el khawa.

Au sortir de la classe, de l’atelier ou du bureau, l’environnement urbain ou rural est d’une grégarité hors de commun. Les routes bloquent au centimètre et les véhicules de transport public succombent aux ruées permanentes ce qui engendre la durée des temps intermédiaires horriblement plus longs et plus infects. Ce qui fait que quel que puisse être le confort du foyer, arriver finalement chez soi est un triomphe.

Les salariés ne sont jamais satisfaits des conditions dans lesquelles ils travaillent, les responsables de leur rendement ni les premiers de la compétence de ces derniers. Tandis que leurs enfants en classe n’assimilent pas les programmes pour lesquels il faut des cours de soutien qui piocheront dans l’indispensable pour entretenir le minimum des besoins familiaux. Et les parents alors s’insurgent-ils contre les enseignants prétentieux qui débrayent pour un statut conforme à l’image que l’homo sapiens doit faire sur le rôle prestigieux de l’éducateur. Sur ce volet maintes familles laissent s’accumuler des factures d’eau, d’électricité et de gaz, trop chères, pour payer les professeurs clandestins qui entassent leurs clientèle collégienne ou lycéenne dans des garages généralement sans chauffage ni fenêtres.

Toutes les perspectives saines sont obstruées

Dans le domaine sec, net et sans bavures de la création de richesses à proprement parler, le capitaine d’entreprise n’existe pas en Algérie. Entre Rebrab le père et le fils, celui qui importe et conditionne et la progéniture qui fait show room hundai permanent et les Hamiani qui confectionnent selon ses design propres, les second sont plus intéressants sur le plan développementiel s’ils reviennent et peuvent atteindre l’époque glorieuse de la chemise algérienne concurrençant dans le monde les produits similaires. Quoique celui qui est capable de fabriquer les outils techniques industriels en connivence avec un filateur local y est largement le plus applaudi.

De tout temps il y a cette tchatche sur le dramatique retard concernant la production céréalière nationale en occultant la tragédie sur le maraîchère où la quasi-totalité de la semence est importée en même temps que les phytosanitaires, les engrais et les équipements de production et d’entretien. Les statistiques sur ce point sont infernales. Pour un dollar en moyenne produit au Maroc et en Tunisie l’apport étranger en besoin est de 20 pour cent, en Algérie pour les mêmes produits, il est de 80. Pendant que la Banque de l’agriculture et du développement rural demeure la connerie la plus spécifique justement au développement sectoriel. Des agences de ce lugubre organisme soit disant de financement stratégique accordent "normal !" des crédits à des villageois qui bâtissent un empilement d’étages avec un des rez-de-chaussée de plusieurs futurs magasins. Et ils vont aller, même pas le couffin symbolique dans la main, ainsi que les citadins de l’entassement urbain se procurer leur sustentation quotidienne auprès de l’étalagiste qui s’approvisionne chez le mandataire qui emmerde le code du commerce et la dernière loi des finances.

Fumisterie électorale

Ce ne sont là que des morceaux de chair ardente qu’on saisit dans la vie courante, anodine, dépêtrée, comme dirait un ordinaire contribuable dans la société mondiale inscrit dans le plus simple rapport de rentabilité nationale censée définir quelque Pnb, de vision profonde, zâama, chargée d’étoffer la carrure de l’essor. Le monde moderne, responsable, adulte, depuis longtemps ne vote plus sur des gueules, charmantes ou patibulaires, mais sur des programmes clairs, des feuilles de route concrètes assorties de langage de comptabilité axée sur la contribution de chacun et chacune allant déposer un bulletin dans quelque urne.

En allant vers le marché ce matin de bonne heure à Bouzaréah, sur les hauteurs de la capitale, j’ai vu sur un grand tableau affichant les candidats se présentant pour la consultation du 10 mai, les passants le regardent de loin en crispant les traits du visage comme s’ils ont peur qu’un proche soit le regroupement des effigies.

Nadir Bacha

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Commentaires (5) | Réagir ?

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Khalida targui

Il faut ajouter la saleté, l'ennui, la drogue, le mépris des flen et felten etc et tout ce qui vous pousse à maudire le jour où votre mère vous a mis au monde dans ce bled. J'en connais bezaf de ces chanceuses qui accouchent chez De Gaule et pourtant elles font pas partie du peuble. C'est vrai qu'on souffre mais on doit aimer ça puisqu'on accepte, ça doit venir des aieux qu'on a du mécontenter. On ferme les yeux chaque soir en pensant au volcan qui va péter à tout moment, voilà notre pitoyable état. Allah yastour!

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khelaf hellal

25. 800 candidats à la députation pour le scrutin du 10 mai prochain contre 12. 200 en 2007, c'est vous dire que les gains de la loterie des legislatives sont pharamineux pour attirer le maximum de flambeurs. Leur seul et unique programme est de décrocher le sésame en escaladant sur le dos de leur peuple qui attendra comme tout le monde. Ils vous débiteront toutes sortes d'inepties et des promesses à gogo en guise de programme tout en vous cachant qu''ils ne roulent en fait pour un seul et unique programme qui est le programme présidentiel qu'ils voteront en choeur et bras levés une fois installés. Le changement attendu sera empacté et expédié sous le label " Emoustakbel ", l'avenir, celui qu'ils ne cessent de chanter depuis des lustres mais qui n'arrivera jamais. Un changement hypothétique en attendant Godot qui viendra jamais. Un avenir qu'ils voudraient repousser le loin possible dans le temps de génération aprés génération pour donner l'illusion d'espérer encore et toujours pendant qu'ils font leur beurre et leur situation ici et là-bas. L'enjeu de cette élection est tellement important qu'ils arrivent à faire dire à la TV nationale aux habitants des bidons-villes d'aller voter le 10 Mai prochain par devoir national eux qui ont tout perdu dans ce satané devoir de misére. Ils s'en vont mobiliser jusqu'aux pauvres touaregs du fin fond du désert qu'ils ont abandonnés à leur sort tout le reste du temps. La campagne électorale tourne plutot au harcélement électoral et à la shita de la participation pour bien réussir cette autre arnaque du 10 mai qui consolidera la continuité du système et de sa pyramide de courtisans et serviteurs. On ne peut pas réussir le changement du système à la troisiéme mandature lorsqu'on a raté dèjà deux longues mandatures pour le faire. Ce qui les intéressent avant tout c'est le taux de participation et ils savent d'ores et déjà qu'il y aura 25. 000 votants d'acquis ce jour - là par le fait que ce seront les candidats eux-mêmes qui iront voter pour eux-mêmes pour créer l'ambiance d'un semblant de participation. Est-ce que ce n'est pas malin ça ?

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