Les deux otages français enlevés au Mali s'invitent dans la présidentielle
Une vidéo tournée fin février montre deux Français enlevés en novembre 2011 dans le nord du Mali par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), selon un journaliste de l'AFP à Ouagadougou qui a pu la visionner samedi.
Ce document est diffusé alors que le Nord malien est depuis deux semaines entièrement aux mains de rebelles touareg et de groupes islamistes armés, dont Aqmi, qui multiplie les rapts, essentiellement d'Occidentaux, depuis plusieurs années. Sur cette vidéo tournée le 22 février, envoyée aux autorités du Burkina Faso qui l'ont transmise au gouvernement français selon une source sécuritaire burkinabè, on voit les deux otages, Philippe Verdon et Serge Lazarevic, enlevés le 24 novembre 2011 à Hombori (nord-est du Mali). Ils sont assis sur le sable devant une tente, le visage découvert et entouré d'un turban.
Visiblement affaibli, mais parlant d'une voix claire, Philippe Verdon dit être "ici dans le désert avec Aqmi dans des conditions extrêmement difficiles, notamment pour des raisons de santé". "Je suis dans un état d'affaiblissement très, très important, je suis très inquiet", dit-il, ajoutant: "je sais que je ne vais pas tenir longtemps".
Aqmi disposé à négocier
Philippe Verdon lance un appel au "président français Nicolas Sarkozy: je lui demande de faire tout ce qui est en sa possibilité pour essayer de dénouer cette situation". "Les hommes d'Aqmi nous disent que les portes ne sont pas fermées dans les discussions et les négociations", ajoute-t-il.
"Visiblement, ils me disent qu'il y a des moudjahidine qui sont emprisonnés en Mauritanie et au Mali. Je constate, j'ai clairement compris, qu'il y a une volonté d'apaisement de la part d'Aqmi, (...) une volonté de trouver une solution qui soit dans l'intérêt de toutes les parties", affirme-t-il.
"Aujourd'hui, nous sommes le 22 février 2012, nous sommes dans le désert et je voudrais adresser un message à ma famille, à mes enfants, à leur mère, à mon épouse, pour leur montrer que je suis vivant, qu'il ne faut pas perdre espoir et que si les bonnes volontés se mettent en marche (...) je serai très prochainement avec vous tous", ajoute Philippe Verdon.
Serge Lazarevic, qui paraît mieux se porter que Philippe Verdon, mais parle d'une voix moins claire et moins longtemps, tient des propos similaires. "Je demande à la France, au président Sarkozy, aux associations françaises, internationales et au peuple français, s'ils peuvent nous aider. Toute aide est la bienvenue, Aqmi est ouvert à la négociation", dit-il.
"Je remercie aussi M. Sarkozy s'il peut faire quelque chose pour nous", insiste-t-il. "Je voudrais dire bonjour à ma famille (...) et à tous ceux que je connais pour leur dire que je suis bien vivant", dit-il.
Cette demande intervient à la dernière semaine de la campagne électorale de la présidentielle française. Une élection dans laquelle le candidat président Nicolas Sarkozy est distancé par le candidat socialiste. Aussi la négociation voire la libération des deux otages française peut s'avérer délicates. A moins que la France accepte de payer une rançon, ou fasse pression sur les gouvernements mauritanien et malien pour qu'ils libèrent les combattants d'Aqmi qu'ils détiennent en contre partie de la liberté des deux Français. La marge de manoeuvre est mince. Que va faire la présidence française ? Aqmi qui a insisté sans doute auprès des otages pour qu'ils se remettent à Nicolas Sarkozy n'ignorent pas que l'enjeu est important pour le candidat.
Les deux hommes, présentés comme des géologues travaillant pour une société malienne, ont été enlevés par Aqmi dans leur hôtel à Hombori. Le ministère français des Affaires étrangères s'est refusé à tout commentaire sur cette vidéo, expliquant que "l'efficacité" repose sur "la discrétion". Le président du comité de soutien aux deux otages, Pascal Lupart, a dit attendre "d'avoir vraiment une preuve de vie aujourd'hui", en relevant qu'elle date d'il y a deux mois.
Philippe Verdon et Serge Lazarevic font partie des six otages français retenus par Aqmi. Les quatre autres, collaborateurs du groupe nucléaire Areva et de son sous-traitant Satom, ont été capturés dans le nord du Niger le 16 septembre 2010.
Au total, Aqmi et un groupe considéré comme dissident, le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), retiennent en otages vingt personnes, treize occidentaux et les sept diplomates algériens enlevés la semaine dernière à leur consulat à Gao (nord-est du Mali). L'Algérie, contrairement à de nombreux pays occidentaux a toujours refusé de payer les rançons exigées par les groupes armés pour libérer les otages. A ce propos, la France serait-ells disposée à payer pour récupérer ses deux ressortissants ?
Yacine K./AFP
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