Bahrein : un Grand Prix sur fond de manifestations et de répression
Les organisateurs du Grand Prix font preuve d'un ignoble cynisme en ignorant la répression des manifestations. Et en comptant organiser leur course dans ce pays en proie à la violence.
Les autorités de Manama cherchent à présenter Bahreïn comme "un pays stable et sûr", observe Amnesty international à l'approche du Grand Prix de Formule 1, prévu le 22 avril près de Manama, malgré la poursuite des protestations, réprimées par la police anti-émeutes.
La violence a éclaté à Bahreïn entre la police et les manifestants, vendredi, quelques heures après les déclarations du grand patron de la Formule 1 selon lesquelles le pays du Golfe Persique était suffisamment sécuritaire pour accueillir un Grand Prix la semaine prochaine. Toutes les 12 équipes auraient assuré Ecclestone qu'elles étaient heureuses de faire le déplacement dans ce petit royaume malgré les tensions politiques persistantes et qu'aucune mesure de sécurité supplémentaire n'a été mise en place. "Il ne se passe rien (à Bahreïn), a déclaré Ecclestone à Shanghai en marge du Grand Prix de Chine. Je connais les gens qui y vivent et c'est très calme et paisible."
Mais des affrontements ont éclaté après les funérailles du militant Ismaël Ahmed, qui selon les autorités a été tué à la fin du mois dernier par des tirs lors d'une manifestation. Mais il est encore difficile de savoir qui a tiré les coups de feu. "Pas de F1, pas de F1. Ils ont tué mon fils de sang-froid", a sangloté la mère de Ismail, Makyia Ahmed, qui a noté que son fils avait été bénévole lors des précédentes courses de F1.
Des bombes incendiaires ont été lancées, vendredi, par certains manifestants, qui scandaient des slogans antigouvernementaux. La police anti-émeute a utilisé des gaz lacrymogènes et des cartouches à plombs pour disperser la foule. Plusieurs personnes ont été blessées.
Les organisateurs avaient annulé la course l'an dernier après une flambée de violence qui a conduit à au moins 50 morts. La répression sévère par le gouvernement sunnite est survenue après que la majorité chiite de Bahreïn eut exigé plus de pouvoir. Les groupes de défense des droits de l'homme ont critiqué le retour de la course cette année et les manifestants ont galvanisé les partisans en scandant des slogans contre la Formule 1, tout en critiquant Ecclestone et les pilotes dans les médias sociaux. Pour autant, soutenu par le Qatar et l'Arabie saoudite, le royaume du Bahreïn maintient sa volonté d'organise cette course que la population dénonce depuis quelque jours.
Amnesty International avertit
Amnesty International a appelé vendredi Bahreïn à libérer immédiatement les prisonniers politiques, dont l'activiste Abdel Hadi al-Khawaja, en grève de la faim depuis plus de deux mois. Dans un rapport préliminaire sur la répression de la contestation à Bahreïn, l'organisation de défense des droits de l'Homme déplore que "rien n'a changé dans ce pays depuis la brutale répression des protestations hostiles au gouvernement en février-mars 2011", amorcées dans la foulée du Printemps arabe.
Elle invite le gouvernement à faire preuve d'"une réelle volonté politique pour des réformes", revendiquées par les chiites, majoritaires dans ce royaume dirigé par une dynastie sunnite. Elle réclame la libération "immédiate et sans condition de tous les prisonniers jugés et condamnés (...) uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d'expression et de réunion, y compris 14 dirigeants de l'opposition", dont sept ont été condamnés à la perpétuité.
Parmi ces sept derniers, figure M. Khawaja qui "serait en danger en mort après avoir observé (depuis plus de deux mois) une grève de la faim pour contester son incarcération", indique l'organisation.
Amnesty déplore que malgré un rapport rendu en novembre par une commission d'enquête indépendante qui a dénoncé "un recours excessif à la force" contre les protestataires, "il n'y a pas eu beaucoup de changement" à Bahreïn où le bilan de la répression des manifestations s'est aggravé à "au moins 60 morts". La répression, en mars 2011, avait fait 35 morts, dont 5 membres des forces de sécurité et 5 détenus torturés à mort, selon la commission d'enquête indépendante. La police continue à recourir à "la force excessive et inutile, notamment du gaz lacrymogène qui a entraîné la mort de plusieurs manifestants ces derniers mois", écrit Amnesty International, affirmant avoir reçu de récents "rapports sur la torture et d'autres mauvais traitements" dans ce pays.
L.M./agences
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