Lakhdar Hamina - Rachid Boudjedra : la rixe !
Marseille, le théâtre de la Criée célèbre les cinquante ans des accords d'Evian. Quelques empans de l'indépendance. Nous sommes face à la mer, c'est la même. Celle d'Alger et celle de Marseille.
Il y a là, en face de mes yeux un ancien premier ministre, Sid Ahmed Ghozali, il y a là Mohamed Lakhdar Hamina, le seul Algérien auquel a été attribué la palme d'or à Cannes. Il y avait là d'autres personnes. Personnages. Un monde qui baignait dans le souvenir de l'Algérie occupée. Désormais indépendante. Il serait inutile et insultant de citer tous ces hommes et toutes ces femmes venus, ici défendre le restant de dignité auquel notre pays peut prétendre.
Subitement, le clash. Hamina, attablé avec Sid Ahmed Ghozali, et Saïd Sadi fondateur du RCD, se lève pour aller aux toilettes. Il fait escale à la table où je me trouve avec Rachid Boudjedra et Nourredine Saadi (juriste et écrivain).
Le cinéaste interpelle le romancier (Boudjedra) : "Nous avons un dossier commun, la prochaine fois qu'on se voit à Alger on en parle." Boudjedra réplique : "Hors de question, s'il y a un dossier, nous l'ouvrons ici, en public." Lakhdar Hamina : "Tu racontes partout que tu es le scénariste de Chroniques des années de braise". c'est faux! C'est Tewfiq Farés et moi qui avons écrit ce film. Je vais d'ailleurs enlever ton nom du générique." Boudjedra, hors de lui, fidèle à ses colères et son être répond : "Su aimes le pouvoir. Tu es du pouvoir. Tu es un milliardaire et un pourri. Enlève mon nom du générique, nous nous retrouverons en justice et je gagnerai."
Lakhdar, vert de rage et de conviction, comme à son habitude ne s'en laisse pas conter : "J'ai écris ce film, j'ai couvé cette histoire, cinq ans avant de te connaître. C'est ton roman «La répudiation » qui a attiré mon regard sur toi. J'ai aimé. Tu es un monsieur de grand talent. Pour mon film, je t'ai demandé de traduire vers l'arabe, les répliques de Miloud, le personnage que j'ai incarné dans le film."
Le jeu dérape lorsque Boudjedra traite Lakhdar Hamina de laquais du pouvoir, d'homme d'argent et d'influence. Lakhdar que je connais et que j'aime me prend à témoin. Je n'ai rien à dire, je ne suis qu'une présence écoutante d'une querelle malheureuse. J'aime aussi Boudjedra. L'homme et l'écrivain. Surtout le poète et le militant.
Hamine et Boudjedra se ressemblent, ils sont frères. Ils se disent des méchancetés, des grossièretés, en public. Là, face à la méditerranée... Lakhdar Hamina a 82 ans, il a envie de jouer du poing. Rachid Boudjedra a 72 ans, il a envie de jouer du poing. L'image de Mammeri, Feraoun, Camus, Kateb ou Mekbel me revient. J'ai assisté à une grosse scène de cinéma. Je me suis noyé dans un vrai chapitre de grande littérature. Je suis ressorti grandi de cette tranche d'histoire. J'aime Lakhdar, j'aime Rachid, j'aime mon pays. Toute cette foule devrait, un jour, pouvoir s'entendre pour nous reconstruire un futur d'où serait élagué Belkhadem.
Meziane Ourad
Commentaires (18) | Réagir ?
Mais qu'ont-ils tous à vouloir se montrer plus agressifs qu'ils ne le sont en réalité. C'est un peu le cas de l'autre énergumene qu'est Yasmina khadra qui voudrait que la terre entiére se prosterne devant le génie incompris qu'il est (comme Néron) La vérité s'est que cette malheureuse Algérie est comme une femme répudiée qui n'a plus d'homme pour la défendre et porter haut sa fierté: elle n'a trouvé que des chefs pour l'avilir et des troubadours pour la mépriser.
Ghozali, Sadi et Hamina sont assis ensemble et Boudjedra à part! Et s'il y avait aussi Yasmina Khadra parmi eux, je sais que ce ne sera pas avec Boudjedra qu'il s’assiérait. Alors, maintenant pourquoi Boudjedra est toujours seul? C'est vrai qu'il y avait Ourad avec lui mais, Boudjedra est un solitaire, intellectuellement, enfin presque. Avec Saadi ce doit être en relation avec l'affaire du colonel Amirouche. L'écrivain n'a pas bien apprécié que le politicien laïc kabyle se mêle trop des zones d'ombre de l'Histoire de l'Algérie. Avec Ghozali, je pense que c'est en relation avec Chadli et le FIS de la haine. Avec Khadra qui n'est pas là, c'est une question de jalousie littéraire. Boudjedra n'aime pas trop aussi que l'on lui fasse trop d'ombre en littérature.
Mais, je sais, par contre, que Boudjedra écoute trop Mohamed Harbi. Et si cet historien avait été dans les parages, il se serait assis en toute connivence avec Boudjedra. Et je pense que la rixe aurait été à ce moment générale. Imaginons maintenant Khadra et Halima donnant des coups de poings à Boudjedra et Sadi, encouragé par Ghozali, tapant sur les deux, Boudjedra et Harbi! Alors ya madame encore à boire.