Syrie : un autre plan de sortie de la violence à la peine

Alors que la diplomatie s'enlise, les bombardements de villages se poursuivent
Alors que la diplomatie s'enlise, les bombardements de villages se poursuivent

Les rendez-vous diplomatiques sur la Syrie se suivent et de ressemblent. Rien de nouveau sous le ciel de Damas en clair. Le pouvoir bombarde toujours la population et les manifestations se poursuivent vaille que vaille.

Encore un plan de sortie de crise destiné à être rangé dans un tiroir déjà plein. Koffi Annan peine à convaincre. Les Amis de la Syrie voulaient donner un ultimatum, un autre, pour que Bachar Al Assad applique le plan qu’il a semble-t-il accepté. Personne n’y croit. Les pays dit arabes sont divisés et la Russie dit carrément niet. Pendant ce temps, les sicaires du tyran de Damas tuent toujours.

Pourtant l'émissaire international Kofi Annan a indiqué lundi 2 avril au Conseil de sécurité de l'ONU que Damas avait accepté de commencer à mettre en œuvre son plan de paix avant le 10 avril, mais cette annonce a aussitôt suscité le "scepticisme" des Etats-Unis. Car le dictateur syrien a déjà promis mille et une fois de retirer ses chars et mille et une fois, il ne l’a pas fait. Alors…

A New York, plusieurs pays occidentaux ont commencé à travailler sur une déclaration du Conseil de sécurité de l'ONU pour prendre en compte cette avancée diplomatique.

Le régime du président syrien Bachar Al-Assad a promis à Kofi Annan d'entamer "immédiatement" un désengagement militaire de façon à l'avoir terminé le 10 avril, a précisé devant la presse l'ambassadrice américaine à l'ONU Susan Rice, dont le pays préside le Conseil en avril. Ces promesses sont contenues dans une lettre adressée dimanche à Annan par le ministère syrien des Affaires étrangères.

Selon Susan Rice, elle stipule que "les forces syriennes commenceront immédiatement" à prendre les mesures suivantes : "Mettre fin à toute avancée et à toute utilisation d'armes lourdes et se retirer des centres de population".

L'adjoint de Kofi Annan, Nasser Al-Qidwa, s'efforce de convaincre l'opposition armée de s'engager à "mettre fin à ses opérations dans les 48 heures suivant une cessation complète des hostilités de la part du gouvernement". Elle a qualifié ces discussions de "constructives" mais n'a pas fait état d'un accord de l'opposition. Pour sa part, le régime syrien n'a mis "aucune condition préalable" à son accord, a-t-elle indiqué.

Les Etats-Unis sceptiques

Susan Rice a toutefois souligné que les Etats-Unis étaient, "par expérience", "sceptiques" sur la volonté du régime syrien de tenir ses promesses, ajoutant que Washington craignait "une escalade des violences" dans les prochains jours. Kofi Annan a lui-même constaté que jusqu'à présent il n'y avait eu "aucun progrès" pour parvenir à un cessez-le-feu, selon les diplomates. L'émissaire international a demandé au Conseil de sécurité d'envisager le déploiement d'une mission d'observateurs pour surveiller la cessation des hostilités. Les 15 pays membres ont exprimé leur "soutien total" au médiateur et se sont déclarés "prêts" à le faire, a indiqué un diplomate à l'Agence France-Presse.

Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni préparaient lundi soir un projet de déclaration du Conseil de sécurité pour officialiser le fait que Damas est prêt à se désengager militairement avant le 10 avril et préparer un déploiement d'observateurs onusiens en Syrie. Le projet de déclaration, qui a moins de poids qu'une résolution, doit être distribué au Conseil mardi avec pour objectif de l'adopter jeudi. Le texte, précise un diplomate, reprendra "la date limite du 10 avril, les préparatifs de l'ONU pour déployer une mission d'observation en cas d'arrêt des violences et la nécessité d'un processus politique" de transition en Syrie.

10.000 morts

La Syrie est secouée depuis plus d'un an par un mouvement de contestation qui s'est militarisé au fil des mois. Les violences ont fait plus de 10.000 morts, dont plus de 7.300 civils, selon un nouveau bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Lundi, le pouvoir a poursuivi sa guerre sans merci contre les rebelles à coups de bombardements, tandis que soldats et déserteurs continuaient à s'affronter, au prix de 34 morts, dont 16 civils, selon l'OSDH.

Le chef du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) Jakob Kellenberger est arrivé lundi à Damas pour une visite de deux jours pour discuter de l'extension de l'aide humanitaire, de la trêve et des visites aux détenus. Alors que le groupe des "Amis du peuple syrien", réuni dimanche à Istanbul, a appelé à fixer "une date limite" pour l'application du plan Annan et défendu le droit à l'autodéfense du peuple syrien, les médias officiels ont qualifié cette conférence de "nouvel échec".

La Russie opposée à un ultimatum

Bachar Al-Assad, seul chef d'Etat contesté à s'être maintenu au pouvoir dans la foulée du Printemps arabe, se targue en effet de l'appui de son armée, d'une partie de la population et surtout de la Russie pour conforter sa position face aux pressions occidentales et arabes. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov s'est encore dit lundi opposé à toute pression sur Damas concernant le plan Annan, estimant que "les ultimatums et les délais artificiels sont rarement utiles".

A l'issue de la conférence, qui ne s'est pas prononcée pour l'envoi d'armes aux rebelles, des responsables de l'Armée syrienne libre (ASL, formée de militaires dissidents) ont exprimé leur frustration.

"La communauté internationale, en tardant à exercer des pressions sur le régime et en empêchant l'armement des rebelles, assume l'entière responsabilité des massacres", a souligné le colonel Kassem Saadeddine, officier rebelle. La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton a néanmoins promis de soutenir l'opposition en terme de moyens de communications, et de verser 12 millions de dollars supplémentaires pour l'aide humanitaire, portant à 25 millions le total de l'aide américaine. Les Américains ont également annoncé qu'ils financeraient à hauteur de 1,25 million de dollars un "Centre d'informations pour la justice en Syrie" chargé de recenser les violations des droits de l'homme.

LM/agences

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