Syrie : pendant que la diplomatie bégaie, les combats toujours intenses

Des morts, des combats violents en Syrie.
Des morts, des combats violents en Syrie.

Les pays réunis en Turquie souhaitent qu'une date limite d'application du plan de Kofi Annan soit définie, la question de l'armement des rebelles reste sans réponse.

Les "Amis du peuple syrien" ont appelé dimanche 1er avril à Istanbul à fixer une "date limite" pour l'application par Damas du plan de paix de Kofi Annan, mais sont restés muets sur l'armement des rebelles, qui ont déploré le temps ainsi donné au régime. Pendant ce temps, les violences ne montraient aucun signe de répit, faisant au moins 40 morts à travers le Syrie, dont 15 membres des forces gouvernementales, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui estime à près de 10.000 le nombre de tués en un an de révolte. Trois civils ont été tués et plusieurs blessés aujourd'hui dans le nord de la Syrie , où l'armée a poursuivi ses attaques pour faire plier les bastions rebelles, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

"Au moins un civil a été tué et huit ont été blessés par des tirs et des éclats d'obus lors d'une offensive lancée lundi matin dans le village de Hass", a précisé l'ONG. Les forces militaires ont incendié les maisons de huit personnes qui avaient fui et arrêté des dizaines de civils dans ce village. Deux autres villages, Deir Soubol et Farkia, ont été pilonnés par les troupes régulières, tuant un adolescent de 16 ans et blessant trois personnes, a-t-elle ajouté. Par ailleurs, un civil a été tué à Alep, deuxième ville de Syrie, par une charge qui a explosé dans la région d'Adonis, près de la faculté d'ingenierie électrique, selon l'ONG.

Front diplomatique

"Le groupe des Amis a salué les efforts de l'émissaire spécial Kofi Annan et a exprimé son soutien à l'application intégrale de son mandat", ont affirmé les 83 pays réunis à Istanbul dans une déclaration finale conjointe. Le groupe a aussi "appelé l'émissaire spécial à déterminer une date limite pour les prochaines étapes, incluant un retour devant le Conseil de sécurité de l'ONU, si les tueries continuent".

CNS, représentant légitime de la Syrie

Le régime de Bachar al-Assad s'est engagé mardi à appliquer ce plan, mais la poursuite des violences laissent de nombreuses capitales sceptiques sur ses intentions. "Presque une semaine s'est écoulée et nous devons conclure que le régime allonge sa longue liste des promesses non tenues", a déclaré la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton. Manifestant la même impatience, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a insisté sur la nécessité de "fixer une limite dans le temps" au régime pour mettre en oeuvre le plan Annan, car "il y a un risque bien sûr d'enlisement".

Le plan de Kofi Annan, absent d'Istanbul, préconise la cessation de la violence par toutes les parties sous supervision de l'ONU, la fourniture d'aide humanitaire aux zones touchées par les combats et la libération des personnes détenues arbitrairement. Les Amis du peuple syrien ont par ailleurs souligné le droit de la population à l'autodéfense, défendu avec véhémence par la Turquie comme un moyen de pression supplémentaire sur Damas.

L'armement des rebelles, et notamment de l'Armée syrienne libre (ASL), réclamé par l'opposition syrienne et des pays arabes, comme l'Arabie saoudite et le Qatar, n'est en revanche pas mentionné. Les Etats-Unis sont opposés à un tel armement. Burhan Ghalioun, le président du Conseil national syrien (CNS), la principale coalition de l'opposition, a toutefois annoncé que son mouvement allait verser des salaires aux membres de l'ASL en lutte contre Damas. "Le CNS va prendre en charge le paiement des salaires fixes de tous les officiers, soldats et résistants membres de l'ASL", composée en majorité de déserteurs, a-t-il déclaré.

Des diplomates ont précisé que trois ou quatre pays arabes, dont l'Arabie et le Qatar, allaient verser des millions de dollars pour ce programme.

Les participants à la conférence - à laquelle étaient absents la Russie, la Chine et l'Iran, alliés de Damas - ont également reconnu le CNS comme "un représentant légitime de tous les Syriens", un geste en deçà des attentes du CNS qui souhaitait être admis comme unique interlocuteur de la communauté internationale.

Les "Amis" ont appelé tous les opposants à se réunir sous l'étiquette du CNS. La conférence va en outre constituer un groupe de travail sur des sanctions à adopter contre le régime syrien, selon sa déclaration finale. Celui-ci se réunira "à Paris sous quinzaine", a précisé M. Juppé. Le chef de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, a également appelé les participants à faire pression sur le Conseil de sécurité de l'ONU pour qu'il prenne des mesures "contraignantes" contre le régime d'Assad.

L'opposition syrienne a salué des avancées lors de cette réunion, comme la "date limite" pour la mise en oeuvre du plan Annan, mais a aussi estimé que la communauté internationale devait être cohérente avec elle-même et se donner à présent les moyens d'aider les Syriens.

"Il faut que la communauté internationale formalise les mécanismes et les moyens de livrer cette aide. De notre point de vue, ça veut dire des voies de passage assurées, des zones protégées, ça implique le déploiement d'une certaine capacité militaire pour protéger ces zones", a déclaré Bassma Qodmani, membre du comité exécutif du CNS.

Le secrétaire du conseil militaire de l'ASL, le capitaine Ammar al-Wawi, contacté par téléphone par l'AFP, a estimé de son côté que la réunion ne faisait que "prolonger la vie" du régime, en ne se prononçant pas pour un armement des rebelles. "Si le plan Annan échoue, il y en aura d'autres, puis on organisera une troisième conférence sur les 'Amis de la Syrie'", a-t-il déploré, en ajoutant : "ce régime ne peut tomber que par les armes".

Pour leur part, les médias officiels syriens ont dénoncé la conférence, en la qualifiant de "tribune pour les ennemis de la Syrie". Le journal du parti au pouvoir, al-Baas, a notamment évoqué "une offensive régionale et internationale (...) afin de parvenir à terme à affaiblir la Syrie".

RN/AFP

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