Maroc : le gouvernement islamiste confronté à sa première crise
Le ciel s'assombrit sur l'économie marocaine sur fond de hausse des prix, d'une croissance en baisse liée à la crise dans la zone euro, principal partenaire du royaume, et d'une campagne agricole compromise par la sécheresse.
Après avoir été estimée à 5%, puis à 4,2% pour l'année 2012, la croissance a été rame-née en début de semaine à 3% (contre 4,8% l'an dernier), selon le dernier rapport de la Banque du Maroc. Ce nouveau recul des prévisions de croissance a été confirmé mercredi par le ministre de l'Economie Nizar Baraka devant un parterre de chefs d'entreprise français et marocains réunis à Rabat pour parler des perspectives d'investissement au Maroc.
Autre mauvaise statistique : l'explosion du déficit budgétaire à plus de 6% du PIB l'an dernier, un record dû aux dépenses de l'Etat en soutien aux prix sur fond de printemps arabe pour apaiser le revendications sociales d'une population majoritairement pauvre.
"Le gouvernement est pris par l'ampleur des problèmes. Il a conduit sa campagne (électorale) dans l'euphorie en suscitant beaucoup d'attentes. Maintenant, il doit passer à la caisse", a déclaré à l'AFP l'économiste Driss Benali. Trois mois après sa nomination par le roi Mohammed VI, l'équipe dirigée par l'islamiste Abdelilah Benkirane affronte ainsi sa première crise et doit jouer avec doigté. Mais sa marge de manœuvre est limitée.
La hausse du pétrole pèse lourdement sur la balance commerciale, qui a enregistré en février un déficit de 3 milliards d'euros, une aggravation de 27,6% sur l'année précédente. >De leur côté, les importations de céréales risquent de doubler au cours de l'année 2012-2013, conséquence d'une campagne agricole lourdement compromise par la sécheresse, souligne un autre rapport récent.
Le Maroc devra probablement importer en 2012-13 davantage de blé qu'il ne l'a fait depuis un demi-siècle, selon un rapport publié le 20 mars par le département américain de l'Agriculture (USDA). Les importations du Maroc, déjà l'un des plus gros importateurs de cette céréale, pour-raient atteindre un niveau record de 5 millions de tonnes (MT) contre 3,2 MT prévues pour 2011-2012, ajoute-t-il.
L'agriculture représente quelque 17% du PIB marocain, et près de 40% de la population vit directement ou indirectement de ce secteur, selon les derniers chiffres officiels.
Pour contenir la contestation engagée dans le sillage du printemps arabe, l'Etat avait quasiment doublé ses dépenses de soutien aux prix prévues dans le budget de 2011. La Caisse de compensation qui gère ces dépenses absorbe aujourd'hui 20% du budget de l'Etat. Le Maroc subventionne les produits de première nécessité, mais d'ores et déjà la sécheresse a provoqué une hausse de denrées alimentaires alors qu'une augmentation des prix de l'essence est attendue.
Contrairement à l'Algérie et à la Libye, le royaume n'a pas de pétrole mais est le premier exportateur mondial de phosphate, ce qui lui assure des rentrées substantielles en même temps que le tourisme et les transferts des marocains de l'étranger. Pour relancer l'économie, la Banque centrale vient d'annoncer une baisse d'un quart de point à 3% son principal taux directeur, en raison d'un "repli sensible" de l'activité écono-mique lié à la crise financière dans la zone euro.
Près des deux tiers des échanges commerciaux marocains se font avec l'Europe, particu-lièrement avec la France et l'Espagne, les deux premiers investisseurs étrangers dans le royaume mous tout deux en crise. "Le gouvernement a créé beaucoup d'attente en achetant la paix sociale à coups de subventions par ci, augmentations de salaires par là et de promesses non tenues. La facture est salée", estime M. Benali. "Il ne s'agit pas d'une crise profonde. C'est une crise de conjoncture, une crise de structure. En attendant qu'elle passe, le gouvernement doit préserver la confiance des citoyens en luttant davantage contre la corruption et l'économie de rente", affirme-t-il.
Un rappeur contestataire de nouveau poursuivi par la justice
Un jeune rappeur marocain qui a déjà été emprisonné puis libéré en janvier dernier, a été poursuivi vendredi pour outrage à la police, a indiqué à l'AFP l'un de ses avocats.
Le rappeur Mouad Belghawat, 24 ans, connu pour ses chansons critiques vis-à-vis de la monarchie, a été arrêté illégalement par trois policiers en civil et présenté vendredi devant un tribunal qui a décidé de le poursuivre, selon Me Omar Bendgelloun, l'avocat du chanteur. Il est accusé d'outrage à un officier public dans le cadre de ses fonctions et à un corps constitué. La prochaine audience est fixée au 4 avril.
Les avocats du jeune rappeur contestataire ont demandé, en vain, qu'il bénéficie de la liberté provisoire. Cette décision traduit un acharnement contre le chanteur. C'est une décision politique, ajoute Me Bendjelloun. Mouad Belghawat a été arrêté et présenté devant le parquet qui décidera de son sort, a déclaré pour sa part une source policière à l'AFP.
En janvier 2012, Moad Belghawat a été condamné à quatre mois de prison ferme pour coups et blessures, lors d'une querelle de voisinage. Mouad Belghawat, surnommé Al-Haqed, qui veut dire le rancunier (bien rancunier) en arabe, est l'un des chanteurs les plus célèbres du Mouvement du 20 février, qui revendique des changements politiques profonds, l'élimination de la corruption et une monarchie parlementaire à l'image de l'Espagne.
Très écoutées sur les réseaux sociaux, les chansons d'Al-Haqed sont critiques à l'égard de la monarchie marocaine et abordent des thèmes liées aux injustices et aux inégalités sociales. Une de ses plus connues critique ouvertement le roi Mohammed VI et dénonce sa fortune. Né dans un quartier populaire à Casablanca, Mouad Al-Haqed était magasinier dans une grande surface.
Commentaires (3) | Réagir ?
Moi ce que je remarque de plus en plus c'est que même les medias dans le pays musulmans utilisent le terme le islamiste !!
Juste une question adressée à l'auteur : c'est quoi un gouvernement islamiste ? Un gouvernement musulman peut être ? Ou un gouvernement terroriste ? Expliquez-moi svp...
Merci
Le Maroc en crise ? Passagère oui mais dans l’avenir il sera ce que l’Algérie a refusé d’être c'est-à-dire un pole d’investissement aux entreprises européennes désireuses de se délocaliser : il a des projets audacieux et sérieux et si l’Algérie a besoin de leçons c’est du Maroc qu’elle doit les prendre.