"Le Mensonge de Dieu" de Mohamed Benchicou vu par Le Monde diplomatique
Le Monde diplomatique consacre un artice au roman de Mohamed Benchicou "Le Mensonge de Dieu"
Le Mensonge de Dieu" est un roman historique qui condense "quatre-vingt-treize années d’exploration tourmentée dans les tréfonds du monde".
Tout au long de l’ouvrage, l’auteur, l’écrivain et journaliste algérien Mohamed Benchicou, rend hommage aux mots voués à lever les tabous des morts. Il le fait à travers le nom donné à la famille dont la saga nous est racontée, appelée "Imeslayene", ce qui signifie "les paroles" en berbère : celles de Yousef Imeslayene, qui a écrit sur un "cahier blanc" l’histoire des siens. C’est ce cahier qui nous est lu par ses enfants et petits-enfants, alors qu’ils sont pourchassés par le Département de renseignement et de sécurité (DRS), les terribles services secrets algériens, au long d’une course-poursuite qui permet d’enchâsser dans le récit une critique politico-sociale de l’Algérie contemporaine.
L’histoire familiale commence avec le grand-père "ensorceleur de dames", qui a quitté son village de Kabylie pour l’Alsace, puis, par amour, a accepté de s’enrôler dans l’armée prussienne en 1870, avant de mourir dans les tranchées de la Grande Guerre en 1915. Il aura fait en tout cinq guerres, en quête d’une liberté qu’il n’aura jamais connue. Cette soif inassouvie, il la lègue à sa descendance, qui poursuivra le combat sans pour autant réaliser l’idéal de l’aïeul. Guerre du Rif, guerre d’Espagne, seconde guerre mondiale, guerre israélo-arabe, guerre d’Algérie… L’une prend fin, une autre commence. Yousef en ressent un tel désespoir qu’il se retire du monde en s’isolant dans un cimetière où il vivra "de l’aumône des affligés et des offrandes des consciences embarrassées".
Dans ce très gros roman, Benchicou interroge l’utilité de l’engagement politique, et cherche à comprendre le retour de la violence dans l’histoire, un thème obsessionnel pour la littérature algérienne. Il se laisse parfois emporter et dominer par son sujet, et, lorsque le militant prend le dessus sur le scribe, le lyrisme s’alourdit. Il aurait sans doute pu resserrer son ouvrage, ce qui aurait au moins évité l’essoufflement de la partie centrale du roman. Du moins essaie-t-il d’ouvrir cette violence au sens, avec des personnages qui font irruption moins comme des modèles historiques, vrais ou vraisemblables, que comme des figures cherchant à se détacher de la "malédiction" qui les condamne à mourir dans les guerres du monde : "Il y a comme une troublante ressemblance avec le calvaire mythique de Sisyphe, il faut sans cesse recommencer. (…) Et cette fois-ci il faut vaincre la malédiction de Sisyphe…"
Le récit de la saga familiale est porté par les usages du nom de "Dieu", qui peut être une utopie meurtrière quand les dirigeants politiques y recourent pour légitimer leur autoritarisme : "A l’indépendance surgiront de nouveaux césars arabes ; ils expliqueront cela par la volonté de Dieu. (…) Ce ne sera pas la première fois qu’ils feront dire un mensonge à Dieu." Le "Tout-Puissant" est également assimilé aux utopies du salut, l’ultime recours des outragés attendant que la justice tombe du ciel : "Contre le désespoir, il ne reste aux misérables que l’espoir du miracle !"
Ali Chibani (Le Monde diplomatique-mars 2012)
Commentaires (7) | Réagir ?
Mohamed Benchicou accueilli par des centaines d’Algériens à sa sortie de prison
Ils étaient venus des murs du silence, du ventre de sa terre ; ils étaient venus des faubourgs populaires et de villages oubliés, de nos plaines vertes et fatiguées, de nos montagnes imperturbables ; ils étaient venus, en jean ou en hidjab, certains en chéchia, d’autres sur leur trente-et-un, des Aurès et du Djurdjura, de son Zaccar et des hameaux nus, de nos cordillères éternelles et de ces contrées perdues où bat le cœur de la nation, ils étaient venus lui redire que ce peuple, de tout temps trahi et abusé, a toujours eu besoin d’une solidarité aussi vaste que l’immensité de ses solitudes. le coeur de beaucoup d'algériens épris de liberté. A vous Mme la ministre Khalida Toumi du drs c'est lamentable dans ses dénégations. Franchement c'est ridicule pour un ministre de mentir de la sorte, on devient des chiffons lorsqu'on est réduit à mentir
Ces hommes et des femmes étaient venus un matin devant la porte d’une prison, non pour sacrifier au rite de l’écrivain crucifié mais juste pour apostropher, au nom d’une vieille convention avec l’avenir, les vanités et les amnésies et rappeler une tenace obsession : la plume libre est la fille des hommes sans voix. Interdiction de lire, interdiction de parler mais comme le chante si bien Pagny personne ne pourra nous enlever la liberte de penser Ce systeme a toujours ete contre tout ce qui reflechit, contre tout ce qui est productif car lui même stérile! Dans beaucoup de pays nombre de dirigeants et de membres de partis editent et ecrivent des que possible des ouvrages sur la realite, sur l'histoire et j'en passe mais qu'en est il vraiment ici chez nous ?Il fut un moment jusqu'en 1987 les intellectuels de ce pays pouvaient recevoir des abonnements realises aupres de la défunte Sned et voila que meme cela a ete supprime On tire sur tout ce qui bouge, on tire tout ce qui pense et par ricochet on veut creer l'involution de notre cerveau en effet au benefice de notre tube digestif et l'ecole algerienne et toutes les etapes qui suivent le font si bien !!!! Qu'en est il Mme La ministre de nos salles de cinemas que nous frequentions lorsque nous avions a peine 15 ans et que l'on debataient alors des films de Jean Luc Godard et de bien d'autres qu'en est il Mme la ministre de nos theatres que l'on renove a coups de milliards et que l'on ferme a jamais! qu'en est il Mme la ministre des bibliotheques qui n'ont jamais ete construites? Ce systeme a voulu nous museler et se permet de réfléchir a notre place alors sachez Mme la ministre que jamais nous accepterons d'etre des zombies et ce dont Dieu nous a pourvu ne peut etre anihiler par ces comportements qui a la limite frisent le ridicule Vive l'Algérie.
Oui, c’est mon modeste accessit, cette matinée tumultueuse devant la porte d’El-Harrach où jubilaient, autour d’une sarabande improvisée, le fils d’un cadre emprisonné à Serkadji, une enseignante d’Annaba, un vieil homme du Djurdjura et un adolescent de Tkout, unis par la fugace euphorie qui naît de l’amitié retrouvée, sur les cendre de l’ancienne solitude. J’ignore comment on va à la rencontre de ces milliers de regards. Ce que je sais, est qu’il est inoubliable et bouleversant, comme dit le poète, d’avoir incarné cet espoir-là, ne serait-ce qu’une minute, aux yeux de tant d’êtres solitaires.
Monsieur Benchicou vous êtes de la trempe de Tahar Djaout. Votre combat n'est pas vain, je vous souhaite une longue vie-
Quand on dit que c'est la volonté de Dieu ce n'est pas faire mentir Dieu. Dieu est une puissance, l'humain est une recrudescence, l'homme qui se dit croyant pense qu'il a été choisi pour telle ou telle mission. L'homme traduira telle ou telle mission en mensonge... Mr Benchicou Mohamed est un grand poète bien rêveur.