Le président malien serait réfugié à l'ambassade américaine
Depuis la nuit de mercredi à jeudi, un groupe d’officiers conduits par le capitaine Amadou Sanogo ont commis un coup d’Etat au Mali.
L’incertitude persiste sur le sort d’Amadou Toumani. Le président est bien à Bamako, dans un camp militaire d'où il dirige le commandement, affirme une source militaire loyaliste. Il est avec sa garde présidentielle. Cependant d’autres sources à Bamako avancent que Amadou Toumani Touré alias ATT se serait réfugié rapidement dans l’enceinte de l’ambassade américaine à Bamako.
Pendant ce temps, un certain cafouillage empreint d’anarchie règne dans ce pays du Sahel. Jusqu’au dernières nouvelles, au moins trois personnes ont été tuées des suite du coup d’Etat. Les mutins conduits par le capitaine Sanogo ont ont fermé les frontières et décrété un couvre-feu nocturne, suscitant une vague de condamnations à l'étranger.
Tout a commencé mercredi, lorsque des soldats se sont mutinés pour réclamer plus de moyens pour la guerre contre les rebelles dans le Nord, immense région désertique également en proie à des activités de groupes islamistes armés, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Le Mali, vaste pays enclavé d'Afrique de l'Ouest, doit faire face à une rébellion touareg meurtrière depuis mi-janvier, qui a provoqué le déplacement de 206.000 personnes au Mali et dans les pays voisins, selon l'ONU.
La mutinerie, partie de la ville garnison de Kita (15 kilomètres de Bamako), a gagné Koulouba (près de Bamako) où se trouve la présidence, puis la capitale et Gao (nord-est), abritant un commandement anti-rébellion de l'armée.
Jeudi, les mutins ont annoncé avoir mis "fin au régime incompétent" du président Touré. Ils ont décrété la dissolution de "toutes les institutions" et un couvre-feu, de 18 heures à 6 heures GMT. Ils ont fermé les frontières du Mali "jusqu'à nouvel ordre" et invité les fonctionnaires à reprendre le travail mardi 27 mars.
Pillages et ministres arrêtés
Dans les combats avec la garde présidentielle près de Koulouba, un mutin a été tué mercredi, selon une source militaire, alors que l'ONG Amnesty International a recensé trois personnes tuées par balles. En deux jours, environ 40 blessés, dont "trois à quatre civils", la plupart touchés par des balles perdues, ont été hospitalisés à Bamako et Kati, selon la Croix-Rouge malienne.
Plusieurs personnes ont été arrêtées, dont des membres du gouvernement de Touré et des chefs militaires loyalistes à Gao, selon des sources concordantes. Les autorités maliennes ont dû gérer ces dernières semaines la colère contre la guerre sur deux fronts : au sein des troupes, qui dénonçaient des soldats mal préparés et sous-équipés face à des adversaires lourdement armés, et au sein des familles de soldats, qui critiquaient une réaction molle et le silence officiel sur les conditions des leurs, dont certains ont été exécutés.
Les putschistes ont fustigé "l'incapacité" du gouvernement "à gérer la crise" dans le Nord, promettant de "restaurer le pouvoir" civil et d'installer un gouvernement d'union nationale.
Jeudi soir, ils semblaient peiner à contrôler des auteurs de saccages et de pillages. Au siège de la radio-télévision publique ORTM, "il ne reste plus une seule caméra", des soldats ont emporté divers biens publics et privés", selon des employés.
La télévision privée panafricaine Africable, basée à Bamako, a vu son signal coupé plusieurs heures, selon un de ses responsables. Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé la "prise en otage" de l'information.
Tombereau de condamnations
Le putsch interrompt un processus électoral qui prévoyait une présidentielle le 29 avril, couplé à un référendum constitutionnel, avant des législatives en juillet. Elu en 2000 et en 2007, Touré devait céder son fauteuil après ses deux mandats, conformément à la Constitution. L'annonce du coup d'Etat a suscité à l'étranger une vague de condamnations, ouvrant la voie à des sanctions contre le Mali. L’Algérie a rapidement condamné le coup d’Etat dans cet Etat voisin. Le Cedeao n’a pas été en reste. A New York, les pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont appelé au "rétablissement immédiat de l'ordre constitutionnel et du gouvernement démocratiquement élu", dans une déclaration lue par l'ambassadeur britannique à l'ONU Mark Lyall Grant.
La France a décidé de suspendre "toutes ses coopérations régaliennes avec le Mali" et demandé le respect de l'intégrité physique du président Touré et la libération des personnes détenues.
L'Union africaine regrette "un sérieux recul pour le Mali et pour les processus démocratiques" en Afrique, et le Nigeria "un revers" pour la démocratie en Afrique. L'Organisation de la conférence islamique s'est dite "profondément choquée". Les Etats-Unis ont demandé "le retour immédiat de l'ordre constitutionnel au Mali", et ont entamé le réexamen de leur aide annuelle de 137 millions de dollars (près de 103,5 millions d'euros). La Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) ont annoncé qu'elles suspendaient leur aide au Mali.
Yacine K./AFP
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